Les mécanismes indépendants de sanctions de la Banque africaine de développement, mis en place pour améliorer sa gouvernance, son environnement de contrôle et de responsabilisation sont efficaces mais restent confrontés à d'importants défis. C'est ce qu'ont noté mardi 28 mai 2024 à Nairobi, des juges siégeant au sein de ces différents mécanismes.
Justice Epuli Mathias Aloh, président du Tribunal administratif du Groupe de la Banque, Justice Leona Valerie Theron, juge au Tribunal administratif, Justice Smokin Charles Wanjala, commissaire aux sanctions, Julius Nkafu, membre du Conseil d'appels des sanctions, et David Simpson, directeur du Mécanisme indépendant de recours, s'exprimaient lors d'un panel sur le thème « Rôles et responsabilités des mécanismes indépendants de reddition de comptes du Groupe de la Banque africaine de développement », tenu en marge des Assemblées annuelles 2024 du Groupe de la Banque africaine de développement.
« Au départ, la Banque ne disposait pas d'un Tribunal administratif. Au fil des années, nous nous sommes rendu compte que les personnes suffoquaient. Elles saisissent en interne et après ne savaient plus qui saisir. Parce que la Banque a une immunité. Le tribunal devrait exister pour constituer le dernier recours », a expliqué Me Aloh. Pour lui, disposer d'un organe juridique de ce genre constituait une nécessité pour la Banque. « Toute personne qui travaille pour la Banque doit pouvoir saisir ce tribunal et je ne me souviens pas d'une décision prise par cette juridiction qui ait été rejetée par la direction de la Banque », a-t-il indiqué.
Le Tribunal administratif est un organe indépendant de la Banque africaine de développement. Ses décisions sont exécutoires, définitives et sans appel. Il est composé de six juges, dont trois forment le quorum des sessions.
« Une fois que les juges sont nommés, la direction de la Banque est impliquée, mais après il n'y a pas de relations. Les juges sont indépendants. Toutes les requêtes que nous avons soumises ont été prises en compte de façon positive. Nous avons une institution crédible, bien perçue. Les employés ont foi en nous et en l'intégrité du tribunal », a ajouté Me Theron.
Pendant les 60 dernières années, la Banque africaine de développement a été ainsi à l'avant-garde en matière de promotion de la redevabilité en se dotant de mécanismes efficaces qui permettent à des experts indépendants et externes très expérimentés de vérifier le respect de l'État de droit lors de leurs missions respectives et de faire adopter des pratiques optimales dans les activités de la Banque.
« Chaque mécanisme de reddition de comptes a un rôle juridictionnel spécifique à la Banque. Cela fait quatre ans que je suis commissaire aux sanctions et je n'ai pas perçu de chevauchement dans notre fonctionnement. Chaque mécanisme a été conçu de manière très efficace, a affirmé pour sa part Me Wanjala. Le bureau des sanctions est mis sur pied dans le but de sanctionner ou de punir les entités impliquées dans des pratiques susceptibles d'être sanctionnées. Nous essayons d'avoir une cohérence dans nos décisions et celles des bureaux des sanctions. Avant, nous accordons du temps aux entités susceptibles d'être sanctionnées pour s'expliquer. Cela peut changer une décision. »
Pour Me Nkafu, les mécanismes indépendants de sanctions constituent véritablement une sécurité supplémentaire et nécessaire à la Banque. « C'est mieux d'être à l'abri que de regretter ce que l'on a fait. L'institution est immense et elle dispose de l'immunité. Il est bon d'avoir cette structure et la maintenir pour le bien de ceux qui ont besoin d'un recours », a-t-il affirmé.
« Nous essayons de voir où nous pouvons avoir de la plus-value. La reddition de comptes est une devise que nous recherchons. Nous avons opté pour une résolution pacifique des plaintes. Il y a plus de personnes qui ont recours à nos services et elles ont confiance en nous », a indiqué M. Simpson.
Mais au-delà de la qualité du travail réalisée par ces différents mécanismes indépendants de sanctions, des défis se présentent à eux. « Il nous faut maintenant savoir comment nous sommes pertinents. Les choses changent sans arrêt. Est-ce que nous sommes suffisamment réactifs ? Est-ce que nous sommes dynamiques ? Comment mesurer nos performances ? Voici autant de questions que nous nous posons », a résumé Me Theron.
À propos du Mécanisme indépendant de recours : Le Mécanisme indépendant de recours (MIR), administré par l'Unité de vérification de la conformité et de médiation (BCRM), a vocation à permettre à tous ceux qui ont subi un préjudice lié à un projet financé par le Groupe de la Banque africaine de développement, d'introduire une requête pour demander à la Banque de se conformer à ses propres politiques et procédures en vigueur. Dispositif indépendant, il intervient sur demande, lorsque certaines difficultés n'ont pu être réglées par la direction de la Banque africaine de développement. Le Mécanisme indépendant de recours agit comme un système de recours.
À propos du Bureau de l'intégrité et de lutte contre la corruption : Conformément aux objectifs du Groupe de la Banque africaine de développement visant à favoriser la croissance économique et le progrès social en Afrique, le Bureau de l'intégrité et de lutte contre la corruption permet de gérer efficacement l'expertise et les ressources nécessaires pour remplir son mandat de prévention et d'enquête anti-corruption, de renforcer l'intégrité et la lutte contre la corruption au sein de la Banque et dans l'ensemble de ses opérations et d'oeuvrer de concert avec les parties prenantes internes et externes pour lutter contre la fraude et la corruption dans le contexte du développement.
À propos du Tribunal administratif : Le Tribunal administratif est un organe indépendant de la Banque africaine de développement. Le secrétariat du Tribunal est dirigé par un secrétaire exécutif nommé par le président du Groupe de la Banque africaine de développement, après consultation du président du Tribunal. Le Tribunal administratif est compétent pour connaître et statuer sur toute requête d'un membre du personnel, qui conteste une décision administrative relative à l'inobservation de son contrat d'engagement ou de ses conditions d'emploi.