Les autorités militaires de transition du Burkina Faso ont donné un mois aux coopérants militaires français pour quitter le pays. Une décision à la portée d'abord symbolique.
La décision des autorités de transition du Burkina Faso de réclamer le départ des coopérants militaires français s'inscrit dans le cadre d'une détérioration des relations entre les deux pays, qui maintiennent toutefois leurs relations diplomatiques.
La portée de cet ultimatum posé aux coopérants par Ouagadougou est avant tout symbolique.
Qui sont les concernés?
Ils seraient une quinzaine de coopérants militaires français encore en poste au Burkina Faso. Ils sont chargés de "stratégie" au sein de l'administration militaire burkinabè.
Le journaliste Antoine Glaser précise que "quand on parle d'assistance technique militaire, ce ne sont pas seulement des militaires qui sont dans la coopération sur place. Il y a aussi des opérations de renseignement, des échanges. Par exemple, quand il y a des militaires français au Niger, ils échangent avec leurs collègues au Burkina. C'est ce qui va s'arrêter."
La présence de ce personnel français s'inscrit dans le cadre de la coopération militaire scellée par un accord qui remonte à 1961, au lendemain de l'indépendance. Cet accord, passé entre la France et l'ancienne Haute-Volta ainsi que d'autres anciennes colonies, prévoit une coopération dans les secteurs de la défense, de la sécurité et de la protection civile.
Le renseignement mis à mal
Selon Antoine Glaser, le départ de ces militaires français n'aura pas beaucoup d'incidence sur la sécurité au Burkina Faso, si ce n'est en matière de renseignement. Mais même en cas de départ de ses éléments, la France peut toujours compter sur le renseignement américain, très actif dans la sous-région
En revanche, le journaliste y voit un message politique fort, à l'adresse de la population burkinabè et d'éventuels autres partenaires extérieurs. Une annonce qui, dit-il, pourrait n'être que le "premier étage d'une fusée" plus grande.
Et la Russie ?
"C'est un message intérieur à l'adresse de la jeunesse burkinabè qui manifestait contre la présence française, analyse Antoine Glaser, mais le vrai sujet est de savoir si des éléments de Wagner vont venir au Burkina. Le vrai sujet, ce n'est pas tellement qu'une poignée d'assistants techniques français parte ou qu'il n'y ait plus d'échange entre la France et le Burkina sur le plan sécuritaire. C'est : est-ce que c'est au profit de Wagner ou d'une coopération russe ?"
Les autorités burkinabè se défendent pour l'instant de vouloir appeler le groupe Wagner en appui.
Mais Antoine Glaser note que le communiqué du ministère des Affaires étrangères burkinabè adressé à la France a circulé très rapidement sur les réseaux sociaux, ce qui renforce l'idée d'une opération de communication.
Livraison d'armement
Le principal point de discorde entre les autorités françaises et burkinabè résidait dans le refus de la France de livrer des armes au Burkina Faso, si celles-ci risquaient d'être distribuées entre les mains de civils des VDP, les Volontaires pour la défense de la patrie, les supplétifs civils, donc, de l'armée dans la lutte contre le djihadisme.
"Le discours officiel de la France est de dire : on ne veut pas contribuer à ce qu'il y ait des conflits interethniques dans le pays, se trouver responsables de dérapages ou de conflits intercommunautaires", explique Antoine Glaser.
La Russie, elle, ne s'encombre pas de telles considérations et au Mali, elle a livré des hélicoptères et des équipements militaires que réclamaient les militaires au pouvoir.
D'ailleurs, le porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouedraogo, a précisé que le Burkina Faso "compte désormais sur son armée, ses VDP et les partenaires qui veulent bien lui livrer des armes pour mener le combat contre le terrorisme".
Changement de cap
Antoine Glaser estime que cette décision des autorités burkinabè renforce le "tournant" stratégique qui s'opère dans la région sahélo-saharienne, dans laquelle l'armée française n'est plus la bienvenue.
Ce qui pourrait expliquer aussi la décision d'Emmanuel Macron de replier sa stratégie sur l'Afrique centrale, où il effectue actuellement une tournée axée sur trois piliers autres que la défense : "culture, business et environnement", quitte à rendre de nouveau fréquentables des autocrates au pouvoir depuis des décennies.