L'armée ougandaise a déclaré avoir envoyé des troupes à Bunia. Ce déploiement survient alors que le M23, allié aux troupes rwandaises, s'est emparé des villes de Bukavu et Goma.
La ville de Bunia, non loin du lac Albert et de l'Ouganda, dans la province de l'Ituri est régulièrement le théâtre d'attaques de groupes armés, notamment du M23 et des rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF).
Dieudonné Lossadhekana, président de la société civile de l'Ituri, estime que c'est depuis ce 17 février que ces renforts ougandais ont été vus par les populations de l'Ituri. Depuis leur arrivée, selon lui, ces militaires participent à des réunions de coordination dans le cadre des opérations conjointes shujaa (menée par l'armée ougandaise et congolaise) qui ont pour mission de traquer les ADF et leurs supplétifs dans la région.
Cependant, il souligne que la peur s'est installée au sein des populations avec l'arrivée de ces renforts à Bunia.
"Ce qui a fait peur (à la population, ndlr) c'est la présence de plusieurs militaires à la fois avec plusieurs engins dans la ville de Bunia. Tous nous savons que l'UPDF est dans une mission pour traquer les ADF et dans le cadre de cette mission, ils ne pouvaient pas se retrouver à Bunia. Les UPDF sont en opération de traque des ADF depuis 2021 et ils sont précisément localisés au sud du territoire d' Irumu et la province du nord Kivu. A ce jour, ils sont toujours présents et malgré leur présence les ADF continuent à piller."
Quel rôle va jouer l'Ouganda dans la crise actuelle ?
Selon des sources militaires, des milliers de soldatsougandais sont déployés en Ituri dans le cadre de l'opération shujaa.
Cependant, il y a lieu de s'interroger sur l'accord qui lie Kinshasa à Kampala dans le cadre de cette opération conjointe. Pour le professeur Kristof Titeca qui enseigne à l'université d'Anvers en Belgique, les circonstances de l'accord entre la RDC et l'Ouganda ne sont pas très claires. Et la position de Kampala dans la crise actuelle reste ambiguë.
Il est possible que Kinshasa ne puisse pas refuser cet accord et qu'il y ait une sorte de pression pour que l'Ouganda puisse opérer dans la région, estime le professeur Kristof Titeca qui rappelle que pour l'instant les FARDC et le gouvernement congolais sont très faibles.
" D'un côté, Kampala collabore avec Kinshasa, ils mènent des opérations militaires, l'opération shujaa contre les ADF. De l'autre côté, Kampala a joué un rôle qui est plutôt ambigu vis-à vis du M23. Les différents rapports des Nations Unies ont montré que Kampala a donné une sorte de support passif vis-à vis du M23/AFC et ses alliés. Avec les évènements récents, il reste à voir comment ça va évoluer pour Kampala. Il y a le chef de l'armée ougandaise Muhoozi qui est très explicite en faveur du M23."
La même partition qu'en 1996-1997 ?
Il ne faut pas négliger les intérêts économiques de l'Ouganda dans la région, rappelle Kristof Titeca. Cependant, face aux récents évènements dans la région, tout reste incertain quant à l'évolution de l'Ouganda.
"La situation est assez inquiétante, on semble retournés dans un scénario qui est en fait presque une répétition du contexte de 1998 dans lequel il y avait les Kivus pour le Rwanda et l'Ituri pour l'Ouganda. C'est aussi assez remarquable que l'Ouganda a envoyé des renforts directement après que le M23 et le Rwanda aient pris Goma et Bukavu. Donc c'est un signal de Kampala disant ceci c'est notre territoire, c'est notre zone d'influence, ce n'est pas à vous Kigali", explique Kristok Titeca.
L'Ouganda a été accusé par des experts de travailler aussi contre les intérêts de la RDC en soutenant le M23, lui permettant d'utiliser le territoire ougandais comme voie d'approvisionnement - des accusations que le pays a fermement rejetées.