Sénégal: Condamné à six mois avec sursis - Ousmane Sonko a six jour pour se pourvoir en cassation

Ousmane Sonko, leader du parti Pastef les Patriotes

Six mois avec sursis en sus de 200 millions de FCfa de dommages et intérêts. C'est la peine que la Cour d'appel de Dakar a infligée au leader de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko, reconnu coupable de diffamation et d'injures publiques au préjudice du Ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Contrairement à la décision de première instance, la Cour d'appel a fixé la contrainte par corps au maximum.

L'attente est longue. La patience également. Á la salle 5 du Palais de justice de Dakar, tout le monde attend le Président de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel, Mamadou Fall Cissé et ses deux assesseurs. Ils ont la charge de juger le procès en appel opposant Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, à Mame Mbaye Niang, Ministre du Tourisme. Tous les regards sont fixés sur la porte par laquelle ils doivent passer pour rejoindre la salle d'audience. Ils avaient fixé l'heure du délibéré à 15 h 30 mn. Mais ils feront finalement leur apparition deux heures plus tard.

Un calme plat prévaut subitement dans la salle. Les oreilles sont grandement ouvertes pour écouter religieusement l'énoncé du jugement qui sera lu par le président des céans. Ce dernier, statuant par défaut contre Ousmane Sonko et contradictoirement pour la partie civile, a d'emblée déclaré tous les appels recevables, y compris celui du prévenu introduit par son avocat Me Ousseynou Ngom.

Dans sa décision, la juridiction a partiellement infirmé la décision qui a été rendue en première instance condamnant M. Sonko à deux mois avec sursis et à 200 millions de FCfa de dommages et intérêts. Statuant à nouveau, le juge a déclaré Ousmane Sonko coupable des délits de diffamation et d'injures publiques avant de le condamner à six mois assortis du sursis en sus de 200 millions de FCfa à payer à la partie civile. Il a, pour couronner le tout, fixer la contrainte par corps au maximum. Aussi, a-t-il, comme l'a requis le parquet, demandé la publication de l'arrêt dans cinq quotidiens de la place à savoir « Le Soleil », « L'Observateur », « Sud Quotidien », « Le Quotidien » et « Walf Quotidien ».

En rendant sa sentence, le juge n'a pas suivi à la lettre les réquisitions de l'avocat général, Ibrahima Bakhoum. Il n'a pas retenu les chefs de faux et usage de faux contre le prévenu. Il n'a pas également décerné le mandat d'arrêt contre le prévenu. Si cela ne dépendait que de lui, la peine allait être plus corsée. Il avait requis deux ans dont un an ferme contre le leader de Pastef-Les Patriotes pour les infractions de diffamation, faux, usage de faux et injures publiques.

Ousmane Sonko a produit deux clés Usb

Pour le parquet général, toutes ces infractions ne souffrent d'aucune contestation. D'après lui, le prévenu a fait du faux en déclarant l'existence du rapport qui aurait épinglé le Ministre du Tourisme sans en rapporter les preuves. « Il a osé produire deux clés Usb dans lesquelles, selon lui, se trouvaient les preuves de ses accusations. Mais l'exploitation de ces deux clés renvoient aux liens de deux sites où des articles du présumé rapport sont détaillés. Or, l'Inspection générale d'État (Ige) et l'Inspection générale des finances (Igf) saisies ont soutenu qu'il n'y a jamais eu de rapport contre le Ministre, Mame Mbaye Niang. Il a fait état d'un faux rapport », a expliqué le maître des poursuites. Pour l'infraction d'injures publiques, il a estimé que celle-ci est également constante, car le prévenu a traité publiquement la partie civile « de menteur ». En ce qui concerne la diffamation, l'avocat général avait demandé à la Cour de confirmer la décision de la première instance sauf sur le quantum de la peine.

Á en croire le maître des poursuites, en condamnant Ousmane Sonko à deux mois avec sursis, le juge de la première instance devrait caractériser les circonstances atténuantes qui lui permettraient d'aller en deçà de la peine minimale qui est de trois mois assortis du sursis. Ce qui, constate-t-il, n'a pas été le cas. « Si on devait le condamner pour toutes les infractions qu'il a commises, M. Sonko devrait écoper de 50 mois de prison, c'est-à-dire 4 ans et 2 mois », a-t-il soutenu.

