Au Sénégal, une dissolution de l'Assemblée nationale pourrait arriver d'ici peu. Depuis cinq mois et son arrivée au pouvoir, le président Bassirou Diomaye Faye doit composer avec une chambre acquise à l'opposition. Mais à partir de ce jeudi 12 septembre, il est en droit d'appeler à des législatives anticipées.
Le président du Sénégal devrait donc dissoudre l'Assemblée nationale dans les prochaines heures pour corriger la discordance actuelle. Bassirou Diomaye Faye a été élu dès le premier tour par plus de 54% des électeurs sénégalais mais il n'a pas la majorité au Parlement dominé par le camp de l'ex-président Macky Sall.
Dans ce contexte, comment incarner au plus vite la rupture consacrée par les urnes à travers des nouvelles lois face à une Assemblée nationale hostile ? Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité, (Pastef), le parti du président, n'a en effet que 23 députés sur 165 au Parlement. Et même en y ajoutant ses alliés de la coalition Yewwi Askan Wii, il ne peut compter que sur une quarantaine de parlementaires face à la coalition Benno Bokk Yakaar de l'ex-président Macky Sall qui a la majorité absolue depuis les législatives de 2022.
Opposition majoritaire
Et cette opposition majoritaire a déjà montré sa capacité de faire blocage aux projets de lois proposé par le pouvoir comme on a pu le voir fin juin lors du débat d'orientation budgétaire. Boycotté par l'opposition, il a donc été annulé. Lundi dernier encore, la proposition de supprimer deux institutions jugées budgétivore par les autorités a été rejetée par l'opposition majoritaire au Parlement.
Entre le pouvoir et l'opposition, le blocage est total et la rupture est consommée, explique Ababacar Fall à la tête du think tank le Gradec (Groupe de recherche et d'appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance). « Ce qui est en train de se passer entre les deux camps, c'est une sorte de prolongation de l'élection présidentielle de mars 2024 et c'est la raison pour laquelle on assiste aujourd'hui à cette animosité entre les deux camps », analyse-t-il.
Une solution aurait été de s'entendre avec la majorité sur des points clefs et de faire des concessions mais c'est une option dont les nouvelles autorités ne veulent pas, selon le professeur en sociologie politique à l'université de Saint-Louis, Alassane NDao. « Il semble que le nouveau pouvoir ne soit pas prêt à accepter l'idée d'une négociation politique, que le pouvoir ne veut pas assumer le coût politique notamment de cette négociation qui inclurait notamment l'abandon de la reddition des comptes, l'abandon des poursuites judiciaires qui devraient être enclenchées contre les responsables de l'ancien régime. Et c'est la raison pour laquelle la dissolution devient un impératif pour installer une nouvelle majorité », selon lui.
Contre-la-montre
La dissolution semble donc inéluctable et ne semble n'être plus qu'une question de temps et pourrait avoir lieu très vite car la date minimale, le 12 septembre, est ce jeudi. En effet, aucune dissolution ne pouvait avoir lieu plus tôt car, selon le Conseil constitutionnel, il faut deux ans de législature avant que l'Assemblée nationale ne puisse être dissoute.
Et l'Assemblée nationale a également donné son feu vert ce mercredi. Dans un courrier adressé au chef de l'État, le président de la chambre des députés affirme ne pas avoir « d'objection » à une dissolution à partir de ce jeudi.
Une bonne nouvelle pour les nouvelles autorités car elles doivent absolument adopter leur loi budgétaire avant la fin de l'année pour financer les promesses électorales. Et si dissolution il y a, il faudra d'ici là que les élections législatives aient eu lieu. La loi prévoit entre 2 et 3 mois pour les organiser, ce qui amène au mieux à mi-novembre. Il reste donc peu de temps pour faire tout ça sachant qu'un mois et demi pour adopter un budget, c'est très court.
Le président va donc devoir agir vite. Cette dissolution pourrait donc intervenir dans les toutes prochaines heures sauf si le président veut que son Premier ministre honore la promesse de tenir sa déclaration de politique générale le 13 septembre.