Au Libéria, le chef de l'Etat, George Weah 57 ans, est en mauvaise posture. Candidat à sa propre succession, ce célèbre footballeur reconverti en politique pensait pouvoir faire un « coup KO » au premier tour de l'élection présidentielle du 17 octobre 2023, mais le sort en a décidé autrement. « Mister Georges », comme on le surnomme, a été mis en ballotage par son challenger le plus sérieux, l'opposant Joseph Boakai, les 18 autres candidats en lice s'étant fait largement distancer.
Le chef de l'Etat sortant compte 43,84 % contre 43,44 % pour l'ancien vice-président sous Ellen Johnson Sirleaf, selon les résultats du premier tour à confirmer au plus tard le 25 octobre 2023. En tout, 7 361 voix séparent les deux hommes, qui livrent un match retour de la présidentielle de 2017, dans laquelle l'ex-attaquant était sorti vainqueur à l'issue du second tour avec 61, 54% des voix.
Weah et Boakai jouent donc leur dernier va-tout dans cette confrontation, qui livrera son verdict final, au soir du 7 novembre prochain, date du second tour. Tous deux sont déjà en quête d'alliances, dans l'espoir de s'imposer dans les urnes, puisqu'il faut bien un vainqueur à cette élection. Chacun ira de sa méthode et de son entregent pour rallier le maximum de soutiens parmi les 18 candidats malheureux, dont les scores vont de 2, 20% des voix pour le troisième, Edward Appleton, à 0,16 % pour le dernier au classement, Richard Saye Miller.
Le gouvernement libérien n'aurait pas souhaité un second tour, vu les difficultés rencontrées dans la mobilisation des ressources financières pour l'organisation du scrutin, mais il va devoir y faire face. C'est la loi électorale qui l'exige. En attendant la tenue effective du second tour, il faut tirer les enseignements du score de Weah au premier round. Cette performance peu satisfaisante instruit sur la baisse de la cote de popularité du seul ballon d'or africain à ce jour.
Il n'arrive pas à manier la politique comme il le faisait avec le ballon sur les terrains de football. Weah avait pourtant suscité beaucoup d'espoir à son accession au pouvoir en 2017, dans un pays où la guerre civile a fait plus de 250 000 morts et des dégâts matériels importants, d'après des sources officielles. Les couches défavorisées avaient placé tous leurs espoirs en Weah, dont le bilan ne donne pas forcément le sourire.
Même s'il a réussi à consolider la paix, à réaliser plusieurs infrastructures routières et à prendre certaines mesures, telle la gratuité des frais d'inscription à l'université, le président sortant n'a pas véritablement pu bâtir un nouveau Libéria à la hauteur des attentes. Certaines langues l'accusent à tort ou à raison de laxisme. Contrairement à sa promesse, la corruption n'a quasiment pas reculée. Bien au contraire, elle s'est davantage enracinée, au grand dam des défenseurs de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit. Alors que la pauvreté est endémique au Libéria, avec une hausse des prix des produits de première nécessité, des proches de Weah abusent impunément des deniers publics. Ils mènent grand train, sans être inquiétés. Cette triste réalité révolte bon nombre de Libériens qui croulent sous le poids de la misère.
A juste titre, elle est préjudiciable à l'image de Weah, qui ne peut plus se targuer d'être aussi populaire qu'avant. Boakai a d'ailleurs exploité cette faille pour gagner en confiance dans l'opinion, en témoigne son score au premier tour. Pour autant, le président sortant conserve ses chances de rester aux commandes du pays, ses opposants n'arrivant pas à unir leurs forces pour le contrer. Weah n'est pas trop faible, mais il n'est pas non plus trop fort. Tout est possible en terre libérienne. Le dernier mot revient aux électeurs, qui sont appelés à départager les deux candidats au second tour, dans deux semaines.