Sénégal: Dépôt d'une motion de censure contre le PM Ousmane Sonko - Vendetta politique ou vitalité démocratique ?

Ousmane Sonko, premier ministre du Sénégal
4 Septembre 2024
analyse

On croyait que le Sénégal s'était définitivement éloigné des échauffourées politiques qui ont précédé la fin du mandat de Macky Sall qui rêvait d'un bonus à la tête de l'Etat.

Mais les évènements récents au pays de la Teranga montrent que les côtes sénégalaises continuent de subir de plein fouet les vents de la tempête politique. En effet, après le rejet de deux propositions de loi du gouvernement, relatives à la suppression de deux institutions jugées budgétivores, l'opposition au régime de Bassirou Diomaye Faye est passée à la vitesse supérieure en déposant une motion de censure contre le Premier ministre Ousmane Sonko.

Les députés de l'ancienne coalition au pouvoir étant majoritaires à l'Assemblée nationale, il y a de fortes chances que la motion soit adoptée, contraignant le chef de l'Exécutif à rendre le tablier, et cela conformément à l'article 85 de la Constitution sénégalaise. Sale temps donc, pourrait-on dire, pour le duo Diomaye-Sonko qui n'aura pas eu le temps de se délecter de sa victoire après son accession au pouvoir. Car, le moins que l'on puisse dire, c'est que cette motion de censure constitue un cinglant désaveu politique, même si, pour certains, elle n'est que symbolique.

Le PASTEF a manqué de réalisme politique en n'élargissant pas la base politique de son gouvernement

De ce fait, elle pourrait brouiller le jeu politique au pays de la Teranga. Mais l'on n'en est pas encore là. Pour l'heure, la question que tous se posent est la suivante : quel est le casus belli entre Benno Bokk Yakaar et Ousmane Sonko ? A l'origine de la brouille politique, il y a un flou législatif que chacun des protagonistes tente d'utiliser à son avantage.

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En effet, l'article 55 de la Constitution sénégalaise stipule que le Premier ministre doit faire sa Déclaration de politique générale (DPG) dans les trois mois suivant son entrée en fonction. Or, depuis que l'ancien chef de l'Etat a supprimé le poste de Premier ministre en 2019, la loi organique de l'Assemblée ne présente plus aucune disposition relative au Premier ministre qu'elle ne reconnait plus dans les faits. Pretextant de ce flou juridique, Ousmane Sonko a refusé de prononcer sa DPG au sein de l'Hémicycle.

Pour ses détracteurs, le Premier ministre, en refusant de se rendre devant les élus du peuple, craint, en réalité, de ne pas avoir la confiance du parlement où sa coalition, le Yewwi Askan Wi ne détient que 42 sièges sur 165. Mais au-delà de cette querelle juridique, l'on peut se demander si le Premier ministre n'est pas victime d'une véritable vendetta politique.

L'on est en droit de le penser. En effet, bon nombre d'observateurs de la scène politique sénégalaise pensent que l'opposition sénégalaise, à la rancune tenace, est toujours dans la dynamique du combat qui l'a opposé au parti des Patriotes africains pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) à la veille de la présidentielle. Même si elle n'a pas gagné le bras de fer contre le PASTEF lors du scrutin, elle entend lui faire rendre gorge en l'empêchant de gouverner comme pour rendre la monnaie de la pièce à Ousmane Sonko qui avait aussi appelé, en son temps, à la désobéissance civile contre Macky Sall.

Ce bras de fer pourrait se solder par de graves conséquences au plan politique et socio-économique

On pourrait même dire que c'est bien fait pour lui dans la mesure où, manifestement, l'ex-opposant a fait preuve de naïveté politique en croyant que son parti pourrait diriger seul le Sénégal tout en ne disposant pas d'une majorité à l'Assemblée nationale. En clair, le PASTEF a manqué de réalisme politique en n'élargissant pas la base politique de son gouvernement et il le paie cash.

Mais, pour certains analystes, cette crise n'est qu'un juste retour des choses dans la mesure où tout cela participe de la vitalité démocratique au Sénégal qui s'est taillé une solide réputation en la matière sur le continent. Cela dit, vendetta politique ou vitalité démocratique ? La question reste posée Toujours est-il que ce bras de fer pourrait se solder par de graves conséquences au plan politique et socio-économique.

Au plan politique, il peut fragiliser l'attelage Diomaye-Sonko qui est déjà dans le collimateur d'un acteur essentiel de la vie socio-politique au Sénégal, qu'est la presse. Au plan social, la crise politique peut déboucher sur des conséquences réelles sur la vie des populations. En effet, elle pourrait aboutir au blocage de l'appareil d'État avec un impact réel sur les différents secteurs d'activités.

Et ce n'est pas tout. Le bras de fer pourrait aussi déboucher sur la dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées ; ce qui, naturellement, entrainera une explosion des dépenses publiques au moment où l'économie sénégalaise est à la recherche de ses marques après le ralentissement consécutif à la conjoncture politique de la fin du règne de Macky Sall et aux contrecoups de la crise économique internationale liée à la guerre en Ukraine. Mais existe-t-il une autre issue à cette crise ?

On est tenté de répondre par l'affirmative. Et pour cause. Car, on est en Afrique et tous les conflits finissent par trouver une solution sous l'arbre à palabres. Cela dit, que les protagonistes de la crise acceptent de mettre de l'eau dans leur vin ou thé pour trouver une solution négociée non seulement favorable aux acteurs politiques qui ont pris la vie de la nation en otage mais aussi au peuple sénégalais dont ils sont censés défendre les intérêts.

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