Afrique: Examen des recours en annulation de la présidentielle du 20 decembre - La RDC n'est pas le Kenya

Radio Okapi/Ph. John Bompengo
Cours Constitutionnelle de la RDC
analyse

En République démocratique du Congo (RDC), après le vote du 20 décembre dernier, l'heure est à la gestion du contentieux électoral. C'est dans ce cadre que le 8 janvier dernier, la Cour constitutionnelle se penchait sur les deux recours en annulation du scrutin dont les résultats provisoires donnent vainqueur le président sortant, Félix Tshisékédi, avec 73% des voix.

Mais à la différence des principales figures de l'opposition qui appelaient le peuple à manifester pour exiger l'annulation des élections, Théodore Ngoy, candidat malheureux arrivé en queue de peloton avec 0,02% des voix, a, lui, saisi officiellement l'instance judiciaire suprême d'une requête en annulation du scrutin.

Il pointe du doigt les irrégularités qui ont émaillé le scrutin et qui, à son avis, sont de nature à remettre en cause sa crédibilité au point de nécessiter son annulation. Une attitude hautement républicaine qui est d'autant plus à saluer que le requérant, qui a été suivi dans son action par un autre citoyen, a suivi les voies légales de recours qui permettent de préserver la paix sociale.

Dans une RDC plutôt coutumière des contestations électorales par la rue, avec leur corollaire de violences dévastatrices et parfois meurtrières, c'est déjà cela de gagné pour une démocratie qui cherche encore ses marques.

La confiance n'est pas la chose la mieux partagée entre les acteurs politiques congolais et les institutions électorales de leur pays

Pour preuve, au sortir de ce scrutin, plusieurs opposants dont Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Denis Mukwege qui sont dans la contestation, ont décidé de ne pas saisir la Cour constitutionnelle dont la partialité, à leurs yeux, saute à l'oeil nu et ce, au regard même de sa composition. C'est dire si la confiance n'est pas la chose la mieux partagée entre les acteurs politiques congolais et les institutions électorales de leur pays.

C'est pourquoi on se demande si le recours en annulation de Théodore Ngoy n'est pas un combat perdu d'avance. On est d'autant plus fondé à le croire que dans le contexte actuel où Félix Tshisékédi tient sa réélection qui n'était pas gagnée d'avance, on ne voit pas la Cour constitutionnelle qui est déjà accusée d'être à la botte du prince régnant, remettre en cause ces résultats largement favorables au chef de l'Etat en se risquant à une quelconque annulation du scrutin qui remettrait les compteurs à zéro.

Et tout porte à croire qu'il n'en aurait pas été autrement, même si la requête avait été portée par des candidats de poids de l'opposition a fortiori un quidam dont on se demande si la démarche ne tient pas plus du symbolisme pour l'histoire que d'une volonté réelle de faire reprendre un scrutin qu'il est loin d'être le mieux placé pour gagner. De là à penser que c'est un recours pour la forme qui vise à entériner un processus électoral qui pourrait se targuer d'être allé au bout de la procédure, il y a un pas que d'aucuns pourraient vite franchir.

En tout état de cause, la RDC n'est pas le Kenya où la Cour suprême avait trouvé, en 2017, la force de prononcer l'invalidation des résultats de la présidentielle qui donnaient le président sortant, Uhuru Kenyatta, vainqueur avec 54,27% des voix contre 44,74% pour son challenger, Raïla Odinga, tout en ordonnant à la Commission électorale d'organiser un nouveau scrutin dans un délai de soixante jours, conformément à la Constitution.

La tentation est grande, pour le pouvoir de Kinshasa, de tourner rapidement la page de cette présidentielle

Une décision à portée d'autant plus historique qu'elle est inédite sous nos tropiques. De là à penser voir le même film se jouer en RDC, il y a un pas qu'il faut se garder de franchir rapidement. Et le scénario paraît d'autant plus improbable en RDC que le contexte actuel dans ce pays semble encore loin de pouvoir créer de telles surprises électorales, avec des institutions qui ont largement encore besoin de faire la preuve de leur indépendance.

Toujours est-il que sans remettre en cause toutes les irrégularités décriées, la Commission électorale nationale indépendante semble dans la logique d'en minimiser l'ampleur à l'effet de ne pas entamer la crédibilité du scrutin.

Et puis, dans le fond, même si par extraordinaire, il y avait matière à reprise du scrutin, où trouver les fonds pour son financement dans un contexte où la tenue du vote du 20 décembre dernier n'était pas gagnée d'avance et où l'aide extérieure s'est révélée en amont d'une nécessité absolue ? Autant de raisons qui laissent finalement peu de place au doute quant au sort d'une requête qui a peu de chances d'aboutir.

C'est dire si la tentation est grande, pour le pouvoir de Kinshasa, de tourner rapidement la page de cette présidentielle qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive et qui fait planer de sérieuses menaces sur la paix sociale.

Reste maintenant à savoir de quoi accoucheront les législatives, nationales et provinciales ainsi que les municipales qui étaient aussi à l'ordre du jour des votes du 20 décembre dernier et dont les résultats présentent autant d'intérêt en ce qu'ils permettront de dessiner la configuration de la scène politique congolaise pour les cinq années à venir.

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