Latrines communales à Konobougou, à 150km à l'est de Bamako dans la région de Ségou au Mali.
Ce 19 novembre 2015, la Banque africaine de développement (BAD) commémore la Journée mondiale des toilettes, à son siège à Abidjan. Le message clé de la première institution financière africaine est que les toilettes constituent un bon investissement.
Un assainissement défaillant mobilise en moyenne 1,5% du PIB des pays africains. Les dépenses les plus importantes concernent le domaine de la santé publique. La contamination de l'eau par les matières fécales est étroitement liée à deux des cinq premières causes de mortalité en Afrique, le paludisme et les maladies diarrhéiques. Cette contamination est aussi fortement corrélée aux épidémies de choléra. Cette maladie nécessitant la mobilisation de fonds d'urgence, et constituant un lourd fardeau sur la communauté et les activités économiques. Plus insidieusement, la contamination par les matières fécales peut conduire à un retard de croissance et de développement intellectuel et cognitif des enfants, notamment ceux de moins de 5 ans.
L'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (IAEAR-en anglais RWSSI, Rural Water Supply and Sanitation Initiative), initiée par la BAD, a accordé un don de près de-11 millions d'euros pour un programme sur six ans, mené par le Gouvernement du Mali. Pays qui investit dans l'assainissement total piloté par la communauté (ATPC); approche soutenue par la BAD depuis plus de dix ans.
Dans le cadre du projet initié au Mali, les fonds de RWSSI visent à sensibiliser les communautés rurales sur l'importance de la construction et l'entretien des latrines dans trois régions rurales, Gao, Koulikoro et Ségou. Au début du projet, les habitants n'avaient que peu de connaissance de la relation entre la transmission des maladies liées au péril fécal, et les maladies d'origine hydrique. Les fonds de l'IAEAR ont, depuis, soutenu la création d'associations de femmes (CAFO) et ont financé des sessions de formation sur les meilleures pratiques en santé et hygiène de base.
Selon Coulibaly, maire de Sirakorola (localité regroupant 55 villages de la région de Koulikoro): «au début, de nombreuses familles étaient réticentes à contribuer les 50 euros nécessaires pour couvrir les coûts de construction des latrines et bacs à laver. Dès lors qu'ils ont vu la satisfaction des familles pionnières, il y avait un engouement tel que toutes les demandes n'ont pu être satisfaites». Il ajoute que «depuis la construction des ouvrages, il y a moins de moustiques, et que subséquemment, la communauté a remarqué qu'il y a moins de cas de paludisme». L'amélioration de l'assainissement a donc eu un impact positif sur la qualité de vie, en particulier pour les femmes, qui portent en général le poids des soins en santé, notamment pour les enfants.
L'approche pour l'assainissement total piloté par la communauté, a donc positivement changé l'attitude des populations locales vis-à-vis de la nécessité des toilettes. Comme en a témoigné Moussa Cissoko (directeur régional de l'assainissement à Koulikoro). «Les populations se rendent maintenant compte de l'importance pour leur santé, de l'utilisation des latrines. Cela explique l'augmentation notable des demandes dans ce sens ».
Par ailleurs, les femmes gérantes des latrines communautaires affirment que le dispositif est bien fréquenté, et que leur activité est rentable, en particulier les jours de marché.
D'après les statistiques du JMP-OMS/UNICEF, la défécation à l'air libre dans les zones rurales du Mali a diminué dans ces vingt dernières années (1995-2015), passant d'environ 33% à 15%. C'est une bonne nouvelle pour l'économie du Mali car les frais de santé sont ainsi allégés, surtout pour les franges les plus pauvres de la population. Celles qui sont d'ailleurs, les plus exposées et les plus vulnérables vis-à-vis des maladies hydriques.
«RWSSI poursuit donc sa stratégie prioritaire d'aide aux plus démunis, sur le principe que chaque euro dépensé pour améliorer l'assainissement dans les régions les plus démunies, générera le plus de retour sur investissement et une meilleure qualité de vie», a indiqué le directeur du Département de l'eau et de l'assainissement à la BAD, Mohamed El Azizi.
Globalement, en plus du renforcement des capacités, un total de 15 000 blocs sanitaires pour les foyers et 115 latrines collectives au niveau des marchés, écoles, centres de santé et gares routières, ont été construites dans le cadre du projet de RWSSI au Mali.