Kenya: Manifestations de rues - Le gouvernement saute pour sauver le fauteuil présidentiel

William Ruto, président du Kenya
analyse

Le rejet par la rue des taxes prévues par le projet de budget 2024 au Kenya a viré à la crise politique majeure. Appelé à la démission, le président William Ruto multiplie les initiatives pour ramener le calme à Nairobi. Il a ainsi limogé, hier matin, la quasi-totalité des membres du gouvernement, à l'exception du vice-président, qui fait office de Premier ministre, et du ministre des Affaires étrangères.

Ce renvoi des ministres ainsi que du procureur général de la République sont la énième tentative du président Ruto de sauver son fauteuil. Depuis 2 semaines, suite au meurtre de 23 manifestants, les croquants ne demandent rien d'autre que sa démission et justice pour les victimes. En dissolvant le gouvernement, William Ruto use de la tactique des fusibles que l'on grille pour épargner l'ensemble du système.

La rue se laissera-t-elle amadouer par cet holocauste de premier choix, accompagné d'une profession de foi stridente : « J'ai écouté ce que le peuple du Kenya a dit et après une évaluation globale de la performance de mon cabinet, ses réalisations, ses défis, j'ai décidé de limoger avec effet immédiat tous les membres du gouvernement. Je vais immédiatement engager de vastes consultations à travers différents secteurs et formations politiques, dans le but de définir un gouvernement à base élargie qui m'aidera à accélérer les mesures nécessaires et urgentes'' ?

Cette déclaration du président Ruto indique clairement qu'il a pris la mesure de la crise sociopolitique qui secoue le Kenya depuis le 18 juin, date des premières manifestations. Les mécontents réclamaient la révision du projet de loi de finances qui prévoyait des taxes supplémentaires sur des produits de première nécessité comme les céréales, les hydrocarbures, l'huile alimentaire, le pain, etc.

Tout en appelant au dialogue, William Ruto avait laissé le projet de budget à l'examen des députés. Mais c'était sans compter avec la détermination des contestataires, qui ont forcé le dispositif sécuritaire le 25 juin pour prendre d'assaut les locaux du Parlement. Le retrait du projet de loi de finances, annoncé le lendemain, n'est toutefois pas parvenu à calmer la rue. Poussée par l'opposition, qui trouvait là l'occasion d'en découdre avec le pouvoir, elle a fait monter les enchères dans ses revendications, dénonçant le train de vie de l'Etat, ainsi que la mal gouvernance, et réclamant justice pour les victimes de la répression et la démission du président Ruto.

Pour leur répondre, ce dernier annonçait des coupes budgétaires sur les dépenses de fonctionnement des départements ministériels et les grandes institutions de l'Etat. Cela n'a pas suffi à contenter les contempteurs de son régime, toujours dans la rue, où de nouveaux affrontements vont faire de nouveaux morts. 39 par balles sont officiellement recensés à la date du 10 juillet sans oublier les plus de 300 prisonniers et des disparus.

Ces 3 semaines d'émeutes ont considérablement ralenti les activités économiques, notamment le commerce, dans la capitale et l'affluence des touristes, dont c'est la saison de pointe. Au demeurant, l'agence de notation de la santé financière des Etats a abaissé celle du Kenya à cause des incertitudes qui entourent son budget, exercice 2024. Une alerte sur la politique du président Ruto, lui qui a été élu en septembre 2022 avec la promesse d'une politique d'ouverture et de protection du pouvoir d'achat des Kényans, en l'occurrence ceux aux conditions les plus modestes.

Il faut croire que la configuration du gouvernement qui vient d'être dissous et le projet de budget 2024 avaient fait le grand écart avec ces promesses électorales. Mais scalper l'équipe gouvernementale sauvera-t-il le fauteuil présidentiel ?

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