Soudan: Après deux ans de guerre, une action internationale est requise

Illustration des combats à Khartoum, Soudan
communiqué de presse

Nairobi — Les pays participant à la conférence de Londres devraient mettre l'accent sur la protection des civils soudanais, l'accès à l'aide humanitaire et l'obligation de rendre des comptes

Alors que le conflit au Soudan entre dans sa troisième année, les dirigeants réunis à Londres devraient s'efforcer d'urgence de protéger les civils et de garantir un acheminement de l'aide humanitaire sûr et sans entrave, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La conférence, coorganisée par le Royaume-Uni, l'Union européenne, la France et l'Allemagne, se tient alors que les civils à travers le Soudan continuent d'être victimes d'abus flagrants et de violences délibérées.

Les Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) et les Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais) ont commis des exactions généralisées, notamment des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des pillages généralisés et la destruction d'infrastructures civiles depuis le début du conflit le 15 avril 2023. Les FSR et les milices alliées ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans le cadre d'une campagne de nettoyage ethnique au Darfour occidental. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et d'autres blessées. On estime que 12,9 millions de personnes ont fui leur foyer ; La moitié de la population soudanaise souffre de faim aiguë, et la famine se propage.

« Depuis deux ans, les belligérants soudanais soumettent la population à d'horribles exactions et souffrances, et bloquent l'aide humanitaire, plongeant le pays dans l'une des pires catastrophes humanitaires au monde », a déclaré Mohamed Osman, chercheur sur le Soudan à Human Rights Watch. « Les dirigeants internationaux devraient veiller à ce que les discussions visant à améliorer la situation humanitaire s'accompagnent d'engagements au plus haut niveau en faveur de la protection des civils. »

Le Royaume-Uni, en tant que pays co-organisateur de la conférence, devrait s'appuyer sur les efforts déployés par le passé au Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire avancer le débat sur la protection des civils. Les participants devraient veiller à ce que d'autres pays, notamment ceux d'Afrique et du Moyen-Orient, prennent des engagements concrets en faveur de la protection des civils soudanais, par exemple en formant une coalition de pays déterminée à agir dans ce sens en envisageant des options telles que le déploiement d'une mission de protection des civils, a déclaré Human Rights Watch.

Les pays participant à la conférence de Londres devraient également reconnaître publiquement le rôle vital des secouristes locaux et des professionnels de santé, s'engager à leur apporter soutien et protection, et indiquer clairement que les crimes de guerre tels que les attaques contre les installations et le personnel médicaux auront des conséquences.

Ces dernières semaines, les FAS ont repris le contrôle de zones auparavant sous le contrôle des FSR. Le 27 mars 2025, le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, commandant des FAS, a annoncé que ses forces avaient repoussé les FSR hors de la capitale, Khartoum, largement sous leur contrôle depuis le début du conflit. Le 20 mars, l'ONU a signalé que des dizaines de civils, dont des travailleurs humanitaires locaux, avaient été tués par des bombardements aériens et des tirs d'artillerie, que les FSR avaient exécuté sommairement des personnes à leur domicile, et que les forces des deux camps avaient pillé des biens civils et des fournitures d'aide humanitaire.

Trois volontaires à Khartoum ont déclaré à Human Rights Watch que, dans les mois précédant leur expulsion des FSR par les FAS, celles-ci avaient ciblé des cantines communautaires dans les zones sous leur contrôle, arrêtant plusieurs volontaires, pillant des réserves de nourriture et imposant des « frais de protection ». Les FAS ont également intimidé et arrêté des volontaires dans les zones sous leur contrôle.

Le 3 avril, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s'est déclaré « consterné par les informations faisant état d'exécutions extrajudiciaires généralisées de civils à Khartoum après sa reprise par les Forces armées soudanaises le 26 mars ».

Alors que les personnes déplacées commencent à rentrer à Khartoum, des images confirment la destruction massive d'infrastructures civiles et le pillage de biens. Des médias internationaux ont rapporté la découverte d'un centre de détention géré par les FSR et d'une fosse commune contenant plus de 500 corps, ce nombre pouvant atteindre 550 ; d'anciens détenus ont parlé de torture et de famine sur ce site.

« À notre retour à Khartoum, nous avons trouvé la ville en ruines », a déclaré à Human Rights Watch une femme de 51 ans rentrée chez elle à Bahri, ville jumelée à Khartoum. « Dans notre quartier, tout le monde a perdu un proche ou un voisin à cause des combats. Certains de nos voisins sont portés disparus depuis des mois. Nous avons découvert que des gens utilisaient une aire de jeux à proximité comme cimetière, faute de pouvoir enterrer leurs proches correctement dans le cimetière. »

Les civils sont toujours la cible d'attaques dans les zones où les hostilités se poursuivent. Depuis près d'un an, les combats incessants à El Fasher, capitale du Darfour-Nord, ont fait d'innombrables victimes et contraint nombre d'entre eux à fuir vers Zamzam, un camp de déplacés situé à 15 kilomètres de là, où la famine a été déclarée pour la première fois en août 2024 et que les FSR ont attaqué à plusieurs reprises en 2025.

En janvier 2025, une frappe de drone présumée sur un hôpital d'El Fasher a tué des dizaines de personnes. Ces attaques ont contraint le Programme alimentaire mondial des Nations Unies à suspendre la distribution de nourriture en février. Selon l'ONU, au moins 70 enfants ont été tués ou blessés à El Fasher au cours des trois derniers mois.

Les dirigeants réunis à Londres devraient exhorter les parties belligérantes à El Fasher et dans ses environs à protéger les civils, à autoriser la circulation des personnes et à acheminer l'aide humanitaire en toute sécurité, conformément à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à la résolution du Conseil de sécurité adoptée en juin 2024.

Pendant l'offensive des FAS visant à reconquérir l'État de Gezira, largement sous contrôle des RSF, entre décembre 2023 et février 2025, les FAS et les milices alliées ont attaqué des civils dans la capitale régionale, Madani, et aux alentours. Human Rights Watch a constaté que le Bouclier du Soudan, un groupe armé combattant aux côtés des FAS, a intentionnellement pris pour cible des civils et leurs biens lors d'une attaque contre le village de Tayba le 10 janvier 2025, tuant au moins 26 personnes. Les FSR, qui ont commis des exécutions sommaires, des viols et des pillages à grande échelle dans la Gezira alors que cet État était sous leur contrôle, ont aussi continué d'attaquer certaines parties de l'État, tuant au moins 18 personnes en mars 2025.

Les bombardements aériens menés par les FAS se poursuivent ; en mars, une attaque contre un marché bondé à Tora, au Darfour-Nord, aurait tué et blessé des dizaines de personnes.

Les deux camps entravent l'acheminement de l'aide et continuent de cibler les intervenants locaux, tandis que les coupes budgétaires dans l'aide humanitaire, notamment celles imposées par l'administration Trump, ont encore davantage compromis les opérations humanitaires, notamment la capacité opérationnelle des intervenants locaux. Des experts de l'ONU ont déclaré en juin 2024 que les deux parties utilisaient la famine comme arme de guerre. Le 14 mars 2025, le Secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF) s'adressant au Conseil de sécurité des Nations Unies, a souligné que « la violence contre les civils attise les besoins humanitaires ».

L'impunité pour les crimes commis au Soudan enhardit les forces responsables des exactions, a déclaré Human Rights Watch. Le 18 février 2025, Volker Türk a déclaré que « l'obligation de rendre des comptes, quels que soient le rang et l'affiliation des auteurs des violations, est essentielle pour briser le cycle récurrent de la violence et de l'impunité au Soudan ».

Les gouvernements réunis à Londres devraient également s'engager à mettre fin à l'impunité, notamment en garantissant le soutien politique et financier nécessaire aux enquêtes en cours, notamment celles menées par la Cour pénale internationale, la Mission d'établissement des faits de l'ONU et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et en incitant les parties belligérantes à autoriser l'accès au Soudan à des observateurs et enquêteurs indépendants.

Un autre facteur clé qui alimente la violence et encourage les parties belligérantes est le flux incessant d'armes provenant d'acteurs extérieurs. En septembre 2024, Human Rights Watch a documenté l'utilisation d'équipements apparemment nouvellement acquis de fabrication étrangère dans des régions du Soudan, notamment au Darfour, bien qu'un embargo sur les armes imposé par l'ONU y soit toujours en vigueur.

Les dirigeants réunis à Londres devraient condamner les violations de l'embargo sur les armes, notamment par les Émirats arabes unis, et s'engager à étendre cet embargo et le régime de sanctions de l'ONU, ainsi qu'à empêcher la vente d'armes susceptibles de tomber entre les mains des belligérants soudanais.

« Les dirigeants mondiaux ont l'occasion de prendre des mesures plus fermes pour empêcher les belligérants au Soudan de commettre davantage d'atrocités contre les civils, et pour insister sur l'acheminement d'aide humanitaire aux personnes qui en ont le plus besoin », a conclu Mohamed Osman. « Les dirigeants devraient fournir une aide vitale, apporter un soutien financier et politique aux intervenants locaux, appuyer les efforts de justice et soutenir la création d'une mission internationale de protection des civils. »

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