L'accès à l'eau est un défi en Tunisie, frappée depuis plusieurs années par une sécheresse intense. Les agriculteurs sont les premiers concernés. Les températures en hausse et la diminution des précipitations affaiblissent les rendements agricoles. Une situation qui affecte les cultures millénaires de l'olivier et du blé au pays du jasmin.
Face aux vestiges des bassins des Aghlabides, ses ancêtres, Abdelmajid Belghouti, agriculteur à Kairouan, contemple les ouvrages de rétention d'eau, témoins d'une époque révolue. « À la campagne, chaque foyer utilise un bassin pour recueillir l'eau de pluie, qui peut être consommée ou utilisée pour irriguer les terres. Héritée de nos ancêtres depuis des siècles, cette méthode est devenue essentielle ici, où les pluies se font de plus en plus rares », confie le quinquagénaire.
Abdelmajid cultive du blé et des oliviers sur cinq hectares dans le gouvernorat de Kairouan. Chaque jour, il parcourt à pied les quelques centaines de mètres qui le séparent de ses champs. Il se souvient de l'époque où l'irrigation était quasi impossible, conséquence de l'inégale distribution de l'eau de pluie, sur les différentes parcelles agricoles.
Dans ce contexte d'insécurité alimentaire croissante, la Banque africaine de développement a apporté 59 millions d'euros pour financer le projet de valorisation des périmètres irrigués. De la collecte à la distribution, l'objectif est d'améliorer les rendements agricoles en mobilisant à plus grande échelle les ressources en eau, grâce notamment à des systèmes de pompage à énergie solaire qui mobilisent désormais les eaux de barrage auparavant inexploitables.
Après quelques mois, la situation a radicalement changé pour Abdelmajid. L'eau, autrefois rare, est désormais à portée de main. Il peut ainsi cultiver ses champs de blé et augmenter significativement ses rendements. Aujourd'hui, un hectare lui rapporte 5 000 dinars, contre 1 500 avant le projet.
Cette initiative bénéficie également aux femmes de la région. Au total, 9 000 hectares ont été mis en valeur, créant de nouveaux emplois. Plus de 20 000 personnes bénéficient directement de cette opération, dont la moitié sont des femmes, qui ont gagné en autonomie et en qualité de vie. Imen Tahri, présidente d'un groupement de développement agricole à Sidi Bouzid, en est le parfait exemple. Avant ce projet, elle envisageait d'abandonner l'agriculture. Aujourd'hui, grâce à l'irrigation, elle a « multiplié par sept la production d'olives, avec des revenus suffisants pour couvrir les besoins de la famille », explique-t-elle.
Cette nouvelle approche de gestion de l'eau valorise les terres et sublime les paysages de Kairouan, au patrimoine mondialement connu. Une économie locale revitalisée, dont la croissance bénéficie à tous et fait la différence.