« 60 ans à faire la différence » : le slogan de la Banque africaine de développement a résonné, mercredi à Nairobi, au rythme envoûtant des tambours tribaux et d'une troupe de danseurs kenyans, marquant le début des festivités du soixantième anniversaire de l'institution.
Devant un parterre composé de chefs d'État africains, des gouverneurs des 81 pays membres de la Banque et de nombreux dirigeants d'institutions internationales, des secteurs public et privé et de la société civile réunis dans le cadre de ses Assemblées annuelles 2024, la grande scène du Kenyatta International Convention Centre a vibré sur une chorégraphie tout en couleurs : un guerrier Masaï ouvrait le bal, suivi d'une chanteuse à la voix puissante prônant les valeurs culturelles africaines tandis qu'un narrateur contait l'histoire unique de la Banque depuis l'époque de ses pères fondateurs, en contrepoint d'un film rétrospective projeté sur le grand écran de la salle.
Cette énergie contagieuse entraîna le président kenyan, William Ruto, et le président du Groupe de la Banque, Akinwumi Adesina, à rejoindre spontanément les danseurs sur la scène afin de prolonger la fête à travers quelques pas de danse, avant que de jeunes porte-drapeaux n'honorent les pays membres de l'institution.
Dans un message de bienvenue aux accents intimistes, le secrétaire général du Groupe de la Banque africaine de développement, Vincent O. Nmehielle, a rappelé l'acte de naissance de la Banque en septembre 1964 à Khartoum, au Soudan, lui qui était « né deux mois auparavant (...) Enfant de l'Organisation de l'unité africaine, mon destin était de travailler à la Banque », dit-il sans une pointe d'émotion dans la voix.
Le président du Groupe de la Banque, Akinwumi Adesina, est lui aussi revenu sur le chemin parcouru par l'institution : « En 60 ans, nous avons grandi, obtenu des résultats (...) Depuis les premiers projets en Sierra Leone et au Kenya, la Banque a concrétisé plus de 5 600 projets en Afrique. Ces Assemblées annuelles sont l'occasion de débattre, de faire le bilan de ce que nous avons fait et de réfléchir à ce qu'il nous reste à faire. Une chose est sûre : nous sommes sur la bonne voie ! », a lancé M. Adesina en saluant les réalisations de ses prédécesseurs à la tête de la Banque basée à Abidjan.
Dans une allocution inspirante, M. Adesina a remercié le président du Kenya pour son engagement en faveur de la 17e reconstitution du Fonds africain de développement, le guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement destiné aux 37 pays africains à faible revenu, avant de mettre en lumière quelques-uns des évènements marquants de la Banque - Facilité de réponse au Covid de dix milliards de dollars, augmentation historique du capital de la Banque en 2019, création d'une Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique à Kigali ou encore émissions innovantes sur les marchés de capitaux (titrisation synthétique, capital hybride).
Porte-voix des pays du continent sur la scène internationale, notamment au G7, M. Adesina s'est adressé aux dirigeants africains avec des mots forts : « La Banque africaine de développement est votre Banque. Ensemble, accélérons le développement de notre continent, car l'Afrique mérite le meilleur ! »
Dans le même esprit, le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a salué d'abord « l'excellent travail (de la Banque) pour l'Afrique durant six décennies, au regard de son portefeuille fort consistent dans ses États membres. Merci pour les efforts réalisés en faveur de l'Afrique que nous voulons ! »
M. Faki Mahamat a pointé néanmoins les défis majeurs auxquels les pays d'Afrique sont confrontés, notamment dans le domaine des infrastructures ou de l'énergie, rappelant que 600 millions d'Africains n'avaient toujours pas accès à l'électricité.
« J'encourage la Banque africaine de développement à faire plus, mais elle ne pourra le faire sans le soutien financier et politique des États membres. Une Afrique unie et intégrée doit parler d'une seule voix », a-t-il plaidé, insistant sur la nécessité d'assurer la paix et la stabilité sur le continent, conditions sine qua non d'un développement partagé au service des populations africaines.
Le président kenyan, William Ruto, est revenu sur les résultats du Sommet pour un nouveau pacte financier tenu en juin 2023 à Paris. Il a également tenu à « appuyer le rôle transformateur de la Banque africaine de développement sur le continent. Une forte adéquation existe entre le potentiel de développement de l'Afrique et le financement concessionnel », soulignant notamment le rôle clé du Fonds africain de développement, le guichet de prêts à taux concessionnels du Groupe de la Banque.
Dans son discours à la réunion de l'Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale début mai à Nairobi, le président Ruto avait appelé à une 17e reconstitution substantielle, à hauteur de 25 milliards de dollars, des ressources du Fonds africain de développement.
Lors de la cérémonie, Vincent Nmehielle a présenté la Stratégie décennale 2024-2033 de la Banque avant que le document ne soit remis officiellement au président Ruto, à M. Adesina, M. Faki Mahamat et M. Njuguna Ndung'u, secrétaire d'État du Trésor national du Kenya et gouverneur de la Banque.
Le mot de la fin est revenu à la première vice-présidente du Groupe de la Banque, Bajabulile Swazi Tshabalala, qui a qualifié cette étape des 60 ans de « moment historique », parlant d'un « long cheminement » depuis la fondation de l'institution.
« Nous avons l'espoir d'une réussite pérenne de la Banque », a-t-elle conclu sous une salve d'applaudissements nourris.