Lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur le conflit au Soudan, mercredi, deux hautes responsables de l'ONU ont appelé les belligérants à respecter leurs engagements et à faire cesser le siège de la ville d'El Fasher, au Darfour, qui menace la vie de centaines de milliers de personnes déplacées.
Alors que la vie de millions de personnes est déjà en danger au Soudan, Martha Pobee, Sous-Secrétaire générale pour l'Afrique, a fait part de son inquiétude devant l'escalade des combats dans la ville d'El Fasher, où une population extrêmement vulnérable, comprenant des personnes déplacées vivant dans des camps avoisinants, subit des violences intenses et voit ses installations de santé menacées après des mois de siège et d'attaques perpétrées par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Martha Pobee a déploré qu'en dépit des efforts des partenaires internationaux et de l'adoption par la Conseil de sécurité de la résolution 2736 appelant à la fin du siège de la ville, des centaines de milliers de civils sont toujours piégés sur place, alors que le conflit prend une dangereuse dimension ethnique et menace de déstabiliser la région tout entière.
Une escalade de violence aux conséquences imprévisibles
Alors que le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a déjà maintes fois mis en garde contre les conséquences imprévisibles de cette escalade de violence, son Envoyé personnel au Soudan, Ramtane Lamamra, a rencontré les belligérants en juillet à Genève et soutenu les efforts de médiation des Etats-Unis, de l'Arabie saoudite et de la Suisse en août.
« Cette saison de diplomatie » devait souligner le caractère essentiel de la protection des civils, à El Fasher et ailleurs, a confirmé la Sous-Secrétaire générale, en appelant les FSR à respecter sans délais leurs engagements, et les parties au conflit à commencer à appliquer la Déclaration de Jeddah sur l'engagement de protection des civils du Soudan adoptée le 11 mai 2023.
Vu les difficultés à atteindre cet objectif, la Sous -Secrétaire générale a évoqué la possibilité de cessez-le feu localisés comparables à celui qui avait protégé pendant presqu'un an la ville d'El Fasher avant les nouvelles irruptions de violence.
« Le conflit au Soudan n'a pas lieu dans le vide », a-t-elle souligné. Les flammes de la violence sont attisées par l'afflux d'armes au Soudan, a-t-elle rappelé, en demandant aux Etats membres de refreiner ces trafics et d'observer un embargo des armes au Darfour.
Martha Pobee a aussi stigmatisé le mépris total que montrent les forces armées soudanaises et les FSR pour les droits de l'homme et le droit humanitaire. « Nous sommes alarmés par le rétrécissement de l'espace civique, par les attaques à motifs ethniques et les discours de haine comme par le recours à la violence sexuelle comme arme de guerre », a-t-elle déclaré.
Un enfant meurt toutes les deux heures
Pour sa part, Joyce Msuya, Secrétaire générale adjointe par intérim des Nations Unies aux affaires humanitaires, a informé q'u'à la suite des bombardements incessants qui touchent près de 700.000 personnes dans la région, seul un des trois hôpitaux locaux est encore en fonctionnement, tandis que la famine menace le camp de Zamzam, à 15 kilomètres d'El Fasher, où résident un demi-million de personnes déplacées.
Evoquant le rapport de Médecins sans Frontières de février 2024, qui assurait qu'un enfant mourrait toutes les deux heures dans ce camp, Joyce Msuya a confirmé que la situation avait depuis lors empiré, et noté que 34% des enfants souffrent de malnutrition dont 10% à un niveau sévère.
Mme Msuya a déploré que les combats et les intempéries aient bloqué les accès à El Fasher et Zamzam, alors que la présence de travailleurs humanitaires est limitée dans la ville et inexistante dans le camp voisin.
Bien que le Programme alimentaire mondial (PAM) prépare une distribution de nourriture pour 179.000 résidents de Zamzam, la « situation humanitaire atroce » ne peut être résolue sans une désescalade du conflit, garantie d'un approvisionnement constant de la région d'El Fasher, a déclaré la haute responsable, appelant les Etats membres à exercer des pressions sur les belligérants en vue d'une pause humanitaire permettant l'acheminement des secours, et à répondre à l'appel de fonds pour la crise du Soudan, qui n'est financé pour l'instant que pour moitié des 2,7 milliards de dollars nécessaires.