Le président bissau-guinéen a surpris tout le monde, notamment ses partisans, par une grande annonce. Mercredi dernier, ils ont eu droit à un compte rendu de Conseil des ministres pas comme les autres. En effet, au sortir de la réunion hebdomadaire des membres du gouvernement, le président Umaru Embalo Sissoko a déclaré devant un parterre de journalistes : « Je ne serai pas candidat en 2025. Mon épouse m'a conseillé de ne pas me présenter. Je respecte donc ses conseils. »
Feinte de corps d'un politicien habile ou contrainte par corps pour un époux docile sous la couette ? Question légitime quand on sait que ces dernières semaines, plusieurs associations et organisations de la société civile bissau-guinéennes ont organisé des manifestations dans plusieurs localités du pays pour demander au président sortant de briguer un second mandat. Sa déclaration de mercredi dernier va donc doucher les ardeurs de ces militants zélés de son parti et y créer un remue-ménage pour savoir qui de ces lieutenants pourrait prendre le relais.
On n'en est pas encore là. Pour l'instant, plus d'un observateur, y compris certains de ses partisans, s'interroge sur la sincérité du président Embalo. Ne jouerait-il pas avec les nerfs de ses soutiens pour mieux se faire désirer tout en analysant l'attitude de ses lieutenants ? Sont-ils de fidèles courtisans ou vont-ils se disputer pour sa succession ? Quoi qu'il en soit, rares sont ces présidents africains à résister aux sirènes de la multiplication des mandats jusqu'aux indus 3e, 4e, 5e, si ce n'est davantage au sommet de l'Etat. Pour ce faire, que de contorsions politico-juridiques qui tordent le cou aux Constitutions et aux ambitions légitimes de lieutenants qui attendent en vain qu'on leur passe la main !
Si le président Embalo est sincère dans son désistement pour un 2e mandat, les partisans des alternances démocratiques vont lui faire des révérences le chapeau bas. Et que dire alors de son épouse qui ne s'est pas laissé subjuguer par les délices du pouvoir ! Elles ne sont pas bien nombreuses, les Premières Dames en Afrique qui n'abusent pas de la position dominante de leur époux de président en Lucrèce Borgia, brûlant des cierges pour que cela dure ad vitam aeternam. Se peut-il donc que Mme Sissoco ait vraiment créé la bonne rupture, conseillant avec succès à son général de mari de ne pas livrer la bataille de trop ? Au demeurant, pour un pays comme la Guinée-Bissau, habituée à des crises politiques violentes ayant coûté la vie à 2 présidents et plusieurs officiers de l'armée, les politiques, surtout ceux en treillis, devraient savoir quitter les choses avant qu'elles ne les quittent avec fracas.
Décembre 2024, échéance officielle pour l'élection présidentielle dans le pays, n'est plus loin. On sera vite fixé si Embalo joue avec les nerfs de ses partisans, amis et soutiens internes et externes. Avant lui, le candidat Patrice Talon avait déclaré ne vouloir faire qu'un mandat à la tête du Bénin. Depuis 3 ans, il est à son 2e mandat et qui sait s'il n'ira pas à la mauvaise école des 3 mandats et plus ? Dès lors, ne nous emballons pas à propos de l'annonce du président Embalo de ne pas briguer un 2e mandat. Il a d'ailleurs précisé qu'il se réservait le droit de changer d'avis. Qui a dit que les promesses électorales n'engageaient que ceux qui y croyaient ?