Afrique de l'Ouest: Tension entre le Benin et le Niger - Tchiani saisira-t-il la main tendue de Talon ?

Abdourahamane Tiani ( à gauche) Patrice Talon (à droite)

Deux mois et demi après la levée des sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) contre le Niger dirigé par la junte qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, les relations entre Niamey et Cotonou tardent à se normaliser. En effet, le Niger rechigne encore à ouvrir ses frontières avec le Bénin, malgré la décision de levée des barrières de l'organisation sous-régionale à laquelle s'est plié avec empressement le pays de Patrice Talon qui espérait une reprise rapide des flux dont l'interruption pesait lourdement sur les économies des deux pays.

Et la tension est d'autant moins prête à retomber que le Niger a récemment accusé, par la voix de son Premier ministre, le Bénin de projet de déstabilisation en intelligence avec la France dont il abriterait « des bases militaires » entraînant des « terroristes » dans le but de l'attaquer. Des accusations fermement rejetées par Cotonou qui n'a eu de cesse de multiplier les initiatives visant à accélérer le processus de normalisation avec son voisin.

Tout porte à croire que les relations entre les deux pays voisins ouest-africains resteront difficiles

C'est dans ce sens qu'à l'issue d'une audience accordée le 15 mai dernier par le président béninois, Patrice Talon, aux responsables de la société chinoise en charge de la construction et de l'exploitation du pipeline d'exportation de pétrole brut nigérien via la station terminale de l'oléoduc de Sèmé-Podji, le Bénin a donné son autorisation pour le chargement des premiers navires dans ses eaux. Et cela, dans un contexte où il avait interdit l'embarquement du pétrole en provenance du Niger au port de Cotonou, tant que ce pays maintenait sa frontière fermée. Une mesure de dérogation « ponctuelle et provisoire » qui se veut autant un signe d'apaisement qu'une volonté de dégel des relations entre les deux pays. La question qui se pose est de savoir si le chef de la junte nigérienne, le Général Abdourahamane Tchiani, saisira la main tendue du président béninois, Patrice Talon.

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La question est d'autant plus fondée qu'au-delà des questions sécuritaires invoquées, tout porte à croire que Niamey a encore du mal à digérer le soutien du Bénin aux sanctions de la CEDEAO qui n'envisageait pas moins qu'une intervention militaire pour déloger le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) du Général Tchiani du palais présidentiel en vue de réinstaller le président déchu, Mohamed Bazoum. Et tant que l'ombre de la France en rupture de ban avec les autorités militaires de Niamey continuera de planer dans cette affaire, tout porte à croire que les relations entre les deux pays voisins ouest-africains resteront difficiles. Pendant ce temps, ce sont les peuples qui continuent de souffrir. Car, autant l'ouverture des frontières était censée profiter au premier chef au Niger rudement éprouvé par le poids des sanctions de la CEDEAO, autant, au regard de l'agitation frénétique des autorités de Cotonou à obtenir la réouverture de la frontière et la collaboration pleine et entière de leurs homologues nigériennes, il faut croire que le Niger n'est pas le seul à pâtir de la situation.

Niamey et Cotonou ne doivent pas se tromper d'ennemi

C'est pourquoi il faut espérer qu'au-delà de ses intérêts, la médiation chinoise puisse porter fruit et contribuer au rapprochement des deux pays, dans l'intérêt de leurs peuples respectifs. C'est pourquoi aussi, quelles que puissent être les rancœurs, on n'appellera jamais assez les dirigeants des deux pays à dépasser leurs ego pour privilégier le bien-être de leurs compatriotes. Et c'est peu dire que pour des pays liés par l'histoire et la géographie, ils ont plus à gagner ensemble qu'en étant divisés. C'est dire si Niamey et Cotonou ne doivent pas se tromper d'ennemi. Toujours est-il que dans le contexte sécuritaire sous-régional actuel, cette guéguerre entre voisins qui se regardent en chiens de faïence, ne profite qu'aux terroristes qui se moquent des frontières dans la commission de leurs basses besognes, au grand désarroi des populations.

En tout état de cause, à l'état actuel des choses, il est difficile de savoir si l'attitude méfiante de Niamey vis-à-vis de Cotonou se justifie réellement par les raisons sécuritaires invoquées, ou si elle procède plutôt de mesures voilées de représailles contre le chef de l'Etat béninois pour son rôle dans la crise qui a opposé les tombeurs de Mohamed Bazoum à la CEDEAO. Mais au-delà de la politique, la raison doit aussi prévaloir. Il appartient donc aux différents acteurs de savoir s'impliquer pour trouver une solution, au plus grand bonheur des populations qui ne demandent qu'à vivre dans la paix et la bonne entente.

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