À Saria, dans la province de Boulkiemdé, au centre-ouest du Burkina Faso, on aperçoit de plus en plus de femmes autour des enclos à chèvres et à moutons. Leur présence ne se limite pas au simple entretien des lieux. Elles en sont, pour la plupart, les propriétaires. L'une d'entre elles, Salimata Kaboré, gère une petite bergerie de quatre têtes, deux brebis et deux béliers.
« J'ai construit l'enclos moi-même et le Programme de renforcement de la résilience à l'insécurité alimentaire au Sahel (le programme P1-P2RS financé par la Banque, ndlr) nous a offert ces animaux à élever. J'en prendrai soin parce que dans deux à trois ans, je souhaite avoir une dizaine de têtes, devenir progressivement un grand éleveur de moutons, au même titre que les hommes. En attendant, je subviens aux besoins de la famille avec mes récoltes de maïs et de niébé », précise cette mère de trois enfants.
Tapsoba Marietou, entrepreneure de Saria, est, elle aussi, devenue une référence dans sa localité en matière d'élevage de volailles. Les jeunes de Saria disent visiter régulièrement son poulailler pour s'inspirer de son expérience. À Torodo, dans la région du Plateau Central, Marata qui a reçu dix poules et un coq pour lancer son business plan, se réjouit, pour sa part, de la naissance de six poussins.
Ces femmes font partie des 1 250 bénéficiaires des activités de promotion de l'entreprenariat rural et du renforcement de la nutrition dans le cadre plus général du projet 1 du Programme de renforcement de la résilience à l'insécurité alimentaire au Sahel (P1-P2RS). Mis en place en 2015 au Burkina Faso, ce projet entend lutter contre la malnutrition et l'extrême pauvreté, qui affectent quelque 5 millions d'habitants dans plusieurs régions du pays - la Boucle du Mouhoun, le Plateau central, le centre Ouest, le centre Sud et le Centre.
Principal partenaire financier, la Banque africaine de développement a débloqué 19,64 milliards de francs CFA, soit 87,9 % du budget total. De son côté, l'État burkinabé y a participé à hauteur de 2,7 milliards de francs CFA, et les bénéficiaires de 500 millions Francs CFA.
« C'était la misère avant la réalisation du barrage »
Entre 2015 et 2018, de nombreux chantiers ont été menés à terme, notamment la réhabilitation essentielle de trois barrages hydro-agricoles. « Notre barrage avait souffert de dégradations et le manque d'eau m'avait poussé à quitter la région », témoigne Amidou Bourahima, pêcheur à Bani, dans le Sahel. Beaucoup d'entre nous se sont rendus en Côte d'Ivoire. Personnellement, j'ai passé deux années en Arabie saoudite [... ]. À mon retour, j'ai constaté la réhabilitation de l'ouvrage, j'en suis heureux, car il redonne espoir et vie à notre communauté. ».
Des puits ont été forés pour offrir aux populations un accès aisé à l'eau potable.
« C'était la misère avant la réhabilitation du barrage », se souvient Hama Amadou Cissé, président du Conseil villageois de développement de Bani. « On pouvait passer plus de quatre heures pour un peu d'eau à la fontaine. Même les plantes n'ont pas résisté au manque d'eau. Aujourd'hui, le projet nous a plus que soulagés ». 305 jeunes ont ainsi été formés à l'entreprenariat rural et au montage de business plans à travers ce projet.
Lauréats du concours des meilleurs business plans du projet, Des jeunes de Saria ont reçu charrettes, arrosoirs, grilles de protection, pulvérisateurs et bénéficié d'un fonds de roulement de 100 000 francs CFA pour la mise en œuvre de leur projet. Kaboré W. Adjaratou et Kaboré Rémis ont bénéficié de prêts dans le cadre du Programme d'autonomisation économique des jeunes et des femmes. Ils ont démarré leur projet et commencé à rembourser leur dû.
Un "champ-école" de riz instauré dans le cadre du projet P1-P2RS financé par la Banque africaine de développement.
De nombreuses autres réalisations ont été constatées en trois ans seulement : la réhabilitation de 3 barrages, l'aménagement de 400 ha de bas-fonds rizicoles et de 38 ha de périmètres irrigués, la construction de 3 boulis pastoraux (retenues d'eau), 6 magasins d'aliments de bétail de 250 tonnes, 9 boutiques d'intrants, de 20 magasins de warrantage de 100 tonnes, de 22 magasins de stockage de 250 tonnes, de 200 latrines familiales, de 2 postes phytosanitaires, de 3 centres de santé normalisés, 1 système solaire d'adduction d'eau potable simplifiée à vocation pastorale et le balisage de 13 km de couloirs d'accès à l'eau. A cela s'ajoutent 26 forages pastoraux et 60 forages communautaires, une station piscicole, 11 plateformes multifonctionnelles comportant des unités de transformation des produits forestiers non ligneux ou encore 10 jardins nutritifs.
