La mise à l'échelle dans la gestion durable des terres et la restauration des écosystèmes a des retombées économiques certaines pour les pays africains, soutiennent les participants à un panel organisé, mercredi 11 mai, dans le cadre de la quinzième Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification qui se tient à Abidjan du 9 au 20 mai. Ce panel a été modéré par la Banque africaine de développement.
L'Afrique est confrontée à une baisse des précipitations et les déficits structurels des rendements agricoles, plongeant 35 millions de personnes dans l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, a expliqué le directeur général du centre régional Agrhymet du Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), Dr Mahalmoudou Hamadoun.
Dr Maguette Kaïre, expert forestier au CILSS a salué les politiques volontaristes des États pour la restauration des terres avec les Contributions déterminées au niveau national et les initiatives régionales comme la Grande muraille verte. La mise à l'échelle, a-t-il dit, est une obligation dans un contexte défavorable consécutif au changement climatique qui met sous pression les économies et les moyens de subsistance. La croissance démographique, à 3% en Afrique de l'Ouest qui comptera 500 millions d'habitants d'ici à 2050, amplifie la pression sur les écosystèmes. On estime qu'il faudrait 100 millions de tonnes de céréales pour les populations de la région en 2025.
Cependant, des techniques endogènes de récupération des terres ont été développées avec succès même si beaucoup reste à faire. Ainsi au Sénégal, 9000 hectares de terres ont été restaurés dans la zone des Niayes et 20 000 autres dans le cadre de la Grande muraille verte. Au Burkina Faso, 300 000 hectares de terres ont été restaurées dans la région du Plateau central.
Il faut changer de paradigme, conseille Saliou Gaye Ndoye, expert en finance verte. Des institutions comme le CILSS se positionnent dans le financement innovant et n'ont plus à se contenter de dons et subventions. Le CILSS doit opter pour des outils plus stratégiques comme les fonds de garantie, les prêts bonifiés, et d'autres instruments financiers, à l'instar du Fonds vert climat et du Fonds pour l'environnement mondial, a-t-il souligné.
Le CILSS est engagé dans un processus d'accréditation aux mécanismes de financement, a souligné son secrétaire exécutif, Dr Abdoulaye Mohamadou précisant qu'il s'agit de travailler sur les instruments de garantie pour une mise à l'échelle de la gestion durable des terres.
Selon les participants, le retour sur investissement dans la gestion des terres garantit des avantages économiques certains aux pays. En effet, des recherches ont montré que si les politiques agricoles au Sahel et en Afrique de l'Ouest arrivaient à restaurer 10% des terres agricoles par an grâce aux techniques de gestion durable, le retour sur investissement pourrait atteindre entre 50 et 170 millions de dollars par an.
Seulement, la mise en échelle pour être efficace, doit s'attacher à sécuriser le foncier, adopter des techniques adaptées au changement climatique, et prendre en compte les jeunes et les femmes. Cela permettra d'améliorer la production de céréales, le produit intérieur brut par habitant, le stockage de CO2 et nourrir plus de personnes. Un ensemble d'indicateurs macroéconomiques permettent de suivre les bénéfices de la mise à l'échelle en rapport avec la sécurité alimentaire. Mais la gestion durable des terres doit bénéficier d'un leadership institutionnel et de plus d'attention au niveau des politiques agricoles et budgétaires.
Pour Christophe Deguenon, directeur de l'Environnement et des ressources en eau, à l'UEMOA, " il faut identifier et lever les contraintes socioéconomiques d'accès à la terre, désigner un pilote au niveau national, subventionner les bonnes pratiques de gestion durable et trouver des mécanismes pour la garantie des porteurs de projets auprès des banques ", a-t-il plaidé.
La gestion durable des terres s'appuie aussi sur la production de connaissances comme outil d'aide à la décision, avec une cartographie actualisée pour le suivi des progrès réalisés. Ainsi, les bonnes pratiques répertoriées peuvent être répliquées ailleurs et un des outils en la matière est la base de données mondiales Global Sustainable Land Management Database.
Le Fonds africain de développement, le guichet de prêts à taux concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement et le programme, Technologies pour la transformation de l'agriculture africaine (TAAT) de la Banque, ont été cités en exemple au cours des discussions. Le TAAT qui produit des résultats grâce aux technologies climato-intelligentes, touchera à terme 40 millions d'agriculteurs en cinq ans avec une production de 120 millions de tonnes de denrées alimentaires supplémentaires pour les populations africaines.