Au moins 20.000 personnes ont été déplacées depuis le mois d'août par l'escalade du conflit armé dans l'Etat du Haut-Nil au Soudan du Sud, ont alerté mercredi des agences humanitaires des Nations Unies.
Certaines de ces populations civiles ont dû fuir jusqu'à quatre fois pour sauver leur vie alors que le conflit fait rage, a souligné l'Agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
Au moins 3.000 personnes ont fui vers le Soudan voisin, intensifiant encore la crise des réfugiés du Soudan du Sud, la plus importante d'Afrique.
" On rapporte qu'un nombre important de personnes ont traversé (la frontière) vers le Soudan, tandis que d'autres se cachent dans les marécages ", a détaillé pour sa part le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).
75% des personnes nouvellement déplacées sont des femmes et des enfants
Le conflit armé a éclaté le 15 août dernier dans le village de Tonga, dans le Haut-Nil. Depuis, la violence s'est propagée dans le Nil supérieur et dans les parties nord des États de Jonglei et d'Unity. Elle progresse actuellement dans le comté de Fashoda, dans le Nil supérieur, et menace la ville de Kodok.
" Le désespoir augmente, et de plus en plus de personnes fuient alors que le conflit s'intensifie ", a déclaré le représentant du HCR au Soudan du Sud, Arafat Jamal. " Les civils sont attaqués dans ce conflit impitoyable ; nous devons assurer leur protection ".
Depuis le début de la crise, des centaines de personnes sont arrivées sur le site de protection des civils (POC) de Malakal. Avec l'extension du conflit, l'ONU estime à 5.000 le nombre de personnes déplacées du comté de Manyo vers le comté de Melut.
Selon les intervenants locaux, au moins 75% des personnes nouvellement déplacées sont des femmes et des enfants dont ceux séparés de leurs parents. " La communauté humanitaire au Soudan du Sud est consternée par la violence continue qui a un impact dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance des femmes, des hommes et des enfants ordinaires ", a déclaré Peter Van der Auweraert, le Coordonnateur humanitaire de l'ONU par intérim.
Des meurtres, des cas d'enlèvements, d'extorsions et de pillages
Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), certaines personnes âgées ou handicapées n'ont pas pu fuir, obligées de se cacher dans les buissons et le long du Nil blanc lors des attaques.
Le mois dernier, le chef du HCR dans ce pays a dirigé la première visite inter-agences dans le village d'Adidiang depuis qu'il a été attaqué le 7 septembre. Quelque 4.000 civils qui s'y abritaient ont été contraints de fuir vers Malakal et son site pour personnes déplacées sous la protection de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).
Le site a été créé il y a près de dix ans pour accueillir jusqu'à 12.000 personnes déplacées à l'intérieur du pays, mais quelque 37.000 personnes y sont hébergées, alors que le site était déjà surpeuplé avant les récentes arrivées.
Les civils en fuite sont visiblement traumatisés et font état de meurtres, de blessures, de violences sexistes, d'enlèvements, d'extorsions, de pillages et d'incendies de biens. Beaucoup ont perdu leur maison et ont été séparés de leur famille.
Des survivants de l'attaque d'Adidiang ont rapporté que des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées, tandis que d'autres se sont noyées dans la rivière en tentant d'échapper à l'attaque.
Relocalisation des travailleurs humanitaires
Dimanche dernier, le HCR a mené une nouvelle mission inter-agences à Diel dans le Jonglei. " A Adidiang comme à Diel, nous avons été témoins des conséquences de la violence brute ", a affirmé M. Jamal. " Il était déchirant de voir un schéma clair d'attaques contre les civils et leurs maisons ".
À Diel, dans le nord de Jonglei, certains déplacés retournent dans leurs villages et leurs maisons incendiés. Selon l'ONU, leur situation est désespérée. " Certains mangent des plantes aquatiques sauvages pour survivre ".
Par ailleurs, l'insécurité persistante entrave la capacité des partenaires humanitaires à fournir une aide vitale à des milliers de personnes et les a contraints à suspendre des missions d'évaluation pourtant indispensables. Dans certaines régions, la violence a entraîné la relocalisation des travailleurs humanitaires, le pillage des installations et des fournitures humanitaires et des restrictions de mouvement dans les comtés de Fashoda et de Manyo.
Le Soudan du Sud reste le contexte le plus violent pour les travailleurs humanitaires, suivi par l'Afghanistan et la Syrie. Depuis le début de l'année 2022, neuf travailleurs humanitaires ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions au Soudan du Sud.
Plus de 9 millions de personnes auront besoin d'une aide en 2023
Dans tout le pays, les travailleurs humanitaires - principalement des travailleurs humanitaires nationaux - sont affectés par l'impact de la violence armée, les obstacles bureaucratiques et la violence ciblée. " Les hostilités doivent cesser immédiatement afin de réduire les souffrances humaines et d'éviter de nouvelles pertes de vies innocentes ", a fait valoir le Coordonnateur humanitaire par intérim des Nations Unies.
Sur le terrain, les populations locales ont besoin de nourriture, d'accès à l'eau, d'installations sanitaires et d'hygiène, de soins de santé primaires ou de protection. Malgré cette insécurité et les problèmes d'accès, " les partenaires humanitaires travaillent sans relâche, 24 heures sur 24, sur de multiples lignes de front pour fournir aux personnes nouvellement déplacées des fournitures et des services essentiels ".
En utilisant des bateaux pour étendre sa capacité de réponse mobile, le HCR peut désormais atteindre les personnes plus rapidement et plus facilement, y compris dans les zones reculées et difficiles d'accès. " La situation continue de se détériorer ", a souligné l'agence onusienne.
Selon l'ONU, 9,4 millions de personnes parmi les plus vulnérables auront besoin d'une aide et d'une protection vitales urgentes en 2023, contre 8,9 millions en 2022. Cette année, les partenaires humanitaires ont ciblé 6,8 millions de personnes au Soudan du Sud.