« La BAD se place en tête des institutions qui appuient l'ABN dans le financement des grands ouvrages hydrauliques... La BAD sans tapage particulier fait partie des partenaires majeurs qui ont aidé l'ABN à se réveiller de ses cendres et reste le seul à financer des actions concrètes sur le terrain de manière participative avec les populations locales qui apprécient favorablement son intervention», a souligné M. Seyni Seydou, lors d'une interview accordée, jeudi à Tunis, à La Banque qui Bouge, à la sortie d'audience avec le président Kaberuka.
Question: Pouvez-vous situer nos lecteurs sur l'objectif de la mission de L'Autorité du Bassin du Niger à la BAD ?
Réponse: Merci de m'avoir donné l'opportunité de donner à vos lecteurs d'amples informations sur la mission de l'ABN à la BAD. Mais avant, permettez-moi de faire un bref rappel sur le contexte de l'ABN. Le fleuve Niger, long d'environ 4200 km (3ème d'Afrique et 9ème du monde), draine un bassin versant couvrant une superficie de l'ordre de 2.100.000 KmÂ', soit un tiers de la superficie totale de la sous région ouest africaine. Son bassin actif s'étale sur près de 1.500.000 kmÂ' couvrant le territoire de 9 pays : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigeria et Tchad et abrite environ 110 millions de personnes dont 64% sont rurales et 36% urbaines.
Ces neuf (9) Etats ont crée, le 21 novembre 1980 l'Autorité du Bassin du Niger (ABN) en lieu et place de la Commission du fleuve Niger créée en 1964. La mission assignée à l'ABN est de promouvoir la coopération entre les pays membres et d'assurer un développement intégré du bassin par la mise en valeur de ses ressources, notamment dans les domaines de l'énergie, de l'hydraulique, de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche et de la pisciculture, de la sylviculture et de l'exploitation forestière, des transports et communications et de l'industrie.
L'espace ABN, à l'instar des autres bassins fluviaux de la sous région ouest africaine, connaît depuis près d'une quarantaine d'années, une dégradation et une fragilisation des ressources naturelles avec l'apparition et/ou l'aggravation de certains phénomènes qui prennent l'allure d'une menace à l'existence humaine dans le bassin. Il s'agit par exemple de l'ensablement des cours et plans d'eau, la pollution d'origines diverses, la prolifération des plantes aquatiques notamment la jacinthe d'eau, etc.
Malgré d'importants efforts d'investissement consentis par chacun des Etats membres de l'ABN, les défis et les enjeux de développement du bassin demeurent importants. Il s'agit entre autres, de (i) la réduction de la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie des populations, (ii) la protection de l'environnement et des écosystèmes, (iii) la sécurité alimentaire, (iv) le partage équitable des bénéfices et (v) l'utilisation durable et équitable des ressources en eau par tous les utilisateurs.
Face à ces défis, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN), réunis à Abuja (République Fédérale du Nigeria) en février 2002, ont décidé qu'une « Vision claire et partagée » soit développée afin de renforcer la coopération entre les Etats, de tirer le meilleur parti des ressources et de protéger les écosystèmes du bassin.
Ce processus a donné naissance à un Plan d'Action pour le Développement Durable (PADD) à l'horizon 2025 et un Schéma Directeur de Lutte Contre l'Ensablement (SD/LCE) assortis d'un Programme d'Investissement ont été élaborés et adoptés par le Conseil des Ministres de l'ABN. Rappelons au passage que l'élaboration dudit Schéma est une des trois Composantes du Programme de Lutte Contre l'Ensablement financé par la BAD à hauteur de 23,33 millions d'UC pour 5 ans.
Ce Programme d'Investissement fera l'objet d'une approbation par le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'ABN et sera ensuite soumis à la table ronde des bailleurs de fonds prévu courant premier semestre 2008.
L'objectif de cette mission de l'ABN à la BAD est de sensibiliser et informer les autorités de la Banque sur les résultats du Processus de la Vision Partagée, sont maintenant disponibles.
Question: Que dit concrètement cette vision partagée ?
Réponse: Pour l'ABN, la vision partagée consiste en une vision commune du développement durable du bassin du Niger, négociée et acceptée par l'ensemble des acteurs des Etats membres. Elle est l'idéal de mise en valeur optimale de toutes les potentialités du bassin souhaité par les Etats membres. Elle contribuera à exploiter le potentiel important de ressources naturelles et de favoriser le développement durable au profit des populations du bassin du Niger.
