Bien que Cotonou dément toute présence militaire française sur son sol, le Niger justifie ainsi le maintien de la fermeture de sa frontière avec le Bénin.
La situation s'envenime entre le Niger et le Bénin. Arès la sortie médiatique du président béninois Patrice Talon, appelant son homologue nigérien à rouvrir leur frontière commune, si Niamey veut exporter son pétrole depuis le port béninois de Sèmè Kpodji, la partie nigérienne a réagi par le truchement de son Premier ministre.
"Nous avons souverainement décidé de garder notre frontière fermée avec le Bénin pour la bonne et simple raison que nos anciens amis, que sont les Français, sont revenus sur le territoire béninois après leur départ du Niger", a déclaré Ali Mahamane Lamine Zeine le 11 mai dernier.
Le chef du gouvernement de transition, à la faveur d'un point de presse diffusé à la télévision publique, affirmait ainsi la présence en territoire béninois de "plusieurs camps de l'armée française".
"On va leur faire visiter le Bénin"
Les autorités béninoises réfutent cette information. Selon Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement, "le général Tiani (le général Abdourahamane Tiani est le président de transition du Niger, ndlr), qu'il envoie tout ce qu'il a comme médias indépendants au Niger, ils n'ont qu'à venir : on va leur faire visiter le Bénin, depuis Cotonou jusqu'à Malanville, en passant par tous les coins, les axes frontaliers et ils viendront regarder s'il y a une base ici. Une base militaire, ce n'est pas une aiguille dans une botte de foin quand même. Il peut déployer les moyens satellitaires qu'il veut, avec ses alliés militaires du moment pour venir voir si on a une base ici".
La source serait un reportage de 2023
Mais les éléments sur lesquels s'appuient les autorités nigériennes pour confirmer l'existence de camps de l'armée française, au nord du Bénin, sont datés. Ils seraient puisés d'un reportage réalisé en janvier 2023 et diffusé un mois plus tard par France 24, donc plusieurs mois avant le coup d'Etat militaire intervenu en juillet de la même année.
Thomas Dietrich, l'auteur du reportage en question, fustige d'ailleurs l'exploitation tronquée qui a été faite de son sujet.
"Je regrette que mon reportage soit utilisé à des fins de manipulation parce que, effectivement, il pose des questions très importantes qui sont des critiques de la politique française en Afrique et notamment de nos militaires, mais on ne peut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit, déplore Thomas Dietrich. Effectivement, à l'heure actuelle, il n'y a pas de base militaire secrète de la France au Bénin. Il y a eu un moment des militaires français qui ont été présents, et peut-être qu'il y en aura de nouveau à l'avenir, qui étaient présentés comme des instructeurs, mais qui sans doute avaient un rôle plus large que celui de simples instructeurs. Mais au-delà de ça, on ne peut pas dire que des militaires français sont présents."
Retrouver la voie du dialogue
Pour l'analyste politique Distel Amoussou, il ne devrait pas être en principe difficile pour les dirigeants nigériens de se rassurer de la bonne foi de leurs homologues béninois.
Selon lui, "lorsque vous allez sur le site du ministère des Affaires étrangères de la France, vous avez la géolocalisation de toutes les bases militaires de la France dans le monde entier. Je voudrais espérer que la raison prédomine sur les égos pour que très rapidement les autorités des deux pays puissent enclencher le dialogue pour le bonheur des deux peuples."
En attendant, la tension demeure, la frontière est fermée et le pétrole nigérien bloqué.