Ce 30 août est la « journée nationale de la Libération » au Gabon, où la transition est à mi-chemin. Il y a un an tout juste, les militaires menés par le chef de la garde républicaine, le général Brice Clothaire Oligui Nguema, renversaient Ali Bongo dans la foulée de l'annonce de sa réélection après un scrutin très contesté. La quasi-totalité de l'opposition et de la société civile ont rejoint les institutions en vue d'organiser ces élections, prévues au plus tard en août 2025.
Le thème de la libération est utilisé à l'envi par les autorités du Gabon : parfois comparé à Moïse à son accession au pouvoir, le général Oligui Nguema se réclame désormais de son successeur, Josué, qui dans l'Ancien Testament a mené le peuple juif « à la terre promise ». Le chef de la transition multiplie les meetings lors de sa « tournée républicaine », aux airs de pré-campagne pour une présidentielle à laquelle de multiples personnalités l'appellent déjà à se présenter en 2025.
Il maîtrise son image : ici quelques pas de danse en uniforme. Là en baignade sous une cascade lors de ses « vacances au village ». La popularité du « tombeur des Bongo » demeure.
De rares voix critiques émergent : « la tendance du général Oligui est de construire des institutions à la mesure du général Oligui » disait sur notre antenne l'activiste Daniel Mengara. L'ancienne opposition et la société civile, intégrées à la transition, ne s'opposent pas à sa candidature, mais veulent des élections « crédibles » et un Parlement démocratique qui soit un véritable contre-pouvoir. La future Constitution, en cours de rédaction depuis le mois de mai, devra être adoptée par référendum d'ici à la fin de l'année.
Réintégration à la CEEAC
Sur le plan international, un an après le coup d'État, le Gabon a pleinement réintégré la CEEAC dont il avait été suspendu. Dans les semaines qui ont suivi le coup d'État, Brice Clothaire Oligui Nguema a multiplié les rencontres avec ses homologues en Centrafrique, au Congo-Brazzaville, en République Démocratique du Congo ou encore au Tchad. L'une de ses priorités alors : faire revenir le Gabon dans la Communauté économique des États de l'Afrique centrale.
En décembre 2023, première victoire : l'organisation renonce à délocaliser son siège de Libreville à Malabo. Le gouvernement de transition continue son plaidoyer, en faisant notamment valoir la mise en place d'un chronogramme de deux ans jusqu'aux prochaines élections. La CEEAC reconnaît alors « des avancées dans le retour à l'ordre constitutionnel » et réintègre le Gabon en mars dernier.
Depuis, la diplomatie gabonaise plaide pour une réintégration complète dans l'Union africaine en suivant l'exemple de la CEEAC, qui est « l'échelon le plus approprié pour apprécier la situation du Gabon, selon le professeur de droit constitutionnel Télesphore Ondo. À partir du moment où elle a décidé de lever les sanctions, l'Union africaine doit en faire de même ».
Mais pas d'avancées à ce sujet. Le 5 juillet 2024, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a rencontré Brice Clotaire Oligui Nguema sans qu'aucune décision ne soit annoncée.
Un an après, que sait-on de l'origine du coup d'État ?
Ce 30 août 2023, le coup d'État vient de là où on ne l'attend pas, de la garde républicaine et plus précisément de son chef, Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce général jouait jusque-là un rôle clé au sein de l'appareil d'état. Personne ne s'imaginait au sein du clan Bongo que cet homme de confiance qui avait pris du galon et du poids depuis son retour en grâce en 2019 puisse faire défection.
Pourtant, ce 30 août, c'est bien lui qui est à la manoeuvre pour renverser le président. Pour réussir son coup, Brice Clotaire Oligui Nguema sait qu'il peut compter sur une garde républicaine qu'il a pris soin de choyer depuis son arrivée à la tête de l'institution en 2021. Il compte aussi de nombreux relais au sein de l'armée. Pourquoi décide-t-il alors de passer à l'action ce 30 août 2023 ? Officiellement, en raison des résultats de l'élection présidentielle, qu'il considère comme tronqués.
Mais, la dégradation profonde de ses relations avec le clan Bongo explique aussi sans doute son passage à l'acte. Brice Clotaire Oligui Nguema était engagé dans un bras de fer avec Sylvia et Nourredine Bongo, la femme et le fils du président. Selon Jeune Afrique, une forte dispute aurait éclaté quelques heures avant le coup d'État entre le général et Nourredine Bongo au sujet des résultats de l'élection dans le centre de Libreville.