Il s'agit donc d'informer les responsables de la Banque de ce que ABN compte boucler ce processus par un Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement pour l'approbation du PADD et son Programme d'Investissement et une Table Ronde des bailleurs de Fonds pour la recherche de financement de ce Programme d'Investissement. Le Président du Conseil des Ministres de l'ABN a remis aux responsables de la BAD une copie du PADD et de son Programme ainsi que le schéma Directeur de Lutte Contre l'Ensablement.
Question: Dans votre rapport, vous avez souligné le fait que la BAD soutient les efforts de l'ABN pour protéger et exploiter les ressources en eau du bassin du Niger. Quelle est votre appréciation de cette contribution dans la relance de l'ABN et de la protection du bassin ?
Réponse: L'ABN apprécie hautement la contribution de la BAD à la relance de ces activités. Cette contribution qui se chiffre à 37,1 millions d'Euros, sert à financer le Programme Régional de Lutte Contre l'Ensablement dans le Bassin du Niger et le Projet Niger-Hycos.
Ces deux Projets régionaux mènent des activités concrètes de terrain dans les pays membres de l'ABN. La BAD a aussi financé les Etudes d'Impacts Environnementales et Sociales du projet d'aménagement de la vallée de Kandadji au Niger.
La BAD appuie aussi l'ABN sur les plans technique et financier dans le cadre de la réalisation des grands ouvrages hydrauliques transfrontaliers à savoir les projets de barrages de Kandadji, de Taoussa et de Fomi. Au cours de la Table Ronde des Bailleurs de Fonds sur le financement des barrages de Kandadji et de Taoussa tenue à Djedda en novembre 2007, la BAD s'est engagée à participer au financement de ce programme d'infrastructures pour la gestion optimale des ressources en eau.
Notons que la BAD a confirmé cet engagement au cours de la rencontre avec l'ABN. La BAD se place en tête des institutions qui appuient l'ABN dans le financement des grands ouvrages hydrauliques, domaine dans lequel notre sous région est très en retard par rapport au reste du monde.
Cet appui est un catalyseur qui pousse les partenaires hésitants à s'adhérer pour permettre à l'ABN de mettre en Å"uvre cette importante activité pour le développement de l'espace du bassin. Il faut noter que les résultats probants obtenus grâce à ces financements de la Banque ont suscité d'autres partenaires à croire aux capacités de mise en Å"uvre de l'ABN et à se joindre à la BAD pour accompagner notre institution commune dans ces efforts de gestion durable des ressources naturelles et de protection des écosystèmes du bassin. A ce titre, on peut citer le Programme de Développement des ressources en Eaux et de Gestion Durables des Ecosystèmes financé par la Banque Mondiale à hauteur de 500 millions de Dollars pour une période de 12 ans.
Question: Au-delà du financement, que pensent les bénéficiaires des actions de la BAD ?
Réponse: Nous constatons que la BAD sans tapage particulier fait partie des partenaires majeurs de l'ABN, qui l'ont aidée à se réveiller de ses cendres et reste le seul à financer des actions concrètes sur le terrain de manière participative avec les populations locales qui apprécient favorablement son intervention. La BAD a appuyé l'ABN dans l'élaboration du PADD et de son Programme d'Investissement en finançant le Schéma Directeur de Lutte Contre l'Ensablement assorti d'un Plan d'Action et d'un Programme d'Investissement évalué 560 millions d'Euros pour une drée de 15 ans.
Question: Dans votre présentation, vous avez affirmé que l'ABN a déjà mis en place son Programme d'Investissement sur 20 ans (2008-2027). Qu'attendez-vous concrètement de la Banque pour la mise en Å"uvre de la Vision Partagée du bassin du Niger ?
Réponse: Oui, le programme d'investissement à l'horizon 2027 qui constitue l'un des principaux résultats de l'aboutissement du processus de la Vision partagée, a été adopté par le conseil des Ministres de l'ABN. Hormis les dispositifs institutionnels de mise en Å"uvre, il est axé sur 639 actions dont une large part a un caractère commun ou transfrontalier et intégrateur. Les actions du Programme d'investissement sont structurées en quatre (4) plans quinquennaux sur la période de 2008 à 2027 suivant les trois (3) composantes prioritaires de développement précédemment retenues par les Etats :
Composante 1 : Développement des infrastructures socio-économiques comprenant 263 actions pour un montant total de 4 454 903 000 Euros dont 1 148 755 000 Euros pour le Plan Quinquennal Prioritaire (PQP) ;
Composante 2 : Protection des Ressources et des Ecosystèmes comprenant 140 actions dont le montant total est évalué à 852 386 000 Euros dont 157 768 000 Euros pour le PQP ;
Composante 3 : Renforcement des capacités et implication des acteurs de la Gestion Intégré Ressources en Eau (GIRE) comprenant 236 actions d'un montant total de 250 816 000 Euros dont 72 595 000 Euros pour le PQP.
Le montant total du Programme d'investissement à l'horizon 2027, est évalué à 5 558,105 millions d'Euros dont 808,6 millions sont acquis et/ou annoncés garantissant un taux de couverture de 19%. Le financement complémentaire recherché est d'environ 4 749,505 millions d'Euros.
Quant aux plans quinquennaux, les deux premiers (2008-2012 et 2013-2017) correspondent à une phase intense d'investissements physiques, notamment pour les trois barrages transfrontaliers de Fomi, Taoussa et Kandadji et à la réhabilitation des barrages de Kainji et de Jebba au Nigeria.
Question: Comment comptez-vous réunir les fonds pour les financements complémentaires nécessaires ?
Réponse: Le coût des travaux de ces ouvrages structurants et les mesures associées représentent 48% du montant total du Plan Quinquennal Prioritaire (2008-2012) dont le montant total est estimé à 1 379, 117 millions d'Euros sur 5 ans. Ce montant total est couvert à 40% soit environ 549,126 millions d'Euros par les financements acquis (27%) et annoncés (73%). Le financement complémentaire à rechercher est d'environ 860,795 millions d'Euros pour sa mise en Å"uvre.
Dans l'optique de trouver les financements complémentaires nécessaires, les Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN) ont planifié la tenue d'une Table ronde avec les partenaires financiers du bassin du Niger durant le second trimestre 2008. C'est à cet effet que l'ABN sollicite l'appui de la BAD pour la réalisation des actions inscrites dans le Plan Quinquennal Prioritaire 2008-2012 notamment celles qui entrent dans ses domaines et champs de financement.
Sur le financement approuvé et/ou annoncé pour ce premier Plan quinquennal évalué à 549,126 millions d'Euros, la BAD contribue à hauteur de 6,8% soit 37,1 millions d'Euros soit 55,1 millions US $ que l'ABN apprécie hautement.
En effet, dans le sens de la continuité des appuis de la BAD à l'Autorité du Bassin du Niger ayant permis l'élaboration et à l'adoption du Schéma Directeur de Lutte contre l'Ensablement, l'ABN voudrais formuler le souhait de voir la BAD financer l'ensemble des actions de ce Schéma Directeur entièrement intégré au Programme d'investissement. Le montant total des actions s'élève à 650 millions d'Euros sur une période de 15 ans.
Par ailleurs, l'ABN souhaiterait l'appui de la BAD à travers la Facilité Africaine de l'Eau pour les actions relatives au renforcement de la fonction connaissance des ressources du bassin ; à la qualité de l'eau du fleuve; au renforcement des capacités du Secrétariat Exécutif (construction du siège de l'ABN) ; au renforcement des capacités de l'ABN en planification et gestion de l'eau ; à l'appui aux Etats du bassin du Niger pour une stratégie régionale d'adaptation aux changements climatiques. Nous recherchons également un l'appui au Secrétariat Exécutif de l'ABN pour l'organisation et la tenue du 8ème Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement et de la Table ronde des Bailleurs sur le Programme d'Investissement et son Plan Quinquennal Prioritaire 2008-2012.
Question: Quel est votre mot de fin ?
Réponse: Enfin, l'ABN remercie très sincèrement la Banque Africaine de Développement et la Facilité Africaine de l'Eau pour l'appui financier fort apprécié, apporté à notre institution dont les Etats membres sont résolument engagés dans le processus de la Vision partagée en cours et qui, nous en sommes convaincus avec le soutien de l'ensemble de nos partenaires, nous conduit vers un développement intégré, concerté, durable et paisible du bassin du Niger. Je vous remercie.
Interview réalisée par Aristide Ahouassou, l'Unité des relations extérieures et de la communication. A.ahouassou@afdb.org.