C'est, en principe, aujourd'hui, 30 mai 2024, que le président sénégalais, Diomaye Faye, est attendu au Burkina Faso, officiellement pour une visite d'amitié et de travail.
L'évènement est, sans nul doute, d'un intérêt capital pour les deux pays qui, au-delà des hommes qui les ont dirigés à travers les âges, entretiennent de très bonnes relations. Et l'on comprend pourquoi les autorités de la transition du Burkina-Faso invitent les populations à réserver un accueil des plus chaleureux au jeune leader sénégalais qui a pris, il y a peu, les rênes du pouvoir dans son pays grâce au ticket gagnant qu'il a formé avec son mentor, Ousmane Sonko, le leader du PASTEF (Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité).
De quoi sera fait le menu des échanges entre le capitaine Ibrahim Traoré et son hôte du jour ? Telle est la question que de nombreux Burkinabè et les observateurs de la scène internationale se posent. Pour répondre à cette interrogation, il faut dire d'emblée que les questions d'intérêts ne manquent pas pour les deux leaders et au-delà les pays qu'ils dirigent et cela aux plans personnel, bilatéral et sous régional.
D'abord, au plan personnel, il faut rappeler que le Burkina Faso a été un pays de fort soutien à la lutte du PASTEF face au pouvoir de l'ex-président Macky Sall qui, alliant tracas judiciaires et répressions violentes, a tenté de barrer la voie de la présidence aux jeunes panafricanistes.
La visite de Diomaye Faye au Burkina permettra de donner une dynamique nouvelle aux échanges à la fois humains et économiques
Même si officiellement, les autorités de la transition burkinabè n'ont ouvertement pas pris position pour Ousmane Sonko et ses camarades, il n'en demeure pas moins que le parti pris pour le PASTEF dont le combat visait à déboulonner un suppôt de la France dans un contexte très tendu où le Burkina venait de se défaire des liens d'avec l'ancienne métropole coloniale, est bien connu.
L'on a même, par moment, senti des similitudes de langage, dans les discours portés par les dirigeants du PASTEF et les autorités de la transition. Il y a donc une proximité évidente entre les deux dirigeants même si elle n'est actée par aucun document officiel. L'occasion de ce voyage d'amitié et de travail sera donc bonne pour Diomaye Faye de manifester sa gratitude aux Burkinabè pour le soutien dont son parti a bénéficié de leur part mais sans doute aussi de réaffirmer l'idéal commun, même si les méthodes diffèrent fondamentalement de part et d'autre.
La tâche noire dans ces rapports personnels pourrait être le dossier Maître Hervé Kam qui fait partie du collectif des avocats du PASTEF mais qui a des ennuis avec la transition au Burkina. Ensuite, au plan bilatéral, les sujets d'intérêts sont nombreux du fait que les pays ont partagé en commun des moments d'histoire mais parce qu'ils ont en partage le même espace économique. Pour l'histoire, l'on sait que le Sénégal et le Burkina ont appartenu d'abord à la première vaste colonie française du Haut-Sénégal-Niger avant de se retrouver à nouveau dans le cadre global de l'Afrique occidentale française (AOF). Les deux pays ont aussi appartenu à l'éphémère Fédération du Soudan que les leaders indépendantistes africains ont tenté de porter sur les fonts baptismaux au sortir de la période coloniale.
Le voyage de Diomaye Faye au pays des hommes intègres est une visite de coeur et de raison
Ces réalités historiques ont été à l'origine d'importants flux de populations qui ont donné lieu à d'importantes diasporas de part et d'autre. Par ailleurs, partageant le même espace économique dans les organisations régionales comme l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), il s'est développé entre les deux pays un flux non négligeable d'échanges commerciaux.
Jusqu'à une époque récente, la politique visait à développer ces échanges à travers, par exemple, l'organisation des Journées de promotion économique et commerciale (JPEC). La visite de Diomaye Faye au Burkina permettra de donner une dynamique nouvelle à ces échanges à la fois humains et économiques. Mais s'il y a un domaine où le président sénégalais est attendu, c'est au plan de la coopération sous-régionale.
Ce n'est un secret pour personne. L'espace régional est très tendu du fait de la crise entre la CEDEAO et les pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES). L'on sait qu'aux lendemains de sa prise du pouvoir, le jeune président sénégalais s'était engagé à travailler à renforcer les organisations de coopération sous-régionale. Le prenant donc au mot, le président nigérian, par ailleurs président en exercice de l'organisation ouest-africaine, Bola Tinubu, lui avait demandé d'oeuvrer au retour du Burkina, du Niger et du Mali dans l'espace CEDEAO.
Sans nul doute que Diomaye Faye va se mesurer, à l'occasion de sa visite, à cet exercice pour le moins délicat. La question que l'on peut se poser alors est la suivante : quelles sont les chances de succès pour le président sénégalais ? Il est difficile de répondre avec exactitude à cette question mais il n'est pas impossible que l'homme parvienne à rapprocher les positions des uns et des autres surtout que l'AES et la CEDEAO ne sont pas forcément antinomiques.
L'un dans l'autre, l'on peut dire que le voyage de Diomaye Faye au pays des hommes intègres est une visite de coeur et de raison. Et c'est d'ailleurs tant mieux pour le Burkina et les autres pays de l'Alliance des Etats du Sahel qui brisent ainsi, de fait, le mythe selon lequel ils sont des Etats infréquentables parce que sont dirigés par des putschistes en rupture de ban avec l'ordre démocratique.