Ménages, entrepreneurs, entreprises et agriculteurs attendent beaucoup de la loi de finances 2025. À la recherche d'une bouffée d'oxygène pour sortir de la situation économique morose, les divers acteurs économiques sont suspendus à ce nouveau projet de loi de finances. Bien que les spécialistes, en l'absence de chiffres détaillés, émettent pour l'instant des réserves quant à une lecture préliminaire dudit projet, ils ne cachent pas leur aspiration à un changement porteur de croissance et de dynamisme.
C'est le message clé adressé par l'expert économique Mohsen Hassan dans son entretien accordé à La Presse. L'économiste a affirmé que la loi de finances 2025 doit comporter des mesures visant à relancer la croissance économique. Soulignant que la LF 2025 s'appuie sur le plan de développement 2023-2025, Hassan a précisé que le gouvernement a déjà tracé les grandes orientations de cette loi en se basant sur les objectifs du plan de développement. Selon lui, la loi de finances 2025 doit accorder une importance particulière à quatre axes principaux.
En tête de ces priorités figure la gestion budgétaire. « Je pense qu'il est temps de changer notre vision de la gestion budgétaire. Aujourd'hui, la conjoncture macroéconomique ainsi que la situation financière, tant au niveau national qu'international, nous obligent à nous orienter vers une gestion rigoureuse des dépenses publiques et une mobilisation importante des ressources financières », a-t-il affirmé.
Il a souligné que la réforme de la gestion budgétaire doit conduire à une politique macro-financière saine, avec une politique budgétaire assainie et une réforme en profondeur de la fiscalité pour restaurer la crédibilité financière de la Tunisie et rétablir son rang.
« À mon sens, la loi de finances 2025 doit être fondée sur une politique budgétaire saine, avec une réallocation budgétaire permettant de dégager le maximum de ressources au profit de l'investissement, dont les dépenses seront fixées conformément aux choix établis », a-t- il précisé. Hassan a ajouté que les subventions doivent être maîtrisées et le recrutement dans l'administration publique rationalisé, tout en mettant l'accent sur l'emploi de compétences de haut niveau et la dotation des structures décentralisées au niveau des régions.
Une politique fiscale plus souple
La réforme fiscale constitue, selon l'ancien ministre, le deuxième enjeu majeur de la loi de finances 2025. « On en parle depuis des années, mais, en réalité, nous n'avons pas encore entamé une réforme fiscale qui englobe une simplification des procédures, une modernisation de l'administration fiscale et un meilleur contrôle de l'économie informelle, qui représente 35 à 40 % de l'économie tunisienne », a-t-il observé.
Parmi les mesures qui permettent d'atteindre cet objectif, l'expert a mentionné la réduction et la simplification des taxes douanières, la refonte du régime forfaitaire d'imposition, ainsi que la modernisation et la simplification des procédures fiscales. « Malheureusement, les procédures fiscales en Tunisie sont très complexes. L'objectif de cette simplification est de sécuriser et de simplifier ces procédures, tout en rendant l'administration plus efficace et transparente », a-t-il ajouté.
Selon lui, le renforcement des mécanismes de contrôle devrait également figurer parmi les objectifs du PLF 2025. « L'administration fiscale a besoin de davantage de moyens humains et financiers pour lutter contre la fraude fiscale et tendre vers une plus grande équité », a-t-il commenté, en ajoutant que le développement du concept d'opérateur agréé permettra d'obtenir des résultats intéressants.
Dégager des ressources pour l'investissement public
Troisième défi : la relance économique. Pour Mohsen Hassan, les chiffres parlent d'eux-mêmes, et nul besoin de rappeler que la croissance a été molle ces dernières années. « Tous les indicateurs macroéconomiques -- qu'il s'agisse de la croissance, de l'inflation, du chômage, de la pauvreté ou des indices de développement régional -- nous poussent à demander une loi de finances 2025 qui soit porteuse d'espoir, une loi qui permettra la relance économique et la sortie de la crise qui dure depuis trop longtemps. ».
Il a ajouté que cet objectif ne sera atteint qu'à travers le rétablissement de la confiance et la relance de l'investissement. « Relancer l'investissement doit être le maître-mot. Le budget de l'Etat doit dégager un excédent qui doit être orienté vers l'investissement. L'objectif central de cette loi de finances doit être la relance économique, la création d'emplois et le développement régional.
La Tunisie pourra atteindre ces objectifs à travers des investissements publics, mais aussi à travers le partenariat public-privé (PPP) et l'investissement privé », a-t-il poursuivi, en insistant sur l'importance de ce volet qui devrait annoncer la couleur et montrer la voie tracée par le gouvernement. « Ce sera un message adressé pour annoncer l'instauration d'un modèle de développement participatif, plus équitable et inclusif, où les relations entre l'Etat et le secteur privé sont équilibrées. »
Le rôle social de l'Etat doit être de retour
Pour Hassan, le rôle social de l'Etat doit également être mis en avant dans cette nouvelle loi. Les indicateurs relatifs à la pauvreté et aux disparités régionales ne peuvent qu'encourager le renforcement de ce rôle. « Je pense que le gouvernement est déterminé à accorder une place importante à cette orientation. Le rôle social de l'Etat doit se manifester par une augmentation des allocations sociales pour les familles nécessiteuses. Les secteurs de la santé et de l'éducation méritent une attention particulière et des moyens financiers conséquents. Il est inadmissible d'abandonner les secteurs clés», a-t-il souligné.
Hassan a également insisté sur la nécessité pour l'Etat de préserver le pouvoir d'achat des citoyens. Si le subventionnement des produits de première nécessité est nécessaire, il ne suffit pas à lui seul. Selon lui, la modification du barème fiscal des personnes physiques pourrait être envisagée, pour prendre en compte les pressions inflationnistes.
« L'Etat doit encourager la production nationale pour lutter contre l'inflation. Pour cela, il doit coordonner avec la Banque centrale de Tunisie afin d'adopter une politique monétaire restrictive permettant de préserver le pouvoir d'achat des citoyens », a-t-il martelé. Et l'ancien ministre de conclure : « J'espère que le projet de loi qui sera présenté au parlement sera en mesure d'atteindre ces objectifs de rigueur budgétaire, de réforme fiscale, de relance économique et de paix sociale. L'État doit rationaliser ses dépenses et dégager davantage de ressources financières pour atteindre ces objectifs cruciaux ».