« L'erreur du premier juge sur la peine »

Auparavant, les avocats de la partie civile ont fait leurs plaidoiries. Ce, en présence des conseils de Ousmane Sonko qui, présents dans la salle, n'ont pas eu droit à la parole à cause de l'absence de leur client. Ainsi, les conseils du plaignant ont-ils, unanimement, soutenu que le juge de la première instance a violé la loi en infligeant à Ousmane Sonko une peine de 2 mois avec sursis. Pour eux, la peine minimale que le maire de Ziguinchor devait prendre en première instance est de trois mois avec sursis. « Les premiers juges ont pêché sur la peine. Le juge a violé la loi en appliquant l'article 261.2 du Code pénal, alors qu'il devait appliquer l'article 261.1 qui fixe la peine minimale à 3 mois avec sursis », a plaidé Me Baboucar Cissé.

Pour Me Adama Fall, le mis en cause ne devrait bénéficier d'aucune circonstance atténuante parce qu'il passe tout son temps « à insulter les magistrats et la justice ».

Dans sa plaidoirie, Me Souleymane Soumaré a mis à nu « la mauvaise foi » du suspect qui a fait des déclarations tendant à faire croire que Mame Mbaye Niang a été épinglé par un rapport de l'Igf, alors que cet organe interne du ministère des Finances et du Budget ne peut en aucune façon interpeller un ministre.

Abondant dans le même sillage, Me Mouhamadou Moustapha Dieng a indiqué que l'honneur et la dignité de leur client ont été bafoués par le prévenu qui, à ses yeux, avait l'intention manifeste de nuire. « C'est le procès de l'arrogance, du mensonge, de l'indignité de la désacralisation des institutions », a ajouté Me El Hadji Diouf, selon qui, Ousmane Sonko a voulu briser la carrière du Ministre du Tourisme en le présentant comme « un vulgaire voleur ».

Pourvoi en cassation

Pour Me Olivier Sur, le jugement de la première instance était « un carton jaune » contre Ousmane Sonko afin qu'il arrête « d'attaquer et d'insulter la justice ». Mais, constate-t-il, pour le regretter, cela ne lui a pas servi de leçon. « Il continue à menacer et à insulter les magistrats. Il faut lui coller un carton rouge pour siffler la fin de la partie », a-t-il plaidé, demandant l'application de la loi dans toute sa rigueur.

Les avocats de la partie civile, jugeant dérisoires les 200 millions de FCfa alloués à leur client en première instance, ont réclamé pour la réparation du préjudice, 29 milliards de FCfa. Mais les conseils du plaignant n'ont pas été suivis par la Cour en maintenant le montant du juge du premier degré relatif aux intérêts civils. Il faut rappeler que Ousmane Sonko a six jours, après notification de la décision, pour se pourvoir en cassation. Mais, le pourvoi en cassation n'est pas suspensif.

Les magistrats de la Cour suprême, n'étant pas des juges de faits, vont voir si le droit a été bien ou mal appliqué par la Cour d'appel. Ils peuvent ainsi confirmer la décision de la Cour d'appel ou demander à ce que l'affaire soit rejugée par la Cour d'appel autrement constituée.

MAME MBAYE NIANG, MINISTRE DU TOURISME

« Je demande une sanction exemplaire »

Contrairement à son adversaire qui a brillé par son absence, le Ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, a pris part, hier, au procès en diffamation qui l'oppose à Ousmane Sonko, par ailleurs, leader de Pastef-Les Patriotes. Invité à prendre la parole pour faire ses observations, il a soutenu avoir saisi les juridictions pour réclamer justice parce que : « j'ai été diffamé, insulté et traîné dans la boue par Ousmane Sonko qui n'a apporté aucune preuve de ses allégations. Je veux une réparation du préjudice subi et une sanction exemplaire contre le prévenu ».

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