La 14e édition de MeDays organisée par le think tank Institut Amadeus est officiellement ouverte ce mercredi 2 novembre à Tanger (Maroc) avec la table ronde sous le thème « Comment simplifier l'architecture d'intégration africaine ? ». L'occasion était saisie par les panélistes pour démontrer que le frein à l'unité africaine demeure. Devant cet état de fait, la formation, la culture, l'autonomie entre autres sont vues comme des solutions de taille pour réussir surmonter cet obstacle.
(Tanger, Maroc) – « Comment simplifier l'architecture d'intégration africaine ? ». C'est la question autour de laquelle l'Institut Amadeus a convoquée la réflexion pour mettre le curseur sur les obstacles qui entravent l'Unité africaine et les principaux défis de sa mise en œuvre.
D'où la pertinence de la table ronde animée par des sommités du continent qui ont tenté d'indiquer des pistes de solutions pour optimiser l'intégration de l'Afrique, explique d'emblée le président de l'Institut Amadeus, Brahim Fassi Fihri.
Un objectif dont l'atteinte dépend du fait que les leaders africains doivent relever un certain nombre de défis dont l'unité, indique Dioncounda Traoré.
« Devant les lenteurs connues depuis longtemps, pour que l'Afrique demeure dans le monde il faut qu'elle s'unisse pour rattraper le retard accusé et se développer rapidement », soutient l'ancien président du Mali et actuel haut représentant du président de ce pays pour le centre.
Dans la même foulée, M. Traore estime qu'il y a de moins en moins d'Africains mais de plus en plus de Sénégalais, de Maliens, de Gambiens, de Marocains etc. « Soyons de plus en plus Africains et croyons au destin de l'Afrique », invite-t-il.
« Laissons les Africains vivre l'intégration »
Emboitant le pas à M. Traoré, Le ministre gambien des Affaires étrangères, Mamadou Tangara, souligne la place de choix que la culture doit occuper dans le processus de développement. Il a indiqué en ce sens : « Si nous laissons nos programmes d'enseignement faits par d'autres, c'est que nous sommes au début de la fin. Parce que c'est laisser l'autre nous inculquer ses valeurs. »
« Nous devons arrêter de suivre, mais d'agir pour développer notre continent », assène-t-il. Avant d'affirmer que la Gambie et le Sénégal sont un exemple patent pour dire que l'Union africaine est bel et bien possible.
Pour lui, ces deux pays continuent une seule Nation. « Donc laissons les africains vivre cette intégration. Nous sémons des graines de paroles mais cela doit être suivi par une récolte d'actes », a-t-il lancé.
Dans la même perspective, Martin Ziguele relève l'importance de la formation et de la connaissance de l'Afrique par les africains pour peaufiner les interventions en matière de développement. « L'Afrique s'apprend, se connaît en dehors du continent. Ce qu'on reproche souvent à l'Union africaine, c'est le choc des ignorants. On ne peut pas construire l'Afrique sans connaître le continent », rappelle l'ancien premier ministre de la République Centre africaine.
A l'en croire, l'Union africaine peut faire des choses mais avec la participation de ceux qui sont en bas. Avant de plaider qu'il faut donner à l'Union africaine le pouvoir nécessaire pour mener à bien le projet d'intégration.
« On a tendance à accuser l'Union africaine de beaucoup de maux mais elle ne reflète que ce qui est dans les différents pays », souligne le centre africain. Lequel est d'avis qu'il y a eu des efforts importants réalisés par l'Union africaine, « même s'il n'est pas très perceptible (Zlecaf entre autres) ».
Pour M. Ziguele, il faut faire en sorte que l'Ua soit visible, connue et soutenue par les sociétés mais également avoir des soldats de la paix de l'Union africaine, être membre permanant de l'Onu avec un droit de veto. Parmi les défis qui ont été énumérés, figure aussi le financement qui permet à l'organisation d'être autonome.
Retard des contributions aux financements de l'Ua
Pour Tordeta Ratebaye, représentant de l'Union africaine, la polémique autour du financement de l'Ua rappelle la rencontre de 2015 tenue en Afrique du Sud pour discuter du financement de l'organisation. Il a été convenu, dit-il, que les États membres puissent financer les programmes à hauteur de 75% et les questions de paix et sécurité à hauteur de 25% pour être autonomes et décideurs. Malheureusement, s'est désolé, « le constat qui a suivi est un peu décevant ».
Le financement demeure un important pilier pour le fonctionnement de toute organisation, surtout quand il est autonome. Dans le même sillage, le représentant de l'Ua souligne que certains pays accusent du retard pour donner leur contribution pour le financement de l'institution continentale. « Je dois vous avouer que les contributions statuaires ne sont payées pratiquement qu'au dernier trimestre de l'année pour éviter des sanctions au sommet de février : Si vous ne payez pas votre contribution, vous n'avez pas le droit de parole ».
A l'en croire, le déficit de financement est plus criant dans le domaine de la paix et la sécurité, alors qu'on ne peut pas continuer à sous-traiter notre sécurité.
Aussi, rappelle-t-il, « nous nous sommes retrouvés en février 2015 à Bruxelles à la conférence des donateurs pour une enveloppe de 413 millions d'euros. A l'heure où je vous parle, ces contributions sont restées à l'état d'annonce ! », regrette-il.
La facilité de paix de l'Union européenne qui passe par l'Ua avant d'arriver sur le terrain, a encore relevé des contraintes. Car, explique-t-il, « un pays comme l'Allemagne vous dira que ma contribution ne sert pas à acheter des armes létales alors que nous avons à faire avec le terroristes, une guerre asymétrique sur le terrain », rappelle M.
Pour Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, depuis 1963, les problèmes de l'Afrique n'ont pas été pris à bras le corps. « Le péché originel c'est d'avoir refusé les recommandations de Nkuruma », constate-t-il. Pour lui, « le résultat est là : l'Afrique souffre ».
« En Guinée, on dit qu'il y a un barrage qui peut fournir de l'énergie à toute l'Afrique de l'Ouest. Pourquoi cette région n'exploite pas cette opportunité », s'interroge M. Gadio.
A son avis, « il nous manque un leadership visionnaire, un leadership qui aime l'Afrique. Les urgences de l'Afrique ne peuvent pas atteindre 2063. Il faut revenir sur les fondamentaux de Nkrumah c'est-à-dire diplomatie commune, sécurité commune, etc ».
(Envoyé spécial)