La Banque africaine de développement a lancé un Forum sur la gestion de la dette pour l'Afrique (DeMFA, acronyme en anglais pour Debt Management Forum for Africa), une plateforme pour gérer les défis de la dette de l'Afrique dans un contexte d'endettement croissant, de hausse des coûts du service de la dette et de baisse des notations de crédit sur l'ensemble du continent.
Le lancement qui a eu lieu à Abuja, au Nigéria, les 16 et 17 décembre 2024, a été marqué par un dialogue politique sur le thème : « Mettre la dette au service de l'Afrique : politiques, pratiques et options ». Il a regroupé des représentants des ministères africains des Finances, des banques centrales, des bureaux de gestion de la dette, des universitaires et d'autres experts et parties prenantes qui ont échangé leurs points de vue sur les défis liés à la dette et identifié des actions politiques et stratégiques visant à mettre la dette au service de l'Afrique.
Le ministre nigérian des Finances, Wale Edun, représenté par Patience Oniha, directrice générale du Bureau de gestion de la dette, a déclaré que « l'introduction du DeMFA, dont le lancement et la première réunion nous réunissent aujourd'hui, est très importante dans la mesure où il se concentre sur la dette publique ». « Je voudrais féliciter la Banque africaine de développement pour l'initiative très louable qu'elle a prise d'instituer un Forum sur la gestion de la dette pour l'Afrique... c'est assurément une avancée à saluer que d'avoir un forum sur la dette spécifiquement consacré à l'Afrique », a-t-elle souligné à l'ouverture du forum.
L'économiste en chef et vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement chargé de la Gouvernance économique et de la Gestion des connaissances, Kevin Urama, a décrit la création du forum comme « une autre étape clé dans les efforts de la Banque africaine de développement pour renforcer les capacités de l'Afrique et fournir des cadres institutionnels et des instruments permettant au continent de relever ses défis persistants en matière de viabilité de la dette... Nous devons apprendre que le développement est un domaine dans lequel on peut agir par soi-même. »
Eric Ogunleye, directeur de l'Institut africain de développement au sein du Groupe de la Banque africaine de développement, a présenté une vue d'ensemble du nouveau Forum, soulignant les trois rôles clés qu'il jouera : plateforme de connaissances, plateforme de coordination des parties prenantes et pôle d'apprentissage entre pairs. Parmi les objectifs du DeMFA, a-t-il ajouté, figurent le renforcement des capacités techniques africaines en matière de gestion de la dette, l'obtention d'une meilleure notation de crédit pour les pays africains et l'atténuation du surendettement dans tous les pays africains.
Les présentations et les tables rondes ont exploré les vulnérabilités de la dette, la restructuration de l'architecture de la dette mondiale, la transparence et la divulgation de la dette, les négociations de prêts, les notations de crédit, les utilisations productives de la dette et l'importance des collaborations et des partenariats.
Les participants de plusieurs pays ont partagé leurs expériences en matière de renforcement de la gestion de la dette nationale, y compris les enseignements tirés de l'appui aux réformes par des cadres législatifs et l'importance d'adopter une approche globale de la communication et de l'engagement des parties prenantes.
Seth Terkper, ancien ministre des Finances du Ghana, a animé la table ronde d'ouverture. Il a appelé les gouvernements à adopter des pratiques comptables plus holistiques qui donnent la priorité à la bonne gestion des arriérés de dette. Les réformes comptables devraient inclure le passage d'un cadre de « solde primaire » à une approche plus réaliste de « solde budgétaire », a-t-il déclaré.
Kenneth Rogoff, professeur d'économie à l'université de Harvard et ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, a évoqué les avantages des emprunts en monnaie locale et sous juridiction nationale, qui peuvent réduire les coûts d'emprunt et offrir de meilleures alternatives pour la gestion de la dette.
Les intervenants ont réitéré l'importance de développer des solutions africaines. « Il n'y a pas d'autre solution que de mettre de l'ordre dans nos affaires ; il n'y a pas d'autre solution que d'avoir une gestion saine des finances publiques en Afrique. Nous devons mettre le capital de l'Afrique au service du développement de l'Afrique », a souligné le vice-président du Groupe de la Banque.
Au cours des deux dernières décennies, les déficits budgétaires de l'Afrique sont passés de 0,8 milliard de dollars à près de 150 milliards de dollars, et le ratio dette/PIB a plus que doublé, passant de 33,6 % en 2008 à 72,4 % en 2021, avant de retomber à 64,8 % en 2022. Avec des taux d'intérêt mondiaux à leur plus haut niveau depuis 40 ans, le service de la dette coûtera à l'Afrique environ 163 milliards de dollars en 2024, en forte hausse par rapport aux 61 milliards de dollars de 2010.
Dans ce contexte, le Forum sur la gestion de la dette pour l'Afrique est la dernière d'une série d'actions concertées menées par le Groupe de la Banque africaine de développement pour soutenir l'amélioration de la gestion budgétaire des pays africains. Il fait suite au lancement de la Stratégie pour la gouvernance économique en Afrique (2021 - 2025), du Plan d'action pour la gestion et l'atténuation des risques de surendettement en Afrique (2021 - 2023), de l'Académie de gestion des politiques macroéconomiques pour l'Afrique et de l'Académie de gestion des finances publiques pour l'Afrique, entre autres. En tant que plateforme politique destinée aux ministres africains des Finances et aux gouverneurs des banques centrales, elle servira d'instrument de mise en oeuvre de la stratégie et du plan d'action existants, tout en complétant les efforts de renforcement des capacités en cours.