Sierra Leone: Affrontements dans le pays - «Personne ne pensait que ça arriverait maintenant»

Freetown, Sierra Leone (photo).

Calme précaire en Sierra Leone après les violences de dimanche. Des inconnus ont attaqué une caserne et un dépôt de munition à Freetown. Ils ont également libéré les prisonniers de plusieurs centres de détention. Des combats ont éclaté dans la capitale mais le pouvoir a déclaré avoir pris le dessus. L'armée a déclaré que les violences avaient fait une vingtaine de morts dont 13 soldats. Le pays a déjà connu plusieurs coups de forces ces dernières années, mais celui-ci survient dans un contexte qui surprend.

Mutinerie à la prison centrale en 2020, émeutes en 2022, tentative de coup d'État en juillet, la Sierra Leone connaît régulièrement des soubresauts. Mais les violences de dimanche ont surpris dans un contexte de désescalade après les élections contestées de l'été dernier, comme l'explique le politologue Idriss Mamoud Tarawallie.

« Personne ne pensait que ça arriverait maintenant. Parce qu'il y avait eu des tensions électorales. La crédibilité du scrutin était mise en cause. L'opposition avait refusé d'être au gouvernement. Mais les deux camps venaient de trouver un accord. Donc c'est surprenant c'est que ça arrive alors que l'opposition était retournée siéger au Parlement et dans les conseils municipaux. Le pays pensait qu'il y avait un chemin pour rapprocher les deux rivaux. Ça donnait de l'espoir. »

Un espoir qui pourrait donc être douché, craint ce professeur de sciences politiques. « Le dialogue politique est en danger. Mais j'ai été rassuré par discours du président. Son meilleur depuis 6-7 ans. Il était court, précis, il n'a pas lancé d'accusations. Dans le passé, il a qualifié les opposants de terroristes et de putschistes. Dimanche, il ne l'a pas fait. C'est comme si la présidence n'avait plus une posture aussi agressive vis-à-vis de l'opposition qu'auparavant. Donc le processus politique pourrait continuer. Néanmoins, beaucoup dépendra des prochains jours. Si des opposants sont arrêtés, le dialogue politique sera en danger. »

D'autant que pour Idriss Mamoud Tarawallie, « la cause de tout cela est politique ». Le chercheur à l'International institute for democracy and electoral assistance (IDEA) estime que le Sierra Leone « a besoin d'un système politique juste, inclusif ».

« Ces dernières années, le niveau de vie des citoyens est souvent sérieusement menacé selon le camp politique auquel ils appartiennent, pointe-t-il. Quand un parti est au pouvoir, ça bénéficie à une catégorie de gens, à un groupe communautaire. Ce principe du vainqueur qui prend tout fait que certains sont prêts à tout pour l'emporter, car ils veulent assurer leur survie. Si vous ajoutez la dévaluation de la monnaie, l'inflation, le chômage des jeunes, la consommation de drogues, vous avez un cocktail toxique qui fournit les fondations d'une violence comme celle de dimanche. »

Mais dans l'immédiat, le politologue juge la situation encore très volatile et se dit « inquiet ». « J'ai demandé à mes collègues de travailler chez eux. Et j'ai fait la même chose. Les assaillants sont entrés dans l'armurerie. Ont-ils pris des armes ? Combien se sont enfuis ? C'est un risque sécuritaire. La prison centrale a été ouverte. Donc des criminels endurcis sont peut-être dans la nature. Ça pose un problème de sécurité. Il y a des barrages en ville, les véhicules sont fouillés, donc la situation est très volatile. »

En attendant, les théories vont bon train sur les commanditaires des violences. Certains pro-gouvernement pensent que l'opposition est mêlée à l'affaire. D'autres y voient une diversion du pouvoir pour détourner l'attention de l'inflation et des pénuries d'essence.

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