Le 4 juin dernier, les 884 000 Bissau-guinéens inscrits sur la liste électorale, étaient convoqués pour désigner dans les urnes, les 102 parlementaires qui les représenteront à l'Assemblée nationale. L'enjeu principal de ce scrutin est de tourner la page de l'instabilité politique qui avait conduit à la dissolution du parlement en mai 2022.
Le remède magique promis par le président Umaro Sissoco Embalo, en cas de victoire, est d'expurger la loi fondamentale du pays, du mal qui mine la vie politique nationale, en passant d'un régime semi- parlementaire à un régime présidentiel qui lui confèrera les pleins pouvoirs.
En rappel, c'est la disposition constitutionnelle qui lui imposait comme Premier ministre, Domingos Simoes Pereira, homme fort de son ancien parti, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap vert (PAIGC) fondé par Amilcar Cabral, qui avait été à l'origine de la crise avec le parlement.
Cette crise, aggravée par la tentative de coup d'Etat du 1er février 2022, avait servi de prétexte à Embalo pour mettre fin au parlement bissau-guinéen devenu, selon lui, « un espace de guérilla politique et de complot ».
La question que l'on peut cependant se poser est la suivante : l'électorat bissau-guinéen accordera-t-il la pleine confiance à Embalo pour réussir le coup de poker qu'il a osé en tentant de créer une nouvelle majorité à l'Assemblée acquise à sa cause ? Rien ne permet de répondre à cette interrogation, par l'affirmative. Car, son ancienne famille politique qu'est le PAIGC, semble résolu à lui barrer la voie.
La tâche d'Embalo pour mieux asseoir son pouvoir, est d'autant plus ardue que les populations, blasées par la crise économique, notamment le marasme du marché de commercialisation de la noix de cajou, principale source de revenus dans le pays, sont peu perméables aux discours politiques.
La CEDEAO doit savoir anticiper sur l'éventualité d'une nouvelle crise politique
« Nous avons parcouru tout le pays, mais les paysans refusent de venir écouter les discours de certains candidats à cause de l'échec de la campagne de commercialisation de la noix de cajou. Cette année, c'est le fiasco total », laissait entendre un militant du parti présidentiel, le Madem.
Mais il en faudrait plus pour freiner les ardeurs du chef de l'Etat qui avait réussi le pari de battre son ancien parti à la dernière présidentielle au second tour. Et cela, en s'alliant une coalition qui a sans doute eu le temps de s'implanter plus sérieusement dans le pays en gérant le pouvoir d'Etat et qui rêve de mettre fin à l'hégémonie historique du PAIGC.
Cela dit, l'on peut se demander si la victoire éventuelle du camp présidentiel, suffira, à elle seule, à ramener la sérénité dans le jeu politique en Guinée-Bissau. L'on peut en douter dans la mesure où Embalo promet de ne pas appliquer la clause constitutionnelle qui lui impose un Premier ministre issu de la majorité présidentielle.
S'il tenait promesse, il créerait à l'identique la même crise qui l'a opposé à son ancienne famille politique et à l'ancienne Assemblée nationale. S'il échouait à obtenir la majorité parlementaire, l'on s'inscrirait dans la continuité de l'ancienne crise. Dans tous les cas, on semble foncer droit dans le mur et l'on est en droit de se poser la question de savoir si ce qui mine la vie politique nationale en Guinée-Bissau, ce ne sont pas les ambitions personnelles du Chef de l'Etat.
En effet, comment peut-on vouloir gouverner sans le parti qui vous a amené au pouvoir ? C'est pourquoi l'on peut être tenté de croire que le problème de la Guinée-Bissau, ce n'est pas tant la Constitution que l'on accuse d'être crisogène, mais la sincérité des acteurs politiques. C'est donc d'une autre thérapie que le pays a besoin.
Et c'est en ce sens que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui est restée longuement au chevet de ce pays grabataire, doit savoir anticiper sur l'éventualité d'une nouvelle crise politique qui réduirait à néant ses efforts.