Pour les avocats, l'intrusion des forces de police dans les locaux de l'ordre des avocats constitue un grave précédent. Ils ont observé hier, lundi, une grève générale.
Le milieu des avocats est en effervescence. Hier, ils ont répondu à l'appel à la grève générale pour protester contre les événements de samedi dernier à la Maison de l'Avocat. Ce mouvement de protestation intervient en effet à la suite de l'appel lancé, dimanche, par l'Ordre des avocats qui a condamné ce qu'il appelle une «agression flagrante» contre ses locaux. L'Ordre des avocats fait référence à l'intervention policière survenue samedi pour exécuter un mandat d'amener et interpeller l'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani.
Laroussi Zguir, président de la section de Tunis de l'Ordre des avocats, a estimé que cette grève se prévaut d'un taux de réussite de 100%, confirmant l'adhésion de la section de Tunis à la déclaration de l'Ordre des avocats tunisiens à la suite de l'intrusion des agents de sécurité dans la Maison de l'Avocat. Et d'ajouter que cette grève, qui se veut civilisée, a exclu les affaires urgentes. Selon lui, cette grève a été observée dans toutes les régions, rappelant la décision de boycotter les audiences durant trois jours.
Rassemblement des avocats
Il faut noter également qu'en marge de cette grève, un grand rassemblement d'avocats a eu lieu hier devant le bureau 29 du tribunal de première instance de Tunis, là où Sonia Dahmani a été auditionnée. Et où un mandat de dépôt a été émis, hier, lundi, à son encontre. L'avocate a été arrêtée à la suite de ses déclarations controversées sur les migrants en Tunisie, lors d'une émission télévisée.
Le juge d'instruction avait refusé vendredi 10 mai 2024 la demande de report de son audition et avait émis un mandat d'amener à son encontre. Dahmani a été renvoyée en vertu du décret-loi 54, plus précisément l'article 23. Lors d'une émission de télévision, sur la chaîne Carthage+, Sonia Dahmani a lancé d'une façon ironique; «de quel pays extraordinaire parle-t-on ?», en réponse à un autre chroniqueur qui venait d'affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne cherchaient à s'installer en Tunisie.
Deux chroniqueurs à la radio et à la télévision ont aussi été placés en détention dimanche. Interpellés samedi soir, le présentateur à la télévision et à la radio Borhen Bessaies et le chroniqueur Mourad Zeghidi «font l'objet d'un mandat de dépôt de 48 heures» qui a été renouvelé hier lundi, selon l'avocat Ghazi Mrabet.
Dans ce sillage, le Conseil de l'Ordre des avocats a rappelé que les locaux de l'Ordre jouissent d'une protection légale spéciale en vertu de la loi, selon les dispositions de l'article 46 du décret sur la profession d'avocat.
Face à cette «agression», le Conseil a appelé à une grève générale dans tous les tribunaux pour cette journée du lundi 13 mai 2024, laissant aux branches régionales la responsabilité d'organiser et de gérer la grève ainsi que de sécuriser les audiences.
Dans des déclarations médiatiques, le bâtonnier, Hatem Mziou, a confirmé également un boycott à l'endroit des officiers de la police judiciaire et de toutes les brigades sécuritaires.
Selon ses propos, l'agression et l'intrusion dans la Maison de l'Avocat doivent être fermement dénoncées, ne devraient pas passer inaperçues et nécessitent la prise de mesures en adéquation avec la gravité de l'agression. «La vigilance reste de mise et tous les avocats doivent se conformer aux décisions des structures du métier. Il faut resserrer les rangs», a-t-il encore dit, mettant l'accent sur l'importance de l'union dans ces circonstances délicates.
Une procédure légale, selon les autorités
Selon les autorités, l'arrestation de Sonia Dahmani a eu lieu conformément à la loi. Le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis, Mohamed Zitouna, a indiqué que le ministère public a chargé les agents sécuritaires d'exécuter le mandat d'amener pour la bonne application de la loi et l'efficacité des recherches en cours, confirmant avoir insisté sur «le respect de toutes les procédures légales».
Zitouna a souligné que les chefs d'accusation contre Dahmani, qui est considérée en état de «fuite», n'ont rien à voir avec l'exercice de la profession d'avocat. En outre, Zitouna a expliqué que Borhen Bessaies et Mourad Zghidi font actuellement l'objet d'une enquête menée par l'une des équipes nationales sous la supervision du ministère public du tribunal de première instance de Tunis, soulignant que les détails de l'instruction dans leur affaire seront dévoilés ultérieurement.