Le visiteur qui revient à Guirmogo, cinq ans après l'avoir quitté, ne reconnaîtrait plus ce village de la commune de Zabré, région du Centre-Est du Burkina Faso.
Des dizaines de cases en banco ont fait place à autant de maisons en dur. De nouvelles infrastructures socio-économiques permettent aux habitants d'avoir une vie plus décente et d'entreprendre des activités rémunératrices. Les femmes du village bénéficient ainsi de deux unités de décorticage de riz, un centre de tissage, un centre de production de beurre de karité, un autre pour le " soumbala ", un condiment alimentaire, un moulin à grains et une savonnerie.
Zirabouré Zanré, président du Comité villageois de développement, souligne que le village a également obtenu une école à six classes, deux grands magasins de stockage de produits agricoles et une nouvelle route d'une cinquantaine de kilomètres reliant Guirmogo à Beka. " Cette route nous a soulagés. Avant, les ambulances rencontraient d'énormes difficultés pour évacuer les malades à cause des rivières. Mais maintenant, c'est fini ", se réjouit-il, en attendant la réalisation d'autres infrastructures communautaires.
Guirmogo bénéficie en fait des retombées de la mise en œuvre du Projet d'appui au Pôle de croissance de Bagré (PAPCB). Ce projet porte sur l'aménagement de 2 194 hectares de terres agricoles et le développement des chaînes de valeur agricole (riz, maïs, produits maraîchers) autour du barrage de Bagré, construit en 1994 avec l'appui de la Banque africaine de développement.
Au-delà de l'objectif d'augmenter la production agricole du pays, le projet vise la mise en place d'un pôle agro-industriel où paysans et investisseurs privés se côtoient dans l'exploitation des aménagements. Sa réalisation coûtera 31 millions d'euros (26 millions d'UC), en majeure partie apportés par le Groupe de la Banque, grâce à un prêt de 17,9 millions d'euros (15 millions d'UC), et un don de 7,16 millions d'euros (6 millions d'UC).
Lancés en 2016, les travaux d'aménagement évoluent vers leur achèvement prévu en 2022. Mais déjà, Guirmogo doit sa transformation à la réinstallation de ceux de ses habitants dont les maisons et les champs ont été affectés par la mise en œuvre du projet. " Nous étions installés vers le bas de la colline, raconte Zirabouré Zanré. Les gens du projet sont venus nous expliquer qu'ils souhaitaient aménager les berges du fleuve pour permettre de cultiver aussi bien en saison pluvieuse qu'en saison sèche. Nous avons accueilli cette information avec joie. Cependant, certaines habitations ainsi que des champs se trouvaient dans la zone à aménager. Ils nous ont demandé de trouver un terrain qu'ils allaient lotir, afin que nous libérions l'emprise de l'aménagement. Alors, avec le chef de village, les conseillers municipaux et les vieux du village, nous sommes convenus de venir nous installer ici, à côté de la colline ".
Après une évaluation de tous les biens susceptibles d'être touchés (maisons, champs, arbres, lieux de sacrifices et de culte, etc), des modalités de dédommagement ont été proposées. " Ils nous ont versé l'argent et nous avons arrêté un délai pour le déguerpissement, poursuit Zirabouré Zanré. Une quarantaine de ménages étaient concernés et chacun a tout fait pour finir la construction de son nouveau domicile avant de partir ". L'opération a coûté près de deux milliards de francs CFA (3 millions d'euros), supportés par la contrepartie nationale.
Formation à l'emploi des jeunes femmes et des femmes
Dans la commune voisine de Bagré, Téwendé Sawadogo est fière de recevoir des visiteurs sur son site d'embouche porcine. La jeune femme a monté son affaire à la fin de sa formation d'agent de développement rural, à l'Institut de formation en développement rural (IFODER). C'était en 2017.
" Comme trente autres filles de ma promotion, explique-t-elle, j'ai bénéficié d'une aide de 1,5 million de francs CFA (2 280 euros) de la Banque africaine de développement, qui m'a permis de construire les installations et d'acheter les porcs ".
Créé en 2013, l'IFODER a pour missions de former des jeunes en entreprenariat agricole et de renforcer les capacités des producteurs et investisseurs privés agricoles. En attendant d'ouvrir un cycle pour les techniciens supérieurs en agroalimentaire, il a formé, à ce jour, près de 450 agents de développement rural, dont une centaine de filles. Faute d'infrastructures, la première promotion n'avait accueilli que des garçons. " Heureusement, avec l'appui de certains partenaires comme la Banque africaine de développement, nous avons pu, dès la 2e promotion, intégrer des filles. L'appui de la Banque a notamment permis de construire un dortoir pour elles ", se réjouit Laurent Kiwalo, directeur de l'institut.
Certains diplômés de l'IFODER s'orientent vers la recherche d'emploi auprès des investisseurs privés agricoles ; d'autres préfèrent s'installer à leur propre compte, à Bagré ou ailleurs. À ce niveau encore, la Banque apporte un soutien particulier aux filles en leur offrant des bourses. À l'instar de Téwendé Sawadogo, plusieurs autres filles ont pu ainsi lancer des microprojets dans l'aviculture, l'élevage des porcs et des petits ruminants, ou la pisciculture.
Avec l'appui de la Banque africaine de développement, l'IFODER s'est également équipé en machines agricoles. " Nous avons ainsi basculé vers une formation plus pratique et répondant mieux aux besoins des bénéficiaires ", se félicite M. Kiwalo. En outre, ces équipements offrent l'opportunité au centre d'assurer des prestations qui peuvent lui apporter des ressources et ainsi, l'accompagner dans l'autonomisation progressive de son fonctionnement.
Au total, la mise en œuvre du Projet d'appui au Pôle de croissance de Bagré bénéficiera directement à plus de 13 000 personnes, prioritairement aux femmes et aux jeunes. Elle contribuera également à améliorer le cadre de vie des populations, créer des emplois, assurer un meilleur accès aux services de base, accroître les revenus des producteurs et renforcer les capacités des artisans locaux.