L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a exhorté, mardi, la communauté internationale à augmenter le financement des agences humanitaires, en réponse à la plus grande crise de déplacement au monde au Soudan, avertissant que l'inaction pourrait coûter la vie à des dizaines de milliers de personnes dans ce pays d'Afrique du Nord-Est.
L'OIM n'a reçu que 20 % des 317 million de son Plan de réponse visant à apporter une aide cruciale aux Soudanais, déjà éprouvés par les conflits et désormais confrontés à la faim, aux maladies et aux inondations. « La communauté internationale n'en fait pas assez », a déclaré depuis Port-Soudan, Mohamed Refaat, Chef de mission de l'OIM au Soudan, lors d'un point de presse régulier de l'ONU à Genève.
« Sans action globale immédiate, massive, et coordonnée, nous risquons d'être témoins de la mort, évitable, de dizaines de milliers de personnes dans les mois à venir », a-t-il ajouté, relevant qu'environ une personne sur cinq a été déplacée au Soudan, avec 10,7 millions de personnes déplacées internes et 2,3 millions ayant fui au-delà des frontières.
Sur le terrain, les services de base, notamment la santé, l'eau, l'assainissement et les services de protection spécialisés, sont en train de s'effondrer. Les restrictions d'accès à l'aide humanitaire ont sévèrement limité la capacité des organisations d'aide à intensifier leur action et à sauver des vies, en particulier pendant la saison des pluies actuelle.
Une crise après l'autre
« Ces conditions désastreuses persisteront et s'aggraveront si le conflit et les restrictions d'accès à l'aide humanitaire se poursuivent », a insisté M. Refaat, soulignant que la famine et les inondations sont venues s'ajouter à une longue liste de défis auxquels sont confrontés des millions d'habitants de ce pays ravagé par la guerre.
« Le peuple soudanais est confronté à une crise après l'autre, sans qu'aucune fin ne soit en vue.
Chaque jour - et il semble que ce soit presque chaque heure - la situation au Soudan s'aggrave (...). Nous avons tiré la sonnette d'alarme en avril, avertissant que le Soudan était au bord de la catastrophe. Ce point de rupture a maintenant été dépassé », a-t-il affirmé.
La guerre oppose depuis avril 2023 l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo. Ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts, et provoqué une crise humanitaire majeure, poussant le pays au bord de la famine, selon l'ONU.
Alors que des pluies torrentielles ont frappé depuis juin dernier le nord et l'est du pays, affectant plus de 73.000 personnes, la faim a atteint des niveaux « catastrophiques, sans précédent depuis la crise du Darfour au début des années 2000 ».
Presque toutes les personnes déplacées au Soudan (97 %) se trouvent dans des zones où l'insécurité alimentaire est aiguë ou pire.
Course contre la montre
Au cours des trois prochains mois, l'ONU estime que 25,6 millions de personnes seront confrontées à une grave insécurité alimentaire à mesure que le conflit s'étend et que les mécanismes de survie s'épuisent. Nombreux sont ceux qui luttent pour mettre de la nourriture sur la table tous les jours.
La combinaison de l'insécurité alimentaire et des déplacements est susceptible de déclencher de nouveaux mouvements transfrontaliers, avertit l'OIM
Or ce conflit est « d'une brutalité effroyable », marqué par « un ciblage ethnique des civils et d'horribles massacres ». Tandis que la violence continue de s'intensifier et de s'étendre, des centaines de milliers de personnes ont été assiégées à Al Fasher au cours des derniers mois du conflit.
Dans l'État de Sennar, nouvelle ligne de front du conflit dans l'est du Soudan, a poussé environ 726.000 personnes hors de leurs foyers. Pour beaucoup, ce n'est pas la première fois qu'ils sont forcés de fuir à cause de la guerre.
« N'oublions pas que chaque jour qui passe, c'est autant de vies perdues, de rêves brisés et d'avenirs volés. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre », a insisté le Représentant de l'OIM, rappelant qu'il faut agir maintenant.
Des dizaines de milliers d'enfants risquent de mourir au Soudan
En écho à ces avertissements de l'OIM, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) prévient que « si rien n'est fait, des dizaines de milliers d'enfants risquent de mourir dans les mois à venir au Soudan ».
« Et ce n'est pas le pire des scénarios. Si une maladie se déclare, nous verrons la mortalité monter en flèche. La maladie est notre plus grande crainte. En cas d'épidémie de rougeole, de diarrhée ou d'infections respiratoires, les perspectives terrifiantes pour les enfants du Soudan s'aggravent considérablement », a déclaré lors d'un point de presse, James Elder, porte-parole de l'UNICEF à Genève.
D'autant qu'avec les fortes pluies et les inondations, ces maladies se répandent comme une traînée de poudre. C'est pourquoi, aujourd'hui, les enfants du Soudan ont un besoin urgent d'un accès humanitaire sûr et sans entrave, par tous les itinéraires.
La plus grande « crise de déplacement d'enfants au monde »
« Il faut traverser les lignes de conflit. C'est particulièrement le cas au Darfour. Khartoum, le Kordofan et les frontières du Soudan. Les populations ont besoin du respect du droit international et des droits de l'homme, d'une hausse massive du financement des donateurs pour empêcher l'effondrement des systèmes essentiels dont dépendent les enfants ».
Dans les endroits où la présence humanitaire est tout simplement refusée, 5 millions d'enfants ont été contraints de fuir leur foyer. C'est un nombre « stupéfiant » de 10.000 filles et garçons contraints de fuir quotidiennement leur foyer pendant les quelque 500 jours qu'a duré cette horrible guerre.
Ce qui en fait le « plus grand déplacement de population au monde », et certainement la « plus grande crise de déplacement d'enfants au monde ».
« En fermant les yeux sur le Soudan et en ignorant les immenses souffrances, les belligérants et la communauté internationale perpétuent un dangereux précédent d'apathie mondiale à l'égard des enfants », a conclu le porte-parole de l'UNICEF.