Félix Tshisekedi aura finalement remporté le bras de fer diplomatique qui l'opposait depuis longtemps à Paul Kagamé. S'il avait fini par se résoudre à discuter directement avec le Mouvement du 23 Mars, Tshisekedi disait toujours à qui voulait l'entendre qu'il n'entendait pas s'asseoir autour de la même table que ceux qu'il considérait comme des terroristes.
Par contre, il désirait discuter avec celui qu'il considère comme leur parrain, car certains disent que tous les rapports se suivent et se ressemblent : c'est le général Kagamé qui, depuis le pays des mille collines, appuie sur la détente des Kalachnikov du M23.
Il préférait ainsi avoir affaire à « bon Dieu » qu'à ses saints. C'est chose faite depuis le mardi 18 mars 2025, alors que devaient s'ouvrir les pourparlers entre le gouvernement congolais et le M23 à Luanda, en Angola.
C'est finalement à Doha, à la surprise générale, que l'événement s'est produit, sur l'initiative de l'Émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani. En réalité, si le cliché montrant les deux hommes face à face a surpris plus d'un, il faut dire que la rencontre était dans les tuyaux depuis un certain nombre de mois. Depuis le début de l'année, des contacts avaient été établis. Et par bonheur, l'Émir entretient de très bonnes relations avec l'un comme avec l'autre.
Les deux chefs d'État se sont en effet rencontrés dans la capitale qatarie pendant 45 bonnes minutes. Une première depuis un an. Leur dernière rencontre remonte en effet à février 2024, lors du sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba. Une rencontre dont on se rappelle qu'elle avait été particulièrement tendue. Et depuis, le fil du dialogue s'était interrompu entre Kinshasa et Kigali.
Le contact est donc officiellement rétabli depuis ce mardi. La diplomatie du chéquier aura sans doute pesé dans la balance, dans la mesure où l'on refuse difficilement l'offre de l'Émir, assis sur un matelas de pétrole et de gaz, et qui met régulièrement sa richesse au service de ses ambitions diplomatiques.
Ce n'est en effet pas la première fois que ce petit État de 11 500 km², pour une population de 2,5 millions d'habitants, intervient dans des foyers de tension. On l'a déjà vu au Tchad, au Soudan et même, dans une certaine mesure, au Sahel. Preuve, s'il en est, de l'influence de plus en plus grande de l'émirat sur le continent africain, à la fois sur le plan diplomatique, mais surtout commercial et économique.
Une fois de plus, il aura donc fallu aux protagonistes d'un conflit quitter le continent africain pour aller trouver la solution ailleurs, même si l'on aurait tort de penser que le problème est résolu juste parce que les deux hommes d'État, qui ne voulaient pas se voir en peinture il n'y a pas encore longtemps, ont eu une rencontre jugée cordiale selon différentes sources. Il faudra sans doute bien plus que cela pour amener la concorde à l'est du Congo et, par conséquent, entre les deux pays.
Est-ce d'ailleurs le début de ce qu'on pourrait appeler le processus de Doha ? Le contact rétabli entre Fatshi et l'homme mince de Kigali, les différents protagonistes devront-ils se retrouver comme il était initialement prévu en Angola ? La rencontre de Luanda, rappelons-le, avait dû être annulée, le Mouvement du M23 ayant finalement refusé d'effectuer le déplacement après la prise de sanctions de l'Union européenne contre certains de ses leaders.
Les deux capitales, il faut le noter, n'ont pas la même lecture de la rencontre, tant il y a un mur de défiance et de méfiance qui s'est constitué entre les deux hommes et les deux pays, qu'il faudra bien plus qu'une simple rencontre de 45 minutes pour surmonter.
Pour un peu, on croirait que l'UE a flingué les pourparlers de Luanda avant même qu'ils n'aient commencé, en prenant cette décision le jour même où les échanges directs devaient débuter.
Ce miracle de Doha ayant donc eu lieu, il faut maintenant espérer que ses effets perdurent sur le terrain par l'observation d'un cessez-le-feu ainsi que par la conduite des pourparlers pour parvenir à une paix durable dans cette partie de la RDC. Et qui sait si le Qatar ne tirerait pas un quelconque dividende commercial si l'Émir parvenait à dénouer cette crise qui n'a que trop duré.