Entretien avec Kalidou Gadio - «La règle de droit est-elle une condition du développement économique ou une conséquence de celui-ci?»

21 Juin 2012
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

Dans l'absolu, le constat que l'on peut faire en matière de droits de l'homme, c'est que ceux-ci ne sont pas un acquis irréversible pour les populations africaines. Tout porte à croire, en effet, que le « Droit » est réservé à l'élite africaine. Tout en reconnaissant les efforts qu'il reste à déployer pour un meilleur accès au droit, Kalidou Gadio, conseiller juridique général de la BAD, souligne la nécessité d'améliorer les actions de vulgarisation dans le cadre d'une stratégie plus globale et plus cohérente.

Comment peut-on faire du développement, alors que le minimum en matière de droit ne semble à la portée des populations africaines ?

Cette question est principalement liée à l'accès au droit et à la justice, en particulier pour les populations les plus vulnérables. En effet, le développement socioéconomique suppose également que les populations, en particulier, les plus pauvres, aient un accès gratuit aux services juridiques et judiciaires. Cela doit se traduire par la mise en place de dispositifs institutionnels destinés à fournir ces services. Il s'agit, notamment de l'organisation de séances de consultations juridiques gratuites (par exemple en matière de droit des femmes à la propriété foncière, au droit d'accès au crédit rural etc..) et à une assistance judiciaire pour la défense des droits fondamentaux (liberté, propriété, participation inclusive etc...

La Banque accorde une importance capitale à cette question de l'accès aux services juridiques et judiciaires puisque l'un des piliers de sa politique en matière de bonne gouvernance repose sur les Réformes juridiques et judiciaires. Cette préoccupation est traduite dans les opérations de la Banque à travers, soit des composantes de projets d'appui institutionnel dans le domaine de la gouvernance, soit des projets stand-alone consacrés aux réformes juridiques et judiciaires. A titre d'exemple, on peut citer les projets exécutés à Djibouti, Madagascar, Côte d'Ivoire, Cameroun etc...Dans tous ces projets, une sous-composante accès au droit a été prévue ainsi que des actions de vulgarisation des textes. Il est vrai cependant que ces efforts restent insuffisants et qu'il convient de les améliorer dans le cadre d'une stratégie plus globale et plus cohérente. C'est précisément, la raison pour laquelle la Banque a organisé le séminaire de Tunis sur le thème Droit et Développement afin de recueillir les meilleures pratiques internationales en vue d'améliorer ses actions de développement et de renforcer les capacités des populations vulnérables en matière d'accès au droit.

Qu'attendez-vous de la conférence internationale sur la thématique: « La règle de droit est-elle une condition du développement économique ou une conséquence de celui-ci? Repenser le lien entre Droit et Développement »

Il faut tout d'abord rappeler que le président de la Banque, Donald Kaberuka, a exprimé sa volonté de faire de la BAD, une institution de la connaissance (Knowledge based institution). Dans cette optique, le département des services juridiques (GECL) a entrepris, cette année, une série d'initiatives dont la première a consisté à organiser un séminaire, en marge des Assemblées annuelles à Arusha, sur le thème du lien entre droit et développement. Ce séminaire conjoint BAD-Université de Harvard était animé par le professeur David Wilkins assisté d'experts juristes venus de quatre (4) pays à économie émergente notamment, l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde et la Chine. L'objectif était de voir, à travers des exemples concrets, comment ces pays ont réussi, en modernisant leur dispositif juridique national, à tirer le meilleur profit de la mondialisation de l'économie et quels enseignements la Banque pouvait en tirer au profit de ses pays membres régionaux (PMR). L'approche défendue par le Prof. Wilkins a consisté à dire que la promotion de la règle de droit est un préalable nécessaire au développement socio-économique .Il faut dire que cette manifestation scientifique a connu un important succès tant par son audience que par la qualité des échanges entre l'équipe des experts et le public.

Le séminaire de Tunis du 22 juin s'inscrit dans la même perspective, puisqu'il s'agit de stimuler la réflexion en vue, éventuellement, de nourrir les stratégies et politiques de la Banque en matière de réformes juridiques et judiciaires. Ce séminaire sera animé par le Prof. Erik Jensen, directeur du Centre de Recherche sur la Règle de Droit (Rule of Law) à la prestigieuse Université de Stanford (Californie). Toutefois, si le thème de ce séminaire reste toujours le même, à savoir le lien entre Droit et Développement, l'approche privilégiée par le Prof. Erik Jensen sera différente de celle du Prof Wilkins. En effet, selon le Prof. Jensen, la promotion de la règle de droit n'est pas nécessairement un préalable au développement économique, mais en est plutôt une conséquence.

A partir des recherches qu'il a menées, notamment pendant 14 ans en Asie, il a pu observer que plusieurs pays de cette région, malgré leurs régimes autoritaires, ont connu un développement économique qui a fait d'eux des pays émergents. Donc, selon lui, ce n'est qu'après que les conditions de développement économique sont réunies que le droit doit intervenir pour fixer les règles et procédures de régulation de l'économie et de la société.

A l'issue de ce séminaire, GECL procédera à une évaluation des résultats des discussions et fera des recommandations à la haute direction sur les leçons que la Banque pourrait en tirer dans la perspective de la finalisation de la Stratégie à Long Terme (SLT). Ces recommandations seront basées sur les résultats des deux séminaires (Arusha et Tunis).

Contact

Aristide Ahouassou

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