La Banque africaine de développement doit élargir ses appuis aux femmes entrepreneures et aux jeunes innovateurs et créateurs d'entreprises afin de réduire la pauvreté et résoudre le manque d'emplois en Afrique, ont estimé de jeunes entrepreneurs africains. Ils s'exprimaient lors d'un panel sur le thème « Notre monde, notre expérience », qui a été organisé peu après le lancement des festivités du 60e anniversaire de la Banque.
Jean-François Yao, conseiller principal pour les partenariats institutionnels au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a salué la nouvelle orientation de la Banque qui prend désormais en compte l'urgence humanitaire dans les questions de développement. « La Banque africaine de développement fait déjà beaucoup pour le monde humanitaire et toutes les organisations qui aident à réduire la souffrance des populations et nous nous en félicitons », a déclaré M. Yao. Il a rappelé que la première action de la Banque avec le CICR, réalisée après la signature d'une lettre d'intention en 2019, avait permis de mettre en place un projet pilote d'autonomisation des femmes au Sahel. Ce projet qui a permis d'appuyer des femmes vulnérables, des veuves touchées par la crise au Sahel notamment au Tchad, au Mali et au Niger a transformé la vie de nombreuses personnes. « Une femme malienne qui vendait des beignets a reçu 200 000 FCFA. Ce qui lui a permis de développer son business, puis de fabriquer des jus de fruits et aujourd'hui, elle s'active dans la friperie. Elle a pu acheter un terrain et commencer à construire sa maison. Elle a aussi pu scolariser au moins trois de ses six enfants dans une école privée », a témoigné M. Yao. Il s'est félicité des résultats de ce premier partenariat qui a été renforcé en 2023 par un mémorandum d'entente. Ce mémorandum permet de mettre aujourd'hui, un projet humanitaire au Soudan du Sud qui va profiter à un million de déplacés internes. Alors que les actions de la Banque et celles du CICR sont parallèles, les deux institutions ont trouvé un point d'ancrage pour mettre en oeuvre le nexus développement-humanitaire et envisagent de signer très bientôt un accord-cadre pour approfondir ce partenariat.
Pour les représentants du secteur privé, les actions de la Banque doivent être plus lisibles et plus visibles. Mieux, la Banque doit augmenter et diversifier ses interventions pour développer le secteur privé, principal pourvoyeur d'emplois.
Christelle Essim Egue, Lamin Barro et Stéphane Aka-Anghui, tous acteurs du secteur privé ivoirien ont ainsi partagé leurs expériences de collaboration avec le Groupe de la Banque et leur vision pour l'institution dans la prochaine décennie.
« Avant je produisais 500 paquets de beignets par jour, aujourd'hui, j'en produis 60 paquets à la minute. L'accompagnement de la Banque nous a permis de créer d'autres produits », a témoigné, avec fierté, l'entrepreneure ivoirienne, Christelle Essim Egue, fondatrice de Pam Holding, une entreprise spécialisée dans la fabrication de beignets et la production de poivre naturelle.
Grâce à l'initiative AFAWA de la Banque qui appuie les femmes entrepreneures en Afrique, Christelle a bénéficié d'un financement de 40 millions de FCFA d'AFAVWA via la banque panafricaine ECOBANK. Aujourd'hui, son entreprise est florissante et elle s'apprête à ouvrir une nouvelle usine et à diversifier ses activités en investissant dans la production d'huile de palme. Pour son usine d'huile de palme, elle aura besoin de mobiliser 500 millions de FCFA et souhaite l'accompagnement de la Banque.
Innovateur et développeur de solutions informatiques, Lamin Barro, PDG d'Etudesk, une start-up spécialisée dans la formation en ligne, a été un partenaire de la Banque africaine de développement. La Banque a sollicité son entreprise pour accompagner 200 jeunes innovateurs en Égypte. En Côte d'Ivoire, sa start-up accompagne plus de 800 personnes y compris des institutions publiques, des entreprises locales et panafricaines comme des filiales de multinationales dans l'innovation technologique.
Saluant l'initiative Innovation and entrepreneurship Lab de la Banque, le très promoteur jeune entrepreneur, a souligné que la Banque doit aider les jeunes Africains « à créer, à innover ». « L'un de mes rêves c'est de voir un incubateur ou un centre d'innovation dans chaque université en Côte d'Ivoire, voire en Afrique. On peut faire l'éducation-entrepreneuriat », c'est-à-dire pouvoir créer sa propre entreprise pendant qu'on est encore à l'université, a-t-il plaidé, insistant pour que l'Afrique prenne sa place dans l'évolution technologique notamment l'intelligence artificielle, les blockchains...Pour lui la Banque doit davantage être présente dans les réseaux sociaux pour y rencontrer les jeunes pour « codévelopper des projets ».
Rappelant que le secteur privé ivoirien créait 500 000 emplois par an, Stéphane Aka Anhgui, directeur exécutif de la Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (CGECI), demande un partenariat privilégié avec la Banque en raison d'un objectif commun : industrialiser l'Afrique, créer des emplois, promouvoir les start-ups et l'innovation des jeunes.
« Le gouvernement ivoirien souhaite créer 8 millions d'emplois d'ici à 2030. Cela ne peut se faire que si nous créons beaucoup d'entreprises. Si nous créons un million d'entreprises, elles peuvent générer 10 millions d'emplois », a-t-indiqué.
La CGECI qui regroupe plus de 4000 entreprises en Côte d'Ivoire, fournit plus de 80 % des recettes fiscales du pays. Elle a déjà bénéficié d'un appui de la Banque pour aider les entreprises à mieux se structurer et à profiter du marché commun de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La CGECI souhaite développer d'autres initiatives avec l'appui de la Banque tel que le programme des champions nationaux ou la « CGECI Academy », une initiative pour accompagner les jeunes pousses.
Alors que le président de la Banque, Akinwumi Adesina, venait de livrer un vibrant discours pour lancer les festivités du 60e anniversaire de l'institution, M. Anghui lui a demandé de trouver du temps pour venir livrer ce genre de message inspirant, aux capitaines d'entreprises de Côte d'Ivoire afin de les encourager à devenir de vrais champions pour l'Afrique.
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