Emmanuel Orkoh, économiste chercheur, présentait mardi 4 décembre à Kigali, au Rwanda, un exposé sur Les effets du bien-être sur le genre découlant de l'intégration du commerce régional sur les ménages au Ghana, dans le cadre de la 13e Conférence économique africaine (AEC) 2018.
En 2015, les pays membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), dont le Ghana, ont convenu de mettre en œuvre un Tarif extérieur commun (TEC), afin d'harmoniser leur structure tarifaire et de favoriser le commerce régional et la croissance économique. Ce nouveau système tarifaire a eu un impact sur les prix et affecté le bien-être des ménages au Ghana.
« Du point de vue du genre, les ménages dirigés par une femme sont relativement mieux lotis que leurs homologues masculins. Les ménages dirigés par des hommes sont les plus touchés par la réduction du bien-être, tandis que l'effet sur les ménages dirigés par des femmes est quasiment nul », a expliqué ce chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université du Nord-Ouest Campus Potchefstroom (Afrique du Sud).
Selon le panéliste, il a en effet été constaté que « les ménages dirigés par une femme sont relativement moins pauvres que les ménages dirigés par un homme, et que les premiers dépensent davantage en produits alimentaires que les derniers ». Ce qui contredit l'hypothèse de « la féminisation de la pauvreté ».
Les multiples effets du TEC
« Lorsque nous ne considérons que les produits pour lesquels les prix augmentent, il y a une réduction du bien-être des ménages. Toutefois, pour les produits dont les prix baissent, le bien-être des ménages s'est amélioré, ce qui signifie que l'effet dominant est celui qui pèse sur les ménages en tant que consommateurs », détaille l'intervenant.
La mise en œuvre du TEC a par ailleurs entraîné une perte nette pour toutes les catégories de revenus des ménages dirigés par un homme et des ménages riches dirigés par une femme.
Cependant, il y a eu un effet positif sur les ménages dirigés par une femme dans les catégories de revenus faibles et moyens. Cela pourrait être dû en partie au fait qu'au cours de ces années, la croissance économique du Ghana a été largement tirée par les secteurs des services et de l'agriculture, où la part de l'emploi féminin est supérieure à celle de l'emploi masculin.
En ce qui concerne le genre, les femmes sont essentielles en termes de sécurité alimentaire dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne. Ce sont généralement de petits agriculteurs ou producteurs de cultures vivrières.
Au cours des deux ou trois dernières décennies, un certain nombre de pays en développement ont opté pour l'intégration économique régionale en tant qu'instrument permettant d'harmoniser les politiques commerciales et d'accroître leur poids dans le commerce mondial.
L'intégration économique, en particulier en Afrique, a également été considérée comme un moyen de diversifier la structure des économies africaines, de stimuler le commerce et les investissements intra-africains, de renforcer les capacités d'approvisionnement et de réduire durablement la pauvreté.
Afin de combler les écarts de bien-être identifiés, Emmanuel Orkoh a invité le gouvernement ghanéen à envisager de concevoir des politiques compensatoires, telles que des transferts de revenus, qui cibleront les ménages pauvres producteurs dirigés par des hommes.
Les participants ont notamment objecté que le Ghana était le seul pays choisi comme cible de l'étude et ont souligné l'absence de comparaisons avec les autres pays de la CEDEAO. En réponse, le paneliste a soutenu qu'il serait plus complexe de mener cette étude comparative dans d'autres pays ouest-africains, eu égard aux spécificités propres à chaque pays membre de la Communauté.
La Conférence économique africaine est organisée conjointement par la Banque africaine de développement, la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (UNECA) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur le thème Intégration régionale et continentale pour le développement de l'Afrique.
Cet événement de trois jours explore des propositions pour renforcer l'intégration large et inclusive des économies africaines. Elle offre aux chercheurs, décideurs politiques et praticiens du développement, une opportunité unique de débattre et d'acquérir des connaissances sur les solutions d'intégration continentale.