Il y a une année, presque jour pour jour, au Gabon, il s'était opéré une révolution de palais qui a mis fin au règne de la dynastie des Bongo qui a duré près d'un demi-siècle.
En effet, alors que le président, Ali Bongo, qui a succédé à son père en 2009, venait de réussir à se faire élire pour un troisième mandat à la tête du pays, il est déposé par un groupe de militaires avec à la tête, le chef de la garde présidentielle, le Général Brice Oligui Nguema. Le Comité pour la transition et la restauration (CRTI) qui est l'organe politique mis en place par les soldats putschistes annonce la fin de la mainmise du clan Bongo sur le Gabon.
Le prétexte invoqué pour interrompre le processus démocratique, est, pour reprendre l'expression même des mutins, « les élections tronquées ». Et l'argument semble avoir fait mouche. Car, contrairement aux coups de force militaires qui se sont opérés en Afrique de l'Ouest, notamment au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger, qui ont suscité de vives réprobations de la part de la communauté internationale qui n'a pas hésité à sortir l'arme des sanctions, le coup d'État au Gabon a bénéficié relativement d'un accueil favorable.
Ceux qui rêvaient du scenario des militaires qui viennent mettre de l'ordre dans la maison et se retirer, peuvent désenchanter
Sans nul doute parce que cette communauté internationale, excédée par les trucages électoraux au Gabon, gardait toujours en mémoire, le souvenir de la crise électorale de 2016 qui a failli virer au bicéphalisme avec le candidat malheureux Jean Ping.
La question que l'on peut se poser aujourd'hui, une année après les évènements, est la suivante : les Gabonais et la communauté internationale ont-ils eu raison de donner le bon Dieu sans confession à Brice Oligui Nguema et ses compagnons d'armes ? Autrement dit, le Gabon post-Bongo se porte-t-il mieux ? Pour répondre à cette question, il faut passer au peigne fin le bilan de la gestion du pouvoir au Gabon par les militaires en prenant pour référentiel leurs promesses de départ.
En effet, à sa cérémonie d'investiture, le Général s'était engagé, lors de son discours, entre autres, à faciliter le retour de tous les exilés politiques, rétablir les bourses pour les élèves du secondaire, à amnistier les prisonniers d'opinions, à créer une synergie avec l'accompagnement des banques locales pour le paiement des pensions des retraités.
Le Général a surtout eu cette promesse : « A l'issue de cette transition, avec l'apport de tous les Gabonais partenaires au développement, nous entendons remettre le pouvoir aux civils en organisant de nouvelles élections libres, transparentes et crédibles ». En se référant à ces engagements, l'on peut dire qu'il y a des signaux positifs en lien avec certains d'entre eux, notamment dans le domaine social. C'est le cas, entre autres, du rétablissement des bourses des élèves et étudiants et le paiement des pensions des retraités. Mais l'on peut bien se demander si ces mesures prises dans le domaine social ne sont pas destinées à appâter les Gabonais pour les faire mordre à l'hameçon.
Le destin des Gabonais reste entre leurs propres mains et c'est à eux de s'assumer
Car, tout laisse croire, en tout cas, qu'il y a des manoeuvres destinées à masquer la promesse principale sur laquelle il y a de très sérieuses inquiétudes. En effet, depuis quelque temps déjà, des voix se font entendre, demandant au général de faire acte de candidature. C'est le cas du vice-Premier ministre, Alexandre Barro Chambrier, et président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM).
C'est le cas aussi de Gervais Oniane, Haut- représentant personnel du chef de la Transition, autre ancien opposant au régime déchu et fondateur de l'Union pour la République (UPR) qui avait déjà demandé à l'officier supérieur des forces armées gabonaises, de troquer le treillis contre le costume à la fin de la période transitoire. On peut penser qu'il s'agit d'appels suscités comme l'on a pu le voir sous d'autres cieux.
En tout cas, ceux qui rêvaient du scenario des militaires qui viennent mettre de l'ordre dans la maison et se retirer, peuvent désenchanter. Car, le balayeur cherche bien à s'y installer. Et d'ailleurs, les signes avant-coureurs de la manoeuvre sautent aux yeux. Le premier de ces signes est la modification de la Charte de la Transition pour permettre au Chef de la Transition d'être candidat au scrutin de fin de Transition.
L'on sait, en effet, que la première mouture de la loi interdisait aux ministres de la Transition de briguer des mandats électifs. Le Général Oligui Nguema qui cumulait, avec son rôle de Chef de Transition, le portefeuille de ministre de la Défense, s'est donc intentionnellement défait de cette interdiction pour préparer sa candidature et mieux s'ouvrir un boulevard. Le second signe avant-coureur est l'activisme du Général Oligui Nguema. En effet, l'homme semble déjà dans les sarting-blocks en multipliant les déplacements et les meetings sur le terrain.
Ses partisans n'hésitent pas à mettre, à l'occasion, en exergue, ses réalisations en si peu de temps à la tête de l'Etat et sa détermination à doter le pays d'infrastructures de base. En tout état de cause, l'on peut légitimement craindre qu'Oligui Nguema ne fasse du Bongo sans les Bongo et cela serait dommage pour le peuple gabonais qui, par soif du changement, avait laissé passer le putsch du 30 août 2023. Toutefois, le destin des Gabonais reste entre leurs propres mains et c'est à eux de s'assumer.