Afrique: Relations algéro-maliennes - Le fennec et l'aigle sont devenus chien et chat

ONU/Rick Bajornas
Le Conseil de sécurité de l’ONU

Plus rien ne va entre l'Algérie et le Mali. Ils filaient pourtant le parfait amour il n'y a pas longtemps que ça. De tous les temps, les deux Etats ont entretenu des relations cordiales et de bon voisinage, empreintes d'amitié et de respect mutuel.

L'Algérie a son ambassade à Bamako et un consulat à Gao, tandis que le Mali a installé aussi une représentation diplomatique à Alger et un consulat à Tamanrasset. Et tout allait dans le meilleur des mondes. Pour la petite histoire, la frontière algéro-malienne, longue de 1329 kilomètres, avait été tracée et matérialisée par 17 bornes et dans la parfaite entente, le 8 mai 1983, entre les présidents de l'époque Chadli Bendjedid et Moussa Traoré. Et puis, il y a l'ami commun, l'Union soviétique, où les deux se fournissaient et se fournissent aujourd'hui en armes, qui servait de liant.

C'est donc tout naturellement que le pays de Ben Bella a joué les facilitateurs entre son voisin et la rébellion touarègue, ce qui a accouché des Accords d'Alger, signés entre le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako, après des négociations menées à Alger entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l'Azawad.

Un protocole qui en réalité n'a jamais été mis en oeuvre intégralement. La faute à une mauvaise volonté de part et d'autre, matinée de méfiance et de défiance réciproque.

Tant et si bien qu'après avoir chassé Barkhane et la MINUSMA, accusée de protéger les rebelles, Bamako a fini par dénoncer l'Accord avec effet immédiat. C'était le 25 janvier dernier. Sa dénonciation a été prise comme une véritable gifle de l'autre côté de la frontière. Côté malien, a suivi le déclenchement de la grande offensive militaire avec la prise de Kidal en novembre 2023. Depuis lors, l'axe Algérie-Bamako est à tout le moins glacial, voire conflictuel par moments.

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Dernière éruption de cette mésentente, le clash entre le représentant algérien aux Nations unies, Amar Bendjama, et celui du Mali, Issa Konfourou. Le premier a, le 26 août, accusé les FAMA (Forces armées maliennes) d'avoir tué des civils avec usage de drones lors du bombardement de Tinzaouatène, à la frontière entre les deux pays.

"Nous devons mettre un terme aux violations commises par les armées privées employées par certains pays", sans toutefois nommer la milice Wagner. A aussitôt suivi cette réponse cinglante de la partie malienne : « En colportant à la légère ces informations de presse non vérifiées, le diplomate algérien se fait le relais de la propagande terroriste dans notre région... L'Algérie devrait avoir une attitude plus constructive et plus respectueuse du Mali et de son peuple».

La hache de guerre est donc déterrée, même si elle n'est que verbale pour le moment. Et il faut souhaiter qu'elle le reste. En réalité, l'Algérie a toujours été contre l'ingérence dans quelque pays que ce soit. Une doctrine politico-diplomatique qui tire certainement sa source de la guerre d'indépendance qui a opposé huit ans durant ce pays à la France. Pas plus avec Barkhane qu'avec les supplétifs russes de Wagner, l'Algérie n'a jamais vu d'un bon œil cet état de fait. Son président, Abdelmadjid Tebboune, n'avait-il d'ailleurs pas un jour dit de façon très peu diplomatique que l'argent que coûtait cette présence serait mieux placé et plus utile s'il allait dans le développement du pays ?

Mais de la même manière que l'Algérie est sourcilleuse sur son indépendance, on pourrait lui rétorquer que les accords militaires passés par le Mali avec tel ou tel partenaire relèvent du même principe de souveraineté auquel tous les Etats sont attachés.

Une chose est sûre : le fennec et l'aigle sont devenus chien et chat. Et pour paraphraser la célèbre réplique d'Ahmed Sékou Touré, on ne sait pas encore qui est le chien et qui est le chat.

Et pourtant, la lutte contre le terrorisme dans la Sahel ne peut se mener à bien sans l'implication de tous les voisins, à commencer par l'Algérie. Vivement donc que les deux parties sachent raison garder pour ne pas empirer une situation qui n'est déjà pas simple à gérer.

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