L'heure est venue pour les gouvernements africains d'évaluer des répercussions financières causées par la fuite des capitaux sur le continent, a estimé jeudi soir à Kigali, Ameth Saloum Ndiaye, chercheur économiste à l'Université de Dakar.
Cette déclaration d'un expert économiste intervient au moment où la Banque africaine de développement (BAD) affirme dans un récent rapport intitulé « Perspectives économiques en Afrique » déjà rendu public, en 2012, que les fuites de capitaux ont privé le continent de plus de 700 milliards de dollars au cours de la décennie écoulée.
« Dans la plupart des cas la fuite des capitaux sur le continent africain est opérée par les acteurs privés en raison d'une incertitude macroéconomique », a déclaré le professeur Ndiaye qui s'exprimait en marge de la septième conférence économique africaine qui se tient dans la capitale rwandaise.
A l'heure actuelle, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) considère que l'ampleur de la fuite des capitaux est telle qu'elle constitue un obstacle majeur à la mobilisation des ressources domestiques pour le développement national tout en constituant une entrave à la croissance économique à long terme.
Même si les systèmes financiers faiblement développés sont cités comme étant parmi les principaux facteurs favorisant la fuite des capitaux, le Pr Ndiaye est, pour sa part, persuadé que les pouvoirs publics en sont parfois responsables dans un contexte de mauvaise gouvernance et de mauvaise qualité des institutions.
En effet, le fait est que la fuite des capitaux réduit les ressources qui auraient pu être investies pour créer de la richesse dans les pays d'origine. Ce phénomène exerce, en outre, exerce une certaine pression sur le taux de change en augmentant la demande de devises étrangères pour canaliser la richesse à l'étranger, selon cette étude réalisée par le chercheur sénégalais.
Les systèmes monétaires des pays africains faisaient partie des thèmes majeurs de la septième conférence économique africaine qui se tient à Kigali, dans un climat marqué par les turbulences que connait actuellement l'économie mondiale ; avec un risque de répercussions néfastes sur la croissance de l'Afrique subsaharienne.
Cette crise économique globale reste sans doute le tout récent acte d'un malaise économique qui risque d'affecter le continent africain si aucune action n'est entreprise pour parer aux éventuels effets négatifs liés à l'instabilité macro-économique à travers le continent.
Les hypothèses des experts économistes ont déjà prouvé que phénomène de la fuite des capitaux provient du transfert vers l'extérieur d'une partie de l'épargne privée domestique et la persistance de cette situation contribue à une baisse de l'épargne sur le continent.
« Seuls les outils de politiques économiques nationales [en Afrique] pourront inverser la tendance [...] C'est cela qui pourra améliorer la qualité de vie des populations », a fait remarquer le Pr Ndiaye.
Mais le paradoxe réside dans les difficultés du système bancaire dans la plupart des pays africains où les crises monétaires semblent avoir engendré des coûts économiques et sociaux très importants.
Toujours est-il que la dette extérieure et l'aide étrangère visant à contribuer au financement de l'investissement domestique sont parfois utilisées à des fins de financement de l'investissement, dans des situations où le phénomène de la fuite des capitaux persiste.
En définitive, la sonnette d'alerte tirée par les experts économistes vise à interpeller les pays du continent à veiller à ce que la fuite des capitaux n'entraîne pas une baisse de l'investissement domestique et de la croissance économique.