Les femmes en pole position
À une centaine de kilomètres de Ouaga, les signes de changement sont également visibles au village de Torodo, situé au Plateau Central. Fati Dipama fait partie de l'association Tégawendé, forte d'une centaine d'adhérentes. Organisé en quatre sous-groupes, les femmes de Torodo s'occupent de la gestion de la plateforme et proposent des services de mouture, décorticage des céréales, concassage et mouture des noix de karité et d'arachide, mais aussi de charge de batteries de portables cellulaires ou de véhicule.
En outre, cette plateforme est une unité de transformation de produits forestiers non ligneux. On y fabrique du beurre de karité, du savon et de la pommade à base beurre de karité, du savon liquide, du soumbala (une épice bien connue) et de la moutarde de soumbala. « Non seulement, nous avons reçu des moulins, mais nous avons aussi été formées pour leur entretien et c'est bon pour nous. Nous avons été formées à la transformation des produits forestiers non ligneux, comme le karité et le néré.
Nos produits se vendent sur la place du marché. Grâce aux moulins, les habitants n'ont plus à parcourir de grandes distances pour moudre leurs grains. Nous avons gagné du temps », se réjouit Mme Dipama. Et de préciser : « Pour les récoltes que nous souhaitons vendre, nous faisons la transformation nous-mêmes, ce qui permet d'obtenir un bon prix et de bénéficier d'un meilleur revenu ».
À Gombousgou, une formation a été offerte aux femmes transformatrices de poisson.
À l'instar de Tégawendé, d'autres associations de femmes prennent une part active dans la gestion du quotidien. Sur le site de Goumédyr, à Réo, dans la province de Sanguié, un groupement appelé « Yidjan Durega », bénéficiaire du projet, gère un jardin nutritif, qui produit deux espèces, la Moringa oleifera et l'Adansonia digitata - reconnues pour leurs qualités nutritives et leur apport nutritionnel dans l'alimentation infantile notamment. À Kamanlélé, les membres de l'association Relwendé exploitent, quant à elles, le niébé (pois à vache), cette variété de haricot d'Afrique bien connue elle aussi pour ses qualités nutritives et sa résistance à la sécheresse, dont elles produisent et stockent jusqu'à 30 tonnes par an avant de le vendre. Prochaine étape : la création d'une institution de microfinance de proximité pour soutenir leurs activités.
Pour mieux renforcer la nutrition dans la région, le projet a soutenu le district sanitaire de Manga dans la promotion des pratiques alimentaires du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) en instaurant des Groupes d'appui et de soutien aux pratiques d'ANJE (GASPA). Les GASPA sont dans une stratégie de communication interpersonnelle pour aider à changer les comportements : les mères sont réunies en petits groupes homogènes selon leur statut physiologique (femmes enceintes, femmes allaitantes, mères d'enfants de moins de 2 ans). Elles y apprennent les bonnes pratiques en matière de nutrition, de santé et d'hygiène, et proposent des démonstrations culinaires. Ont ainsi été mis en place 1 602 GASPA au total, qui regroupent 20 081 mères.
Depuis juillet 2016, ces groupes se réunissent une fois par mois pour discuter d'une thématique spécifique. Grâce à quoi, les mères ont gagné en connaissances et le nombre d'enfants mal nourris a diminué.
Des enfants mieux nourris et en meilleure santé
Dabré Bimata est membre GASPA depuis les débuts : « J'ai trois enfants. Quand j'ai eu mes deux premiers, je n'étais pas membre d'un groupe d'appui. Je n'avais pas suffisamment d'information sur l'alimentation des enfants, si bien que je leur donnais de l'eau et des tisanes. Les deux enfants ont été hospitalisés à plusieurs reprises. Quand j'ai été enceinte du troisième, le GASPA avait été mis en place et je l'ai rejoint. J'ai reçu beaucoup d'informations sur le suivi de la grossesse, l'alimentation du nourrisson. Lorsque j'ai accouché, j'ai donné du lait maternel à mon enfant jusqu'à ses 6 mois. J'ai remarqué que mon enfant était en forme, il n'est pas tombé malade. Je l'amène au centre de santé pour le suivi de croissance et la vaccination. Il est très différent des deux autres, il n'a pas été malade comme eux ».
Des chèvres laitières sur le point d'être distribuées aux femmes bénéficiaires du projet dans le village de Bani.
Dans le Centre de santé et de promotion sociale de Tuiré, quatre villages bénéficient de l'appui du programme P1-P2RS pour le renforcement de la nutrition. Aucun cas de malnutrition aigüe sévère n'y a été détecté depuis 2017, selon l'infirmier chef de poste. Les bénéficiaires du GASPA ont même reçu des chèvres laitières pour renforcer le niveau d'organisation des groupes et la diversité alimentaire des enfants, des femmes enceintes et des mères allaitantes.
À Tuiré, les GASPA bénéficient d'un jardin nutritif composé pour l'essentiel de Moringa et de baobabs. Les produits servent pour des démonstrations culinaires pendant les animations GASPA. La poudre de Moringa est vendue au dépôt pharmaceutique du centre de santé et les recettes de la vente contribuent à acheter de nouveaux intrants.