Alors que le sommet « Nutrition pour la croissance » s'ouvre jeudi 27 mars à Paris, un « Village des solutions » a accueilli le public ce mercredi. L'objectif : sensibiliser aux enjeux de la malnutrition et mettre en lumière les réponses possibles, notamment en Afrique. Dans un contexte mondial marqué par la baisse des financements, des acteurs de terrain, eux, continuent de se mobiliser.
C'est une voix de robot qui accueille les visiteurs au Village des solutions à Paris. Une manière ludique d'aborder une réalité dure : chaque année, trois millions d'enfants meurent de malnutrition. Un paradoxe, selon Benjamin des Gachons, de la fondation Eleanor Crook. « On investit des milliards dans l'intelligence artificielle. On est capable de dialoguer avec des robots, mais on n'arrive toujours pas à mettre fin à la malnutrition, donc on veut pointer ce paradoxe », explique-t-il.
Cette urgence concerne particulièrement l'Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, près de 10% des enfants souffrent de malnutrition aiguë, explique Dieudonné Lankoandé, coordinateur national du réseau Resonut. Et au Mali, les mauvaises habitudes alimentaires aggravent le problème. Pour Issouf Traoré, du réseau des organisations de la société civile pour le renforcement de la nutrition, il faut revenir à l'essentiel.
« Quand on était petits, chez nos grands-mères, il y avait toujours des mets à base d'arachide, de miel, de mil... Aujourd'hui, ces recettes se perdent. Et on voit que la malnutrition augmente. Ces aliments traditionnels étaient sûrement très riches en micro-nutriments », observe-t-il.
Pour ces acteurs africains, la solution est aussi culturelle : réconcilier modernité et traditions, pour bâtir une nutrition durable, adaptée aux besoins de chacun.
Face à la malnutrition, des réponses existent
« C'est dans les 1000 premiers jours, du début de la grossesse aux deux ans de l'enfant, que tout se joue. Un bon développement nutritionnel dans cette période, c'est un meilleur avenir cognitif, éducatif, économique », certifie Baptiste Chapuis, de l'Unicef France.
La malnutrition touche avant tout les enfants de moins de cinq ans, notamment en Afrique. Pour le ministre délégué à la Francophonie, Thani Mohamed Soilihi, l'urgence est claire : « En matière de malnutrition, 1 euro engagé, c'est 23 euros d'enrichissement espéré. Il faut que le maximum d'engagements soit pris à l'issue de ce sommet. » Cet appel est repris par la société civile. Joseph Gausi, du Malawi, dénonce un manque criant de moyens. « Moins de 1% du budget annuel est actuellement consacré à la nutrition alors que notre gouvernement s'est engagé à y allouer au moins 5% », observe-t-il.
La situation de la malnutrition est très critique au Soudan du Sud. Au cours de ces deux dernières années, près de 9 millions de personnes avaient besoin d'une aide humanitaire et près de 1,5 million d'enfants étaient en état de malnutrition. Nous voulons que ce nombre soit réduit. Nous attendons que nos autorités s'engagent en matière de nutrition.
Des pays comme Madagascar tentent d'innover, en enrichissant le riz, aliment de base, avec des légumineuses ou légumes, sans changer les habitudes alimentaires. Mais le contexte international jette un froid. Les financements américains s'arrêtent et les budgets se resserrent.
À Tokyo, 27 milliards avaient été mobilisés. Cette année, l'ambition risque d'être à la peine. La société civile, elle, attend des actes.
La France souhaite donner une dimension politique à l'événement Ce sommet va réunir pendant deux jours acteurs politiques du monde entier, banques de développement, ONG et société civile pour faire avancer la lutte contre la faim dans le monde. Aujourd'hui, encore un enfant sur quatre de moins de cinq ans souffre de malnutrition. C'est la première cause de mortalité infantile.
Ce rendez-vous a lieu tous les quatre ans. Il est traditionnellement organisé par le pays qui a reçu les Jeux Olympiques. Cette année, la France, pays hôte d'une centaine d'acteurs dont 75 représentations étatiques, souhaite surtout donner une dimension politique à l'évènement.
Mais les États-Unis sont les grands absents et le contexte général est compliqué : baisse de l'aide au développement, multiplication des conflits, redirection des budgets de nombreux États vers le secteur de la défense. Le défi de ce sommet est de mettre plus à contribution et de manière coordonnée le secteur privé, la philanthropie et les organisations internationales. Parmi les objectifs, le sommet souhaite montrer qu'investir dans l'alimentation saine et durable est profitable.
La Banque mondiale l'a mis en avant : pour un euro investi dans la nutrition, c'est une retombée économique de 23 euros. Des enfants bien nourris, c'est 33% de chance pour ces futurs adultes d'échapper à la pauvreté.
L'inaction a également un coût : 41 000 milliards de dollars dans la prochaine décennie. La moitié à cause de dénutrition et l'autre moitié à cause de l'obésité. En effet, les statistiques tendent à montrer que bientôt la moitié de la population souffrira de ce problème. Les besoins pour de nouveaux modèles agricoles sont également au coeur des discussions. Le changement climatique a un fort impact. Plus deux degrés pourrait entraîner la faim pour 189 millions de personnes supplémentaires. Il s'agira aussi de rappeler aux États leurs responsabilités...