Ile Maurice: Électrocardiogramme avec l'IA - Un labyrinthe de questions

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Le Dr Farhad Aumeer parle d'un système avec des millions d'euros de commissions à la clé

L'intelligence artificielle fascine et attire toutes les convoitises, même au niveau de la santé publique. Pourtant, le Dr Farhad Aumeer a mis un bémol sur le recours local à l'électrocardiogramme avec cette technologie, en raison d'un manque d'études, même s'il est déjà utilisé dans le privé et des sommes qu'il faudra payer à l'intermédiaire...

Aujourd'hui, il est indéniable que l'intelligence artificielle (IA) est bien ancrée dans notre quotidien et qu'elle continuera à se développer à l'avenir dans tous les secteurs. Cependant, dans le domaine de la santé publique, une vigilance accrue est requise. C'est ce qu'a souligné le Dr Farhad Aumeer lors de son discours sur le Central Medical Procurement Authority Bill lors des débats à l'Assemblée nationale. Selon de nombreux spécialistes, le projet d'électrocardiogramme (ECG) utilisant l'IA n'en est encore qu'à ses prémices et, pourtant, Maurice envisage déjà son utilisation à grande échelle dans le service hospitalier...

Informations éparses

Au cours du discours budgétaire, Renganaden Padayachy a annoncé que ce service serait introduit dans les hôpitaux dans le but de réduire les risques de maladies cardiaques, particulièrement chez les patients diabétiques et les personnes âgées ou immunodéprimées. Interrogée, une source autorisée du ministère de la Santé a promis de revenir vers nous avec des détails pertinents. Néanmoins, parmi les cardiologues, le concept reste flou. Du côté de la Cardiovascular Society of Mauritius, on préfère ne pas se prononcer pour l'instant.

Un responsable juge qu'il est nécessaire d'avoir d'abord des études sur la fiabilité de ces tests. Ensuite, étant donné que Maurice présente des spécificités parmi la population, il est crucial d'avoir une étude complète, avec un groupe témoin, sur la population mauricienne. D'autres spécialistes du domaine partagent ce point de vue. Ils estiment qu'il faut d'abord vérifier dans quels pays ce test est reconnu et largement utilisé dans le secteur public, quelle est sa fiabilité, et si le nouveau test présente des avantages qui justifient le remplacement de l'ECG classique.

Lors de son discours, le Dr Farhad Aumeer a précisé que «ce nouveau dispositif n'a, même à ce jour, pas été soumis à des tests rigoureux par une organisation cardiaque de renommée internationale ; pas même par la Federal Drug Agency, ni par l'OMS. Il n'a même pas été approuvé par des études basées sur des preuves. Il n'a pas eu de signification statistique (...)». Actuellement, il n'est reconnu ni par l'European Society of Cardiology ni par l'American College of Cardiology, les deux instances régulatrices en matière de santé cardiaque.

De plus, il n'y a aucune mention de ce nouveau système dans les livres de référence. Sans paramètres, les cardiologues locaux font valoir qu'il sera difficile d'établir un protocole, d'autant plus que l'actuel est bien établi et qu'il faudra un système robuste pour le remplacer. Des études préliminaires ont conclu que la précision est supérieure à celle de l'ECG classique, mais rien n'a été officiellement prouvé pour l'instant. De ce fait, il n'y a pas de règlement concernant l'utilisation de l'ECG aidé par l'IA. Aux États-Unis, ce n'est qu'en juin de cette année que la FDA a reconnu l'importance d'un tel projet, mais qui est encore loin d'être approuvé.

Intermédiaires et commissions

Selon nos informations, l'appareil proposé au ministère est de fabrication allemande. Après le test, les résultats devront être envoyés en Allemagne pour être interprétés et le rapport communiqué aux médecins ici. Dans le milieu, on explique que cette lecture ne sera pas gratuite et qu'il y aura des frais pour chaque résultat envoyé. Et le nouveau projet de loi sur l'achat d'équipements médicaux prévoit des partenariats public-privé...

La question qui se pose alors est : qui sera l'intermédiaire entre le gouvernement et la compagnie allemande, et quelles commissions seront en jeu ? Dans les hôpitaux, l'ECG est couramment pratiqué sur de nombreux patients, et pas uniquement sur ceux qui présentent des maladies cardiaques. Les chiffres varient. Alors que certains estiment qu'il y a entre 500 à 800 ECG par jour par hôpital, le député travailliste a parlé de 3 000 tests par jour dans le pays.

Ce qui représente plus d'un million d'ECG par an. Si l'ECG avec l'IA est introduit dans le secteur public, il y aura autant de frais pour obtenir le million de rapports. Pour l'instant, aucun prix n'a été avancé. Actuellement, quelques cliniques privées proposent déjà ce système. Le prix est d'environ Rs 6 800 (environ 136 euros) contre un ECG classique qui coûte environ Rs 1 500, consultation comprise. Mais dans le public, le coût est différent. Un ECG coûte environ Rs 100 au secteur public.

«Mais concentrons-nous sur ce qui va se passer. Il y aura un intermédiaire. S'il perçoit une commission de deux euros par test, cela représente plus de deux millions d'euros de commissions par an. Et avec la nouvelle loi, ce sera au public de payer pour cela», prévient le Dr Farhad Aumeer. D'autant que ces commissions seraient payables à vie, sauf provision contraire.

Il est convaincu que la précipitation à introduire ce système dans les hôpitaux conduira à un Pack & Blister II, d'autant plus qu'il sera difficile de définir les spécifications de l'appareil nécessaire en l'absence de réglementations internationales. Quant à la différence de prix, elle fait sourciller. Les cardiologues sollicités ne comprennent pas pourquoi l'ECG, qui est peu cher, rapide et efficace, et dont le rapport est instantané et se déchiffre dès qu'il sort de l'appareil, doit être remplacé.

L'autre question qui se pose est : quel sera le rôle des cardiologues des hôpitaux ? Tous insistent sur le fait que l'ECG traditionnel n'est pas compliqué et a toujours fonctionné. Avec l'ECG assisté par l'IA, comme les rapports seront rédigés en Allemagne, les cardiologues «n'auront plus de rôle à jouer», et devront se fier à l'interprétation d'experts étrangers avant de décider du sort de leurs patients. Ce qui créera une situation inédite dans les hôpitaux. En cas d'erreur, comment serait établie la responsabilité ? Encore une fois, il n'y a pas de réponse claire dans le milieu.

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