C'est aujourd'hui, 15 juillet 2024, que les Rwandais inscrits sur les listes électorales, sont invités à départager dans les urnes, Paul Kagamé (PK), candidat à sa propre succession pour un quatrième mandat de cinq ans, et ses deux adversaires depuis l'élection de 2017, Franck Habineza, chef de la seule formation d'opposition autorisée (le Parti démocratique vert), et l'indépendant Philippe Mpayimana.
On se croirait face à un remake de la dernière élection, à la seule différence que cette fois-ci, le scrutin présidentiel est doublé des législatives. Et sauf tremblement de terre de forte magnitude dans les collines rwandaises, les résultats ne devraient pas être différents de ceux de l'élection de 2017. En effet, l'homme connu sous le sobriquet de l'homme mince de Kigali, sans que cela ne fasse l'ombre d'aucun doute, va l'emporter haut la main face aux deux autres candidats qui lui servent de motards d'escorte dans cette course à la magistrature suprême dont la campagne a déjà annoncé la couleur avec ses meetings géants inondés de t-shirts et de casquettes à l'effigie du FPR et de « PK », là où ses rivaux peinent, eux, à rassembler une centaine de personnes -- la plupart venant en curieux. L'élection est donc déjà pliée avant même qu'elle ne soit entamée, même s'il reste à savoir si l'on va vers le score stalinien des 98% de 2017.
Une élection dont les résultats sont connus d'avance
La première raison, bien évidente, est d'ordre historique. Ayant mis fin au génocide des Tutsis en 1994, Paul Kagamé, aujourd'hui âgé de 66 ans, est considéré comme le père-fondateur du Rwanda moderne. La nouvelle victoire qui se profile à l'horizon, est une traduction dans les urnes de la légitimité historique dont il bénéficie de la part des Rwandais dont 65% ont moins de 30 ans et n'ont connu que Paul Kagamé comme président. La seconde raison de la prochaine victoire de PK à cette élection, est certainement son bilan.
Acteur d'un spectaculaire redressement économique de son pays avec un taux de croissance qui a parfois toisé les 8% par an, l'homme a fait du Rwanda un modèle de stabilité économique et politique au point de susciter l'admiration des Occidentaux qui, habituellement très regardants sur les questions de droits de l'Homme, ont opté pour le silence face à l'un des plus grands prédateurs contemporains des libertés individuelles et collectives sur le continent africain.
La forte croissance économique s'est accompagnée d'une amélioration substantielle du niveau de vie des populations dont l'accès aux services sociaux de base, s'est largement agrandi. A titre illustratif, le taux brut de scolarisation est de 100%. Le bilan de PK parle donc en sa faveur face à ses deux challengers qui auraient déjà fait des progrès considérables dans un environnement qui leur est fortement défavorable voire hostile, s'ils parviennent à maintenir leurs scores de 2017 qui étaient de 0,48 % des voix pour Franck Habineza et 0,73 % pour Philippe Mpayimana. Mais comme le dit le proverbe, « il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ».
L'enjeu principal de ce scrutin n'est pas de savoir qui l'emportera mais le taux de participation
La gouvernance de Paul Kagamé présente de grosses taches noires que pourraient exploiter les deux opposants pour augmenter leur capital de sympathie auprès de leurs compatriotes. La première de ces taches et sans doute la principale, c'est la question de la démocratie et du respect des libertés individuelles dont le président Paul Kagamé s'en soucie comme d'une guigne.
En effet, l'homme fort de Kigali a verrouillé le système politique de son pays en mettant sur pied un parti-Etat qui, par son omniprésence dans toutes les sphères de la Nation, a vidé le Rwanda de toute substance démocratique. A titre illustratif, l'organe chargé des élections, inféodé au parti s'est chargé, en amont de l'élection, de débroussailler le champ pour le laisser libre à Kagamé en recalant des figures de l'opposition comme Victoire Ingabire, Bernard Ntaganda et autre Diane Rwigara qui ont survécu à la purge.
La liberté d'expression qui est le pendant de la démocratie, est une chimère au Rwanda. Or, il est bien connu que l'homme ne vit pas que de pain, mais aussi de liberté. De cette liberté si chère à l'espèce humaine, qui n'a pas de prix et qui fait la dignité de l'Homme. Car, l'esclave qui mange à sa faim mais qui n'est pas un homme libre, ne saurait se satisfaire de son sort.
L'autre tache noire de l'homme mince de Kigali, est, sans doute, les accusations dont il fait l'objet dans la guerre qui se mène dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Réputé pour avoir instauré la stabilité politique dans son pays, il ne peut cependant se prévaloir de cette qualité pour ses voisins qui le présentent comme un pyromane.
Et cela n'augure certainement pas de bonnes perspectives pour l'environnement sous- régional dont l'importance n'est plus à démontrer pour la qualité de vie au Rwanda qui, il faut le rappeler, est un petit pays enclavé, sans le moindre littoral. Cela dit, l'enjeu principal de ce scrutin n'est pas de savoir qui l'emportera mais le taux de participation à une élection dont les résultats sont connus d'avance. Ce sera le principal indicateur à surveiller pour Paul Kagamé. Car, c'est le seul capable de le renseigner sur la soif de changement de son peuple.