#EndbadGovernance (« mettre fin à la mauvaise gouvernance »). C'est le mouvement lancé sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines au Nigeria où la rue gronde contre le président Bola Tinubu.
En cause : les politiques libérales recommandées par le Fonds monétaire international (FMI), qui ne passent pas au sein des populations. Et le 1er août 2024 était le jour choisi par les manifestants pour lancer leur vaste mouvement de colère contre le chef de l'Etat et l'interpeller par rapport à sa politique qui est loin de faire le bonheur de ses compatriotes confrontés à la vie chère, et qui vivent mal la suppression de certaines subventions publiques.
Notamment, celle sur les carburants, qui a entraîné une forte inflation dans un contexte d'insécurité liée au terrorisme dont les effets pervers impactent négativement les activités de populations privées de leurs terres et autres outils de production. C'est dire combien le 1er août 2024 était jour de fortes appréhensions au Nigeria où certaines chancelleries occidentales ont appelé leurs ressortissants à la prudence. Il en va ainsi du Royaume-Uni qui a déconseillé tout voyage dans au moins sept Etats fédérés de la région septentrionale du pays, au moment où les Etats-Unis et le Canada demandaient à leurs ressortissants d'éviter « les foules » et « les manifestations ».
Avec ce mouvement qui mobilise la jeunesse, il y a péril en la demeure
Cela traduit toute la gravité de l'heure et de la situation au Nigeria où les risques de violences sont sources d'inquiétudes pour les élites politiques, traditionnelles et religieuses qui ont lancé des appels au boycott du mouvement pour ne pas ajouter de la tension aux tensions sociopolitiques déjà existantes dans le pays. Même au sein de la population, certains citoyens disent soutenir la cause tout en se démarquant du mouvement.
C'est dire le danger que ces actions de foules représentent dans ce pays où, pour reprendre les propos des autorités d'une chancellerie occidentale, « même les manifestations pacifiques peuvent devenir violentes à tout moment ». Toujours est-il qu'à en juger par les craintes des uns et des autres, il y a des raisons de croire qu'avec ce mouvement diversement apprécié mais qui mobilise la jeunesse, il y a péril en la demeure. Bola Tinubu est-il alors en sursis ? La question mérite d'autant plus d'être posée que l'on se demande jusqu'où ira le mouvement de protestation.
Une solution alternative sera-t-elle trouvée à l'effet de calmer les ardeurs des croquants ? Ou bien le mouvement contribuera-t-il à exacerber les tensions et à installer le pays dans une chienlit dont on ne connaît ni l'ampleur ni l'issue ? Bien malin qui saurait, pour l'instant, répondre à ces interrogations. En attendant, un an après son arrivée au pouvoir, c'est peu dire que le président Bola Tinubu est mal barré.
Pris qu'il est entre le marteau de son peuple et l'enclume des exigences du FMI. Cela est d'autant plus vrai que ces mouvements d'humeur à répétition de ses compatriotes tendent à mettre clairement aujourd'hui en cause sa politique. Et on se demande si un changement de cap est encore possible pour le locataire de Aso Rock Presidential Villa, quand on connaît l'intransigeance des institutions de Bretton Woods sur leurs principes.
Il revient au président Tinubu de savoir rester à l'écoute de son peuple
C'est à se demander si le successeur de Muhammadu Buhari n'est pas en train d'être rattrapé par la réalité du terrain. Quoi qu'il en soit, au rythme où vont les manifestations sur fond de mécontentement grandissant des populations, on se demande si le natif de Lagos tiendra son mandat jusqu'au bout.
Et les élites politiques, traditionnelles et religieuses qui sont opposées au mouvement, semblent d'autant plus avoir flairé le danger qu'au-delà des violences qui pourraient mettre la vie des citoyens en danger et perturber l'ordre public, elles craignent que les manifestations ne soient exploitées par des groupes malintentionnés désireux de semer le chaos et déstabiliser le pays.
En tout état de cause, il revient au président Tinubu de savoir rester à l'écoute de son peuple qui lui a accordé sa confiance dans les urnes, pour trouver des solutions à ses problèmes. Et aujourd'hui, il ne fait pas de doute que la hausse du coût de la vie suite à la suppression des subventions sur les hydrocarbures, reste une véritable équation pour de nombreux Nigérians.
Pour le reste, ce n'est pas demain la veille que les différentes politiques de la Banque mondiale et du FMI cesseront de susciter des débats en Afrique où leurs approches, dans leur mission de promotion de la stabilité économique et de soutien au développement, paraissent bien trop souvent excessivement contraignantes.
Et si ces institutions ont souvent contribué à des projets de développement à long terme ayant permis, entre autres, la construction d'infrastructures d'utilité publique, les effets négatifs des Programmes d'ajustement structurel (PAS) sur les économies locales et les conditions strictes attachées aux prêts qui ont parfois contribué à aggraver les problèmes de surendettement des pays africains, resteront, pour longtemps encore, les points noirs de leur politique. C'est dire s'il revient aussi à ces institutions de revoir parfois leur copie.