Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a annoncé, le 11 septembre 2024, à l'issue du Conseil des ministres, qu'il ne se présentera pas à la présidentielle de 2025 pour un second mandat. C'est exceptionnel, est-on tenté de dire. Parce qu'au moment où bien de ses pairs sur le continent, font des pieds et des mains pour s'éterniser au pouvoir, lui, décide de renoncer à un mandat légal. C'est un grand pas qu'il a fait, il faut le lui reconnaître. Cependant, cette décision ne manque pas de susciter des interrogations.
Car, selon ses confidences, le président Embalo laisse croire que sa décision a été motivée par les conseils avisés de sa tendre épouse, Dinisia Reis Embalo, qui lui aurait clairement dit qu'il ne «méritait pas qu'on l'insultât autant». Et que lui-même, «après avoir mûrement réfléchi», a estimé qu'il ne devrait pas «se rabaisser au même niveau que ceux qui l'insultent», qu'il «ne servait surtout à rien de s'engager à nouveau dans un combat politique avec des homologues (SIC) qui ne sont pas d'un niveau suffisant».
Mais les vraies raisons de son départ prochain du pouvoir, ne sont-elles pas ailleurs? On le sait, le mandat actuel de Embalo qu'il compte mener jusqu'au bout, n'a pas été un long fleuve tranquille; lui-même ayant échappé à des tentatives de coups d'Etat. Lui qui est arrivé dans la peau du démocrate « propre », mais qui, en réalité, n'a jamais vraiment eu les coudées franches, s'était notamment engagé à lutter contre le trafic de drogue dans un pays où la pratique a pignon sur rue.
Toute chose qui n'est pas sans conséquences, y compris sur la stabilité des institutions. Par ailleurs, sa famille politique, le Mouvement pour l'alternance démocratique (Madem), est au bord de l'explosion; lui et son mentor politique, le coordinateur du parti Braima Camara, étant devenus chien et chat du fait de leurs antagonismes.
La décision de Embalo ne manque pas d'élégance
Ce sont autant d'éléments qui amènent à se demander si le président Umaro Sissoco Embalo n'a pas plutôt mesuré les risques auxquels il s'expose dans l'exercice d'un bail supplémentaire. A-t-il réalisé que ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à la tradition politique instable, reste chroniquement ingouvernable ?
Cela dit, sa décision ne manque pas d'élégance, quand on sait que certains présidents en exercice sont prêts à faire feu de tout bois pour se maintenir au pouvoir. En tous les cas, on prend Embalo au mot tout en espérant qu'il ne retournera pas sa veste comme l'ont fait certains de ses homologues de la sous-région. Et ce n'est pas Adama Barrow de la Gambie ou Patrice Talon du Bénin ou encore Alassane Ouattara de la Côte d'Ivoire, qui diront le contraire.Toutefois, si le président Embalo, par sa décision, a fait preuve de grandeur d'esprit, son attitude qui donne l'impression qu'il veut imposer le prochain président aux Bissau- Guinéens, est, par contre, moins élégante.
S'il a décidé de partir, c'est tout à son honneur, et c'est son droit le plus absolu. Mais déclarer qu'il peut garantir que son remplaçant ne sera ni Domingos Simoes Peireira, ni Nuno Nabiam, ni Braima Camara qui sont tous des opposants, est fort de café. Et cela n'augure rien de bon pour la prochaine présidentielle prévue pour se tenir en 2025. Ce sont des déclarations qui font froid dans le dos. Et la Guinée-Bissau qui semble trouver un semblant de stabilité politique, n'a pas du tout besoin de ça.