Des dirigeants d'institutions de financement du développement (IFD), de compagnies d'assurance et d'agences de crédit à l'exportation (ACE) ont appelé à mobiliser le secteur privé pour financer les infrastructures en Afrique en relation étroite avec le secteur public.
Cet appel a été lancé à l'Africa Investment Forum 2024, lors d'une table ronde de haut niveau modérée par Simon Bessant, responsable mondial de l'assurance du groupe Texel, sur le thème : « Accroître le financement des infrastructures en Afrique grâce à des partenariats entre les IFD, les assureurs et les ACE ».
Dans son propos introductif, le président de l'Union de Berne, Yuichiro Akita, a salué l'AIF pour avoir suscité 180 milliards de dollars d'intérêts d'investissement pour l'Afrique depuis sa création en 2018, avant d'évoquer les risques géopolitiques actuels et les incertitudes pesant sur le commerce international.
« Le rôle des assureurs est devenu plus critique que jamais pour atténuer les risques d'investissement dans des secteurs clés comme l'énergie, les infrastructures sociales et l'innovation en Afrique », a souligné M. Akita. « Compte tenu des lourds investissements qui sont nécessaires pour réaliser nos objectifs de développement, il est crucial de mobiliser fortement les capitaux privés. »
Pour attirer les capitaux privés, la collaboration entre gouvernements, banques et assureurs est essentielle, a rebondi Manuel Moses, PDG d'African Trade & Investment Development Insurance (ATIDI). « Notre facilité de trésorerie régionale assure les investisseurs contre le défaut de paiement des gouvernements pour les projets d'infrastructure. Elle a été déployée au Burundi et au Malawi pour financer, entre autres, des projets d'énergie solaire, et nous voulons la développer sur tout le continent », a-t-il précisé. L'ATIDI couvre aujourd'hui 24 pays en Afrique.
Le président du groupe Trade and Development Bank (TDB), Admassu Tadesse, a mis en avant l'évolution du financement des agences de crédit à l'exportation et l'adoption croissante des modèles commerciaux non liés, qui ont fait leurs preuves sur les marchés frontières. « TDB a connu un succès significatif en utilisant le soutien des assureurs, avec près d'un tiers de son portefeuille de financement du commerce soutenu par l'assurance-crédit », a-t-il ajouté.
Michal Ron, directrice internationale du groupe public italien d'assurance et de produits financiers SACE, a révélé que son exposition africaine avait été multipliée par sept en dix ans, passant de 2,2 milliards d'euros en 2014 à 15 milliards d'euros en 2024 par le biais de sa "Stratégie Push" de financement non lié. La SACE prévoit de clôturer un milliard d'euros de nouveaux engagements dans quatre pays africains d'ici à la fin de l'année, y compris des initiatives de financement vert. « Nous sommes partenaires de longue date avec ATIDI. Nous sommes convaincus de l'importance des partenariats en Afrique », a affirmé Mme Ron, après avoir signé un accord de coopération entre la SACE et le Groupe de la Banque africaine de développement dans le cadre du plan Mattei.
La directrice de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour l'Afrique subsaharienne, Heike Harmgart, a souligné les initiatives réussies de financement vert en Afrique, y compris les obligations municipales et les instruments liés au développement durable, tout en usant d'une métaphore médicale : « Il est important que les assureurs trouvent des moyens innovants et flexibles de fournir des produits d'assurance afin que nous puissions avoir un « patient » - l'investisseur - en bonne santé », a souligné Heike Harmgart, « Tout le monde a besoin de mieux dormir lorsqu'il s'agit d'investir, et pour cela, il faut de bons assureurs. »
Reprenant cette métaphore, le vice-président exécutif de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank), Haytham El Maayergi a conseillé aux investisseurs potentiels « de consulter le médecin le plus tôt possible », soulignant le besoin critique d'un engagement précoce avec les consultants, les IFD, les ACE et les assureurs dans le cycle de vie du projet. « En abordant les risques potentiels et en structurant les solutions en amont, les développeurs de projets peuvent gagner du temps, réduire les coûts et ouvrir la voie à une mise en oeuvre sans faille. »
Sur une tonalité résolument positive, Lila Granda, responsable du risque politique et du crédit chez Vantage, a mis en avant « l'effet d'attraction » de travailler avec les acteurs du financement en Afrique : « Vantage Risk a obtenu de bons résultats en faisant appel à divers assureurs dans le cadre de projets d'infrastructure afin de bénéficier de leur expérience du marché, de leurs relations formelles avec les gouvernements et de leur engagement envers les projets, même en cas de difficultés. »
Avec l'implication croissante des investisseurs institutionnels et le développement des marchés de capitaux locaux, les panélistes ont conclu que les structures de financement innovantes et les partenariats public-privé seraient des moteurs pour le développement des infrastructures sur tout le continent.