Après 10 jours d'affrontements au centre de Khartoum et dans quelques-uns de ses faubourgs, la situation politique et sécuritaire reste des plus confuses au Soudan. Aucun des 2 camps antagonistes n'a franchement pris le dessus et les affrontements pourraient encore durer longtemps, les prémisses d'une guerre civile n'étant plus loin d'être réunies. De fait, la lutte pour le pouvoir entre les généraux Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Daglo alias Hemetti n'est pas loin d'embrasser tout le pays.
En effet, les tirs d'armes automatiques, d'artilleries et les bombardements qui meublent les affrontements entre les deux factions et troublent le quotidien des Khartoumais font plus qu'effrayer et endeuiller les populations. La psychose d'une déflagration générale est désormais présente dans tous les esprits. Conséquence, on assiste à un sauve-qui-peut général, l'instinct de survie des populations ayant repris le dessus sur les frayeurs des premiers jours. Tout se passe comme si les Soudanais, les populations de Khartoum en particulier, s'étaient donné un mot d'ordre, partir le plus rapidement et le plus loin possible de l'épicentre des combats.
Dans ce branle-bas de qui partira vite et loin, se rencontrent trois catégories de fuyards : d'abord les populations civiles soudanaises qui désertent non plus seulement la capitale et ses banlieues mais aussi le pays pour ceux qui en ont les moyens. Elles fuient à la recherche d'environnements plus sécurisés et vivables en matière d'accès à l'eau et à l'alimentation quitte à franchir les frontières du pays vers les pays voisins, l'Egypte et le Tchad notamment. Ce sauve-qui-peut général s'est accentué avec l'impossible trêve malgré la célébration de l'Aïd el-fitr et les appels du secrétaire général de l'ONU. Les 2 chefs de factions que certains observateurs n'hésitent pas à taxer de brigands assoiffés de pouvoir et d'argent croient encore chacun pouvoir porter le coup décisif à l'ennemi quand tout indique que d'une tentative de coup d'Etat, les affrontements dégénèrent vers la guerre civile.
Ensuite, ce sont les ressortissants des pays occidentaux résidant au Soudan qui sont dans ce mouvement général du sauve-qui-peut actuel. Ces derniers auraient compris cette probable dégradation de la situation sécuritaire qu'elles n'agiraient pas autrement, eux qui demandent à leurs gouvernements de l'aide pour évacuer Khartoum et le Soudan. Voilà qui explique le ballet des avions de certaines capitales occidentales vers Khartoum en passant par Djibouti pour extrader les quelques 2000 ressortissants occidentaux, y compris les travailleurs des chancelleries pris dans la fournaise des combats. Washington, Ottawa, Paris, Rome, etc. ont ainsi annoncé tour à tour faire le maximum pour sécuriser et extrader leurs citoyens résidant au pays du Nil Bleu y suspendant de facto les activités de leurs ambassades.
Enfin, l'autre composante des fuyards soudanais à inscrire dans le mouvement du sauve-qui-peut général se sont les soldats des forces armées régulières. Outre les abandons isolés, l'évènement en la matière, c'est tout un bataillon de 350 soldats qui ont baissé pavillon dans ces affrontements fratricides pour le pouvoir pour se réfugier au Tchad. D'autres désertions ne sont pas à exclure et l'on en arrive à se demander si ce délitement des forces régulières n'est pas symptomatiques d'un chaos plus apocalyptique et dans la durée d'un Soudan dans l'oeil du cyclone. Il faut craindre alors que le mouvement actuel du sauve-qui-peut général n'en soit qu'à ces débuts.