Afrique: Mabingué Ngom, Directeur Régional du Bureau UNFPA Afrique de l'Ouest et Centrale – « Il y a aujourd'hui une crise de la jeunesse africaine »

Le Directeur Régional de UNFPA/WCARO, Mabingué Ngom (en bleu) à côté de la Vice-présidente de la Gambie et de son ministre de la jeunesse, à l'ouverture officielle du 10ème anniversaire de la Charte Africaine de la Jeunesse (Banjul +10), le mardi 24 Mai.
23 Mai 2016
interview

La situation de la jeunesse africaine est loin d'être reluisante. Le directeur régional de l'UNFPA Afrique de l'Ouest et du Centre, M. Mabingué Ngom qui a fait le constat analyse, pour nous, les causes qui sont à l'origine de cet état de fait. Rencontré à Banjul, capitale gambienne, où se tiennent les activités marquant le 10ème anniversaire de la charte africaine de la jeunesse, ce « soldat » du Dividende Démographique appelle à un changement de fusil d'épaule en vue de donner une place de choix à la jeunesse dans les agendas 2030 avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU et 2063 de l'Union Africaine (UA).

Quel bilan tiré 10 ans après le lancement de la charte africaine de la jeunesse ?

Si nous regardons la situation de la jeunesse africaine en 2016 comparée à celle de 2006, je crois qu'il serait difficile de parler de progrès visibles ou significatifs. Il y a aujourd'hui une crise de la jeunesse africaine. C'est une situation qui mérite une attention toute particulière de la communauté internationale. Mais d'abord une attention des leaders africains. Je veux dire des leaders au niveau des gouvernements, des leaders communautaires mais également au niveau des organisations de jeunes.

Selon vous qu'est ce qui n'a pas marché ?

Nous continuons à avoir un  surcroît démographique très élevé. Chaque année, nous continuons à avoir une arrivée massive des jeunes sur le marché de l'emploi. Ce sont des jeunes qui  ne sont pas absorbés. Nous avons également la montée d'un phénomène extrêmement grave comme le terrorisme qui n'est qu'une conséquence de l'échec des politiques en faveur des jeunes, des politiques d'éducation, de santé, d'emploi e de formation. Si je prends le cas de l'éducation en Afrique, entre le Nigéria et la République Démocratique du Congo nous comptons 13 millions d'enfants qui devaient être dans les salles de classe et qui sont dans la rue. Pour un pays comme le Mali, vous allez dans la région de Kidal, les écoles sont fermées depuis quatre ans alors que nous parlons des adultes de demain.

Non seulement vous avez une bonne partie de la population qui est encore illettrée avec des gens qui ne savent ni lire, ni écrire. Donc il est difficile d'en faire le fer de lance de l'avenir du continent. Il faut changer de fusil d'épaule. Il nous faut des investissements massifs dans l'éducation, dans la santé, dans la formation mais également dans la bonne gouvernance pour faire en sorte que l'Afrique puisse mobiliser sa jeunesse pour construire son avenir.

Je disais récemment dans un tweet que la nouvelle Afrique de 2063 qui est vraiment notre rêve commun ne va pas se réaliser sans le dividende démographique. Cet outil nous offre une opportunité extraordinaire pour faire en sorte que l'Afrique puisse être au rendez-vous de 2063. Il faut donc travailler ensemble, mettre en place de nouveaux partenariats et faire en sorte que les leçons que nous avons apprises depuis 2006 puissent nous servir à aller de l'avant mais il faut une rupture dans notre façon de faire. Il faut également une attention particulière de tous les acteurs sinon nous risquons de voir des situations dramatiques en Afrique très bientôt.

Quel rôle les jeunes doivent jouer dans cette nouvelle dynamique ?

Cette semaine sera vraiment une opportunité pour les jeunes de se faire entendre et pour qu'un bilan sans complaisance soit tiré. Que les jeunes puissent exprimer leur vision, leur sentiment, par rapport à l'avenir de l'Afrique. C'est important au moment nous préparons une feuille de route à la demande des chefs d'Etats africains qui, lors de leur réunion en fin janvier passé 2016, ont demandé à la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), le NEPAD, la Banque Africaine de Développement (BAD), la Commission de l'Union Afrique (UA) et le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP ou UNFPA) de leur proposer une feuille de route pour leur sommet de Kigali de juillet 2016. Feuille de route qui va permettre un peu de décliner les actions à mener pour qu'il y ait des investissements importants dans le domaine du Dividende Démographique.

Les chefs d'Etats ont décidé pour la première fois, un an avant, le thème de leur sommet 2017 qui portera sur le Dividende Démographique. C'est une chance pour que les jeunes puissent participer et se faire entendre à partir de Banjul et imprimer un peu à l'agenda des chefs d'Etat de juillet 2016 mai également du sommet de 2017, leur vision et leur plan pour sortir de la mauvaise passe dans laquelle ils se trouvent actuellement.

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