Expulsions de migrants clandestins en Mauritanie - Une polémique alimentée par la désinformation ?

13 Mars 2025
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InfoWire

Depuis plusieurs jours, la Mauritanie est sous le feu des critiques après une vague d’expulsions de migrants en situation irrégulière. Sur les réseaux sociaux, certains crient à la chasse aux étrangers, tandis que d’autres dénoncent une politique discriminatoire.

Faux, répond Nouakchott, qui assume une fermeté légitime face à l’explosion des flux migratoires. Selon Houssein Ould Meddou, porte-parole du gouvernement, il ne s’agit que d’« un travail de routine des services de sécurité » concernant des migrants qui n’ont pas régularisé leur titre de séjour.

Point de transit clé vers l’Europe, la Mauritanie est un carrefour migratoire pour de nombreux ressortissants d’Afrique de l’Ouest. Selon les Nations unies, le nombre de migrants en provenance du Sahel a doublé en quatre ans, passant de 57 000 en 2019 à plus de 112 000 en 2023. Le problème ? Beaucoup de ces migrants ne sont pas de simples travailleurs en quête d’un avenir meilleur : les passeurs et réseaux de traite humaine ont transformé le pays en plateforme de départ vers l’Europe, avec toutes les conséquences humanitaires que l’on connaît.

Face à cette pression, les autorités mauritaniennes ont renforcé les contrôles de séjour. « Les autorités ont lancé une opération pour identifier les étrangers en situation irrégulière. Cela concerne tout le monde, y compris les Ivoiriens », explique Souma Madou, président de la communauté ivoirienne en Mauritanie.

Il reconnaît toutefois une certaine confusion administrative : « Depuis deux ans, on ne sait plus si la carte de séjour est obligatoire ou non pour nous. Certains policiers disent oui, d’autres non. Il faut clarifier les règles. »

La confusion s’explique en partie par un accord signé en 2014 entre la Côte d’Ivoire et la Mauritanie, qui garantit la libre circulation des personnes sans visa, mais impose un titre de séjour après trois mois. Problème : l’application de cet accord est devenue floue ces dernières années. Son application varie aujourd’hui sur le terrain.

« Certains ne sont pas au courant, et lorsqu’ils sont arrêtés, ils ne comprennent pas pourquoi », précise-t-il.

Des expulsions, mais pas de « chasse aux migrants »

Depuis fin février, plusieurs centaines de ressortissants guinéens, maliens, sénégalais et ivoiriens en situation irrégulière ont été interpellés. Ils sont placés en rétention avant d’être reconduits aux frontières, notamment vers le Mali ou le Sénégal.

Si certains dénoncent des arrestations arbitraires, Souma Madou tempère : « Les Ivoiriens ont toujours été respectés en Mauritanie. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est une application de la loi qui aurait pu être mieux expliquée. »

Sur les réseaux sociaux, une vidéo a particulièrement suscité l’indignation : une femme ivoirienne affirmant avoir été arrêtée chez elle.  « C’est un cas isolé. À ma connaissance, c’est la seule situation de ce type qui m’a été signalée», estime cependant Souma Madou.

D’autres critiques évoquent des migrants expulsés sans ressources ni possibilité de contacter leurs proches. Une accusation que le représentant de la communauté ivoirienne ne rejette pas totalement : « Oui, certains sont refoulés à la frontière. Le problème, c’est qu’ils n’ont parfois pas le temps de prévenir leur famille. »

De l’incendie du poste-frontière de Gogui Zemal

La tension est montée d’un cran le 8 mars dernier, lorsque des migrants expulsés ont attaqué un poste de police à Gogui Zemal, à la frontière avec le Mali. Selon les autorités mauritaniennes, ces derniers ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre avant d’incendier le bâtiment.

La réplique des forces de sécurité, utilisant des grenades lacrymogènes, a nourri le climat d’inquiétude. L’incident a été largement relayé sur les réseaux sociaux, souvent sans contexte, pour renforcer les accusations de répression violente.

Une pression européenne en toile de fond

Cette vague de contrôles intervient alors que la Mauritanie a renforcé sa coopération avec l’Union européenne sur la gestion des flux migratoires. En mars 2024, Bruxelles a signé un accord de 210 millions d’euros avec Nouakchott pour démanteler les réseaux de passeurs et mieux contrôler les frontières. Selon les autorités espagnoles, 83 % des migrants qui débarquent dans l’archipel des Canaries transitent par la Mauritanie.

Le gouvernement mauritanien assure que ces mesures visent à prévenir les départs clandestins et à éviter que les migrants ne tombent entre les mains des trafiquants. « Nous devons contrôler nos frontières. Nous ne pouvons pas laisser notre pays devenir une plaque tournante pour l’immigration irrégulière », justifie un haut responsable mauritanien.

« Rien que la semaine dernière, nous avons démantelé quatre réseaux de trafic de migrants, dont les membres sont issus de cinq nationalités », a précisé le porte-parole du gouvernement, Houssein Ould Meddou. « Ces réseaux mettent en danger la vie des migrants en leur proposant des embarcations de la mort pour les amener vers l’Europe. Leur parcours se termine souvent en haute mer, avant que leurs corps ne soient projetés sur les rivages », a-t-il poursuivi.

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