Afrique: Qui sont les responsables de Wagner en Afrique visés par les sanctions de l'UE?

Ce samedi 25 février, le Conseil européen a visé onze personnes, dont neuf en Afrique, et sept entités, liées au groupe paramilitaire russe pour leurs activités notamment en Centrafrique, au Soudan et au Mali. L'UE avait déjà pris des mesures contre Wagner fin 2021. Cette fois, Bruxelles va plus loin.

Torture, traitements inhumains, exécutions sommaires, trafic, ou encore diffusion de propagande. Pour l'Union européenne, ces personnes et entités sanctionnées sont impliquées " dans de multiples violations des droits de l'Homme ". Elle a donc décidé de geler leurs avoirs et d'interdire les entreprises et citoyens européens de leur faire parvenir des fonds. Les personnes physiques ont également interdiction d'entrer et de voyager sur le territoire de l'UE.

Toutes les personnes physiques impliquées sont Russes. Au Mali par exemple, on trouve le chef de Wagner dans le pays, où le groupe paramilitaire est accusé " d'actes de violence et de multiples violations des droits de l'Homme, y compris des exécutions extrajudiciaires ", indique Bruxelles.

Mais le plus grand nombre de responsables sanctionnés sont en Centrafrique. La liste européenne cite notamment Vitalii Perfilev, 39 ans, présenté comme le conseiller sécurité du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra lui-même, et décrit par le rapport comme " un personnage clé de Wagner en RCA ".

Autre individu identifié comme crucial dans l'appareil des paramilitaires russes à Bangui : Alexander Ivanov, 62 ans. Il est décrit comme le porte-parole de Wagner sur place. Il dirigerait aussi l'Union des officiers pour la sécurité internationale. Une entité qui, selon Bruxelles, aurait envoyé des instructeurs militaires russes en Centrafrique. Instructeurs qui se révèleraient en fait être des mercenaires.

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Attentat et assassinat

Aleksandr Malotetko apparaît également. Il aurait été instructeur de Wagner en République centrafricaine. Dans la liste aussi, Konstantin Pikalov, 54 ans, présenté comme un commandant de Wagner en Afrique. Il serait responsable des activités du groupe sur le continent, notamment en RCA. Il est même présenté comme l'instigateur de l'assassinat de 3 journalistes russes en juillet 2018. Les trois reporters avaient été envoyés dans le pays par le Centre de gestion des investigations, organisation financée par l'opposant russe en exil Mikhaïl Khodorkovski, pour y enquêter sur de possibles activités de mercenariat de Wagner. lls avaient été assassinés par un groupe d'hommes armés, dans la nuit, près de la ville de Sibut, à 300 km au nord de Bangui.

Épinglé aussi par Bruxelles, Dimitri Sytii, 33 ans. Il jouerait " un rôle de premier plan en Centrafrique ", selon le Conseil européen. L'homme dirige la branche locale de la Maison russe, à Bangui, considérée comme le bras culturel du ministère russe des Affaires étrangères. Cet outil lui permettrait de mener une politique d'influence de Wagner dans le pays. Dimitri Sytii avait été victime d'un attentat le 16 décembre dernier. Un colis contenant un engin explosif avait été livré par DHL à la Maison russe. Le directeur l'avait ouvert et avait été sérieusement blessé dans l'explosion. Evgueni Prigojine, le fondateur du groupe Wagner, avait directement accusé la France d'avoir commandité l'attaque, et demandé à Moscou de " lancer une procédure pour déclarer la France État parrain du terrorisme, ainsi qu'une enquête approfondie sur les méthodes terroristes de Paris et ses alliés occidentaux ".

Exploitation des mines

Toujours en Centrafrique, plusieurs sociétés sont visées par les mesures de rétorsion européennes. C'est le cas de Lobaye Invest Sarlu. Créée en octobre 2017, le Conseil européen explique qu'il s'agit d'une filiale de la société russe M-Finans, contrôlée par Evgueni Prigojine, créateur de Wagner et très proche du président russe Vladimir Poutine. L'entreprise serait gérée par Dimitri Sytii, déjà à la tête de la Maison russe de Bangui. Lobaye Invest Sarlu exploiterait notamment les mines d'or et de diamant du pays. Elle servirait aussi à financer des médias locaux, comme la radio Lengo Sengo. Née en novembre 2018, cette station centrafricaine mènerait des opérations d'influence en ligne, en organisant par exemple des campagnes de désinformation ou en promouvant la présence de Wagner en République centrafricaine. Son " but ultime ", dit Bruxelles, serait de " manipuler l'opinion publique ". La voilà, elle aussi, sous sanction.

Dans le secteur diamantifère, le nom de Diamville apparaît. Cette entité créée en mars 2019 serait en fait une société-écran de Wagner pour le commerce illégal de la pierre précieuse. Dans un rapport de décembre 2022, le consortium international de journalistes " All Eyes on Wagner " avait déjà révélé que le groupe paramilitaire contournait notamment l'interdiction d'exporter les pierres précieuses. En effet, le processus de Kimberley, adopté dans les années 2000, est censé prévenir l'entrée sur le marché international de " diamants de conflits ", c'est-à-dire issus d'une zone de guerre et finançant les combats. Mais Wagner, à travers Diamville, parviendrait à mettre la main sur une partie des pierres issues du trafic. L'entreprise préfinancerait des collecteurs, des individus qui achètent directement aux miniers pour récupérer l'ensemble de leurs productions. En profitant de systèmes de certification et de contrôle pas assez robustes, les diamants seraient ensuite exportés vers Dubaï ou encore la Belgique.

Sécurité présidentielle

Enfin, une entreprise du secteur sécuritaire est épinglée. Sewa Security Services. Lancée à Bangui, cette filiale de Lobaye Invest Sarlu assurerait la protection de hauts fonctionnaires du gouvernement centrafricain et serait impliquée, aux côtés de Wagner, dans une série d'attaques dans le pays depuis la présidentielle de décembre 2020.

Le Soudan apparaît aussi comme une importante base pour les intérêts russes. Les sanctions visent notamment Meroe Gold. Créée à Khartoum, l'entreprise servirait de couverture aux opérations de Wagner qui " par son affiliation avec l'armée soudanaise, s'est assuré d'exploiter l'or et de l'exporter vers la Russie ", indique Bruxelles. À sa tête, on trouve un autre russe placé sous sanctions : Mikhail

Potepkin, 41 ans, présenté le chef de Wagner dans le pays. Un homme qui apparaît également dans l'organigramme de la société mère de Meroe Gold et appelée M-Invest, enregistrée à Khartoum et dirigée par un autre Russe, Andrei Mandel, 32 ans, lui aussi désormais placé sous sanctions.

Réagissant à ces annonces, Josep Borrel, le haut représentant européen pour les Affaires étrangères, a estimé que Wagner était une " menace " pour les populations et aussi pour l'Union européenne. " Nous défendrons les droits humains partout dans le monde ", a-t-il ajouté.

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