Á la sortie nord-est de Ouahigouya, chef-lieu de la région Nord du Yatenga, la taille des deux sites d'accueil de personnes déplacées internes renseigne sur l'ampleur des besoins à satisfaire pour faire face à la crise humanitaire née des attaques terroristes. Depuis 2015, le Burkina Faso, comme certains pays du Sahel, fait face à une crise sécuritaire aiguë causant des mouvements massifs de populations dans la quasi-totalité des régions du pays.
Le premier site, ouvert en mars 2020, accueille 6 000 personnes originaires principalement de la commune de Barga. Quant au second, implanté en décembre 2021, il héberge 10 000 personnes, dont la plupart sont venues de la ville de Titao. Selon les dernières statistiques du gouvernement burkinabè, le pays comptait 1,52 million de personnes déplacées internes à fin avril 2022 et 3,5 millions de personnes ont besoin d'une assistance humanitaire.
Des treize régions du pays, celle du Nord se classait en troisième position pour l'accueil de personnes déplacées internes (222 000, dont 23% de femmes et 60% d'enfants), après le Centre-Nord et le Sahel. Ouahigouya a commencé à en recevoir dès 2018. Au fil des mois, le flux n'a cessé d'augmenter. En avril 2022, la ville de 100 000 habitants comptait en plus 130 000 déplacés internes, essentiellement des femmes et des enfants.
À quelques détails près, l'histoire est quasiment la même pour tous les déplacés internes : un départ précipité, à titre préventif ou sous la menace des groupes armés, le regret d'avoir tout perdu, le sentiment d'abandonner une partie de soi et l'incertitude d'un retour ultime sur la terre de ses ancêtres.
À Pobe-Mengao, à une centaine de kilomètres de Ouahigouya, Azèta Sawadogo a vécu des soirées d'enfer il y a un an, avec des crépitements réguliers d'armes jusqu'au petit matin. Apeurés, des dizaines d'habitants ont décidé de partir. " Nous ne pouvions plus rester, témoigne-t-elle, abasourdie. En chemin, les hommes armés nous ont arrêtés, avant de nous relâcher à la tombée de la nuit. Nous avons été soulagés d'atteindre Ouahigouya ".
L'augmentation du nombre de déplacés a entraîné un accroissement des besoins divers, principalement alimentaires, mais également les abris et le matériel de survie, l'éducation, la santé et la nutrition, et ceux en eau, hygiène et assainissement. Azèta Sawadogo est dans le désarroi : " nous sommes confrontés à la pénurie. Pas suffisamment à manger, pas de bois pour faire la cuisine et quand cela est possible, il y a peu d'eau ".
Face au flot continu de nouvelles arrivées, les infrastructures d'accueil s'avèrent bien insuffisantes, en dépit des efforts fournis par les autorités. Heureusement, certains déplacés bénéficient de l'hospitalité de familles généreuses. Faute d'espace dans les sites prévus, des tentes sont ainsi dressées dans des concessions familiales. D'autres sont obligés de louer des maisons en ville, qu'ils parviennent tant bien que mal à payer grâce aux activités rémunératrices qu'ils ont dû entreprendre.
La Banque au chevet des déplacés
Face à ces difficultés les acteurs humanitaires et les partenaires au développement se sont mobilisés pour aider l'État à surmonter cette crise. La Banque africaine de développement a ainsi mis en place, en 2021, le Projet d'aide humanitaire d'urgence aux personnes déplacées internes (PAPDI). Objectif : contribuer à améliorer les conditions de vie et la résilience de ces personnes dans les régions du Centre-Nord et du Nord. Un don de 500 000 dollars américains provenant des ressources du Fonds spécial de secours de la Banque est alloué à cette opération dont l'exécution est confiée au Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR).
L'appui de la Banque africaine de développement a permis d'acquérir 358 tonnes de céréales pour répondre aux besoins alimentaires d'au moins 40 000 personnes déplacées internes. Il a également financé la réalisation de 300 abris, et doté 1000 ménages déplacés en nattes et couvertures destinées principalement aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées, dont la vulnérabilité s'est accrue avec les intempéries qui touchent cette partie du territoire.
L'appui de la Banque africaine de développement a permis de répondre aux besoins alimentaires d'au moins 40000 déplacés internes
" Grâce à ce soutien, chaque ménage de la population cible a reçu une ration alimentaire de trois mois. La Banque a également réalisé des forages qui profitent non seulement aux déplacés, mais aussi à la population hôte, dans une ville traditionnellement confrontée aux pénuries d'eau ", témoigne Léonard Sawadogo, directeur de l'Action sociale à Ouahigouya. En outre, en raison des conditions d'hygiène et d'assainissement précaires dans les sites d'hébergement, 500 ménages ont reçu une dotation en savon et autres produits d'hygiène.
En cette matinée du 8 août 2022, pendant qu'il égrenait les bienfaits de l'appui de la Banque africaine de développement, Léonard Sawadogo appréhendait déjà la situation des jours prochains. En effet, quelques heures plus tôt, à 52 kilomètres de là, Séguénéga a subi sa première attaque terroriste, qui a contraint de nombreux habitants à quitter la commune. " Plusieurs d'entre eux se dirigeront sûrement vers Ouahigouya ", soupire-t-il, soulignant ainsi la nécessité pour les autorités publiques et les partenaires, y compris la Banque africaine de développement, de poursuivre leurs efforts pour la prise en charge des personnes déplacées internes.
Certains déplacés internes ont entrepris des activités rémunératrices