Ile Maurice: La nouvelle stratégie engluée dans un imbroglio politique

Vue de Port Louis, la capitale de l'île Maurice (archives)

Mission quasi impossible pour Navin Beekarry, directeur général de la FCC, nouvel instrument de l'État mauricien pour démontrer au monde qu'il veut hausser d'un ton le niveau de sa lutte contre la criminalité financière en prévision d'une évaluation de cette démarche en 2027. Il lui faudra donc démontrer que la commission n'est pas un instrument que le gouvernement utilisera contre ses adversaires.

Cette perception qui en ce moment contraint la Financial Crimes Commission (FCC), nouvellement instituée avec la promulgation de la Financial Crimes Commission Act de 2024, d'évoluer sur une plate-forme qui ne devrait pas être la sienne, celle de la politique active, a pris toute son ampleur vendredi dernier. C'était la première sortie de son directeur général, Navin Beekarry, pour une campagne de sensibilisation visant à amener ses proches partenaires à prendre connaissance de ce que la nouvelle loi changera dans leur mode opératoire pour la lutte contre les crimes financiers.

Ce partenaire n'était ni plus ni moins que la Banque de Maurice (BoM), le régulateur des services bancaires et monétaires. Vendredi était donc un jour déterminant pour les entités tributaires de son autorisation pour opérer.Durant la première partie de cette rencontre, l'attention était orientée vers la nécessité pour la juridiction mauricienne de démontrer que ses services financiers opèrent selon les normes internationales soutenues par le Groupe d'action financière, qui veille au grain que les pays engagés dans des services financiers ne se transforment pas en paradis fiscal pour ceux qui veulent blanchir l'argent sale ou organiser un système pour financer des activités liées au terrorisme.

Cependant, à la fin de cette première partie, les représentants des médias n'avaient de yeux que pour Navin Beekarry. Un des thèmes qui a dominé son interrogatoire est la posture de la FCC par rapport à Navin Ramgoolam sur qui pèse une allégation de possession de richesses non encore établie. Et pour cause. La mise en opération de la FCC semble pour certains être intervenue au mauvais moment. En fait, l'Integrity Reporting Services Agency (IRSA) avait sommé Navin Ramgoolam d'expliquer la provenance de «richesses inexpliquées» et avait saisi la Cour suprême pour obtenir un unexplained wealth order qui l'aurait obligé à dévoiler la provenance de ces biens visés sous la Good Governance and Integrity Reporting Act de 2015.

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La juge Shameem Hamuth-Laulloo n'a pas accédé à cette demande car l'ex-Premier ministre n'a pas refusé d'expliquer leur provenance mais a avancé qu'il s'agissait de son salaire, d'argent empoché légalement pour couvrir ses frais de déplacement à l'étranger, et de dons destinés à son parti.Cependant, l'information qui aurait poussé certains à estimer que la FCC pourrait être utilisée contre un adversaire du gouvernement a été fournie en cour le mercredi 26 juin par Me Ali Hajee Abdoula, représentant de l'ex-IRSA. Il devait déclarer que Navin Ramgoolam serait confronté à une nouvelle demande d'explication sur ses «richesses» à l'origine non établie par la FCC qui a absorbé l'IRSA sous la nouvelle loi. Fort de sa victoire en Cour suprême, Navin Ramgoolam a initié des amendements à sa plainte constitutionnelle pour diriger les arguments de sa défense contre la FCC.

Navin Beekarry a pour sa part été bon joueur et n'a pas tenté d'esquiver les questions des journalistes. «Il est prématuré de penser que Navin Ramgoolam sera arrêté. Ils ont tort ceux qui croient qu'une institution comme la FCC a été créée pour s'attaquer à un individu. Il faut cesser d'entretenir de telles idées contre une institution dont le principal objectif consiste à combattre les crimes de nature financière.» Il a dit trouver dommage que certains aient donné une couleur politique à la démarche d'une institution appelée à examiner un cas qui tombe sous ses responsabilitéset sans préjugé contre qui que ce soit. Il a réitéré que la préoccupation principale de la FCC est de prouver à la communauté internationale lors de l'évaluation prévue en 2027 que le pays s'est hissé aux normes d'opération internationales qu'elle s'est fixée pour devenir la juridiction financière phare de la région.

Vu que son champ d'activité n'a pas de proximité directe supposée ou indirecte avec cet imbroglio juridico-politique, Sadhna Sewraj-Gopal, second deputy-governor de la BoM, a eu plus de chance que son partenaire du jour. C'est ainsi qu'elle a pu situer la rencontre comme l'expression de la volonté du régulateur bancaire d'inviter les représentants d'entités disposant d'une licence d'opération à prendre connaissance des nouvelles dispositions de la FCC Act visant à doter le pays des moyens appropriés pour affûter davantage sa lutte contre les crimes financiers.

«La tenue de cette activité conjointeest l'illustration même de la détermination de la BoM et de la FCC d'unir leurs efforts dans le combat contre les crimes financiers et de prendre des initiatives devant favoriser une compréhension des obligations dont fait état la FCC Act. C'est une démarche qui va certainement contribuer à améliorer l'efficacité des mesures mises en place jusqu'ici pour mieux lutter contre les risques liés au blanchiment d'argent sale et au financement du terrorisme», devait-elle souligner.Aussitôt la FCC Act promulguée, a-t-elle ajouté,la BoM a sans tarder effectué une révision des orientations émises jusqu'ici par rapport au combat contre ces deux fléaux